Nul besoin d'aller
chercher dans l'histoire personnelle de Michel Gondry pour comprendre
que son
dernier long-métrage Le livre des solutions
est en partie autobiographique. Il suffit de voir comment le cinéaste
a dès le départ façonné les clips Human
Behaviour,
Army of Me et
Isobel
de la fée islandaise Bjork ou le Knives
Out
de Radiohead pour découvrir l'univers de cet homme dont l'imaginaire
ressemble parfois à la chambre encombrée d'un enfant hyperactif
atteint de bipolarité. Les deux pôles d'une créativité hors du
commun qui trouve désormais en la personne de l'acteur Pierre Niney
son pendant cinématographique. Mise en abîme dans l'exercice de
création, Le livre des solutions
paraît étonnamment fluide malgré les incessantes circonvolutions
qui touchent le héros et atteignent ceux qui gravitent autour de
lui. L'auteur du génial Eternal Sunshine of the
Spotless Mind
revient à ses amours de toujours, entre bricolage et imaginaire
florissant. Une œuvre où le cinéaste et son principal interprète
déploient une tentaculaire vision du cinéma amateur et où les
compagnons de route des deux hommes font preuve d'une patience
remarquable. Autour du héros orbitent dans l'espace confiné de ses
pensées, Blanche Gardin en monteuse, laquelle fait preuve d'une
sobriété bienvenue, ainsi que Frankie Wallach et Mourad Boudaoud en
assistants. Ajoutons à ce carré de ''techniciens'' du septième art
l'actrice Françoise Lebrun, remarquable de douceur et de
compréhension dont le personnage de Denise est aux petits soins pour
son neveu Marc Becker qu'interprète donc Pierre Niney. Tout dans le
rôle qu'elle incarne par la douceur de son expression et du regard
qu'elle projette sur son neveu est visible à l'écran. C'est tout le
passé d'une enfance difficile qui se déploie. Une hyperactivité,
une boulimie de travail, une humeur changeante. Bref, Marc use ses
collaborateurs à travers une imagination débordante et des remises
en question permanentes.
Résultat :
le personnage incarné par Pierre Niney est tout autant crispant
qu'il peut être touchant. Réalisateur d'un film dont il se refuse
de suivre pas à pas le montage, Marc part avec son équipe se
réfugier dans la maison de campagne de sa tante Denise pour fuir le
loup qui s'est introduit dans la maison de production (Vincent Elbaz
dans le rôle de Max Laporte). Mais le calme apparent des lieux ne va
pas adoucir le comportement du réalisateur qui en outre a pris la
décision de ne plus prendre les médicaments qui lui permettent de
mettre un frein aux phases maniaco-dépressives dont il est atteint.
D'un égocentrisme qui peut rebuter mais qui dans son grand étalage
finis par faire sourire, Marc envisage son nouveau film alors même
que le précédent est en post-production. L'univers de Michel
Gondry, celui que l'on connaît à travers son œuvre mais sans doute
aussi celui qui dans l'ombre envisage le cinéma, est visiblement
constitué d'un fatras d'idées mises en œuvre à la manière d'un
château de cartes branlant sur des bases incertaines d'où le génie
se bat en duel avec les idées les plus improbables. À tel point
qu'un Quentin Dupieux n'aurait sans doute pas eu suffisamment
d'imagination pour concevoir le fameux Camiontage
improvisé par le héros du Livre des solutions.
Concernant ce dernier d'ailleurs, qui n'intervient qu'à de
sporadiques occasions, il agit tel un outil de stratège et de
création sans lequel la conception d'une œuvre est chez Marc
quasiment impossible. Ouvrage totalement vierge redécouvert après
des décennies, Marc y décrit par la voie de symboles, la
construction d'une œuvre à laquelle il semble pour l'instant être
le seul à croire. La technique et la mise en scène de Michel Gondry
étant bien rodées et le récit finalement lapidaire (bien plus en
tout cas que pour La Science des Rêves
qu'il réalisa vois dix-huit ans), Le livre des
solutions
reste sans doute l'une de ses œuvres les plus accessibles malgré le
cahier des charges qui repose sur le personnage de Marc. Au delà de
l'agacement et des crispations que peut parfois générer le
comportement du héros, le film est drôle, émouvant (on remerciera
chaleureusement l'actrice Françoise Lebrun pour l'attention que
porte son personnage à l'encontre de son neveu et de ses invités)
et perclus d'idées absolument géniales comme cette fameuse séquence
lors de laquelle Marc dirige un orchestre sans partition !
Celui de "Let forver be" pour les Chemical Brothers est également excellentissime (de même que le morceau). Mais je n'ai vu aucun de ses films. Pas sûr de commencer avec celui-là étant donné mes préjugés (oui, je sais, ce n'est pas bien) sur Niney et surtout Gardin...
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