Parmi toutes les œuvres
portant sur le sujet de l'incarcération, qu'il s'agisse de prisons,
d'instituts psychiatriques ou de maisons de redressement, Scum
d'Alan
Clarke fait sans doute partie des rares à avoir conservé
l'entièreté de son impact malgré ses quarante-cinq ans d'âge. Un
long-métrage dont la puissance reste gravée à tout jamais dans les
esprits, rejoignant dans un ordre d'idée légèrement différent le
classique de Milos Forman Vol au dessus d'un nid
de coucou.
Pour son tout premier long-métrage cinématographique, le
réalisateur et scénariste britannique qui jusque là avait
travaillé pour le petit écran et avait notamment consacré un
documentaire au dissident soviétique Vladimir Bukovsky signe une
œuvre choque, définitive, portrait d'une institution type où l'on
enferme la mauvaise graine afin de l'éduquer d'une manière toute
particulière et pour lui faire retrouver le droit chemin. Ceux
qu'empruntent parfois éducateurs et éduqués sont ici décrits de
la manière la plus crue qui soit et donc la plus réaliste possible.
Bien qu'étant une fiction purement divertissante, Scum
est aussi et avant tout une virulente charge contre ces institutions
en question. Une œuvre qui tente d'éclairer le public sur les
conditions de vie des pensionnaires et des agissements de ceux qui en
ont la responsabilité. Le film n'échappe pas aux ''poncifs'' du
genre. Terme ici quelque peu galvaudé, voire irrespectueux, d'un
ouvrage authentiquement sincère qui n'échappe tout comme aucun
autre comme lui à la tentation d'exhiber des individus infestant
toutes les couches de la société et quel que soit le continent.
L'importance du long-métrage d'Alan Clarke est donc considérable et
même si elle témoigne d'une réalité aussi tragique que poignante,
il faut tout d'abord prendre des précautions et savoir où l'on va
mettre les pieds. Ici, les longues tablées n'ont pas l'élégance et
la féerie de La Grande Salle de Poudlard de la franchise Harry
Potter.
Et même si l'on distingue de part et d'autres des inimitiés se
terminant invariablement par des confrontations, nul doute que celles
qui opposent les gros durs de la maison de correction où se situe
l'action de Scum aux
plus faibles sont incomparables avec la légèreté des chamailleries
qui opposent les personnages créés par la romancière britannique
J. K. Rowling bien des années plus tard.
Le
film connu de sévères difficultés lors de sa sortie sur grand
écran. À l'origine, le scénariste Roy Minton et Alan Clarke
produisirent un téléfilm pour le radiodiffuseur BBC
mais devant la violence, celui-ci attendra de nombreuses années
avant de pouvoir être diffusé. Entre temps, le réalisateur
toujours accompagné de son scénariste mettront au point une version
pour le grand écran. Celle-là même qui fera beaucoup parler d'elle
pour des raisons qui peuvent plus ou moins s'expliquer compte tenu du
soucis de véracité prôné par Alan Clarke, contraignant ainsi
celui-ci ainsi que Roy Minton à aborder leur œuvre sur un ton
adéquat. À l'époque l'on ose encore aborder le racisme en des
termes depuis bannis de tout dialogue. ''Nègre'' est par exemple un
terme que l'on entendra très souvent et même exclusivement durant
le récit. Cantonnés dans un coin quoi que n'étant pas vraiment
victimes ici de ségrégation, le but du film est de faire des
représentants de race noire les victimes d'un racisme totalement
décomplexé de la part de leurs camarades blancs ou des gardiens
eux-mêmes. Chef-d’œuvre intemporel qui assume pleinement son âge
et son esthétique un peu vieillotte mais ô combien évocatrice de
son époque, Scum
multiplie les discours. Entre racisme institutionnalisé, loi du plus
fort, sévices corporels allant des coups jusqu'à la torture morale,
enfermement, humiliations, viols et même suicides, le film d'Alan
Clarke est une œuvre aussi magistralement écrite et mise en scène
qu'admirablement incarnée par la totalité de ses interprètes. On
notera bien entendu dans le rôle principal l'acteur Ray Winston dans
le rôle de Carlin, détenu à la mauvaise réputation mais véritable
soutien permettant une certaine cohésion entre ''pensionnaires'' et
gardiens. Du moins jusque dans une certaine mesure. Ainsi que la
présence de Mick Ford dans le rôle d'Archer, un jeune végétarien
athée et érudit. Ponctué de séquences proprement insoutenables
(le viol d'un gamin dans une serre suivi plus tard de son suicide),
Scum
est un classique du genre. L'un des plus importants de sa catégorie.
Une fiction, certes, mais surtout un témoignage réaliste et parfois
terriblement éprouvant...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire