Pour son second
long-métrage, le fils du réalisateur espagnol Luis Buñuel, Juan
Luis, nous revient en cette année 1974 avec La Femme aux
bottes rouges.
Sept ans après que son père ait mis en scène l'actrice française
Catherine Deneuve, c'est maintenant au tour du fiston de lui offrir
un rôle tout à fait à la hauteur de son étrangeté. Le charme
blond et glaçant est sans doute pour beaucoup dans le choix du
cinéaste qui la filme, elle et les autres interprètes, dans un
univers en totale adéquation avec la peinture en trompe-l’œil que
peindra durant une bonne partie du récit son ami Richard
qu'interprète le français Jacques Weber. Surtout, Juan Luis Buñuel
s'offre un casting de choix puisque autour de ces deux protagonistes
dont le lien qui les unie reste difficile à définir très
précisément (sont-ils de simples amis ou sont-ils amants?), le
réalisateur espagnol convie notamment lors de cette curieuse
aventure, l'espagnol Fernando Rey à l'impressionnante carrière dont
plusieurs passages chez Luis Buñuel (Viridiana
en 1961, Tristana
en 1970, Le Charme discret de la bourgeoisie
l'année suivante et Cet obscur objet du désir
en 1977). Sont également présents à l'image les italiens Laura
Betti et Adalberto Maria Merli. La première fut une fidèle
interprète de l'immense Pier Paolo Pasolini pour lequel elle
interpréta plusieurs personnages notamment dans Œdipe
roi
en 1967, Théorème
l'année suivante pour lequel elle remporta la Coupe
Volpi
à la Mostra de
Venise
cette année là ou encore Les Contes de
Canterbury
en 1972. Les amateurs de cinéma d'épouvante la reconnaîtront pour
l'avoir également découverte dans Une hache
pour la lune de miel
ou La baie sanglante
tous deux respectivement signés du grand Mario Bava en 1970 et 1971.
Sans oublier sa participation à quelques longs-métrages hexagonaux
à l'image du Gang
et de Un papillon sur l'épaule
tous deux réalisés par Jacques Deray ou Noyade
interdite
de Pierre-Granier Deferre en 1987. Mais le visage sans doute le plus
marquant du récit est sans doute celui d'Adalberto Maria Merli dont
la carrière d'acteur aura finalement été timide puisqu'en
cinquante-trois ans, il n'aura tourné que dans une petite
cinquantaine de séries, téléfilms et longs-métrages dont le plus
remarquable reste sur notre territoire l'excellent Peur
sur la ville
d'Henri Verneuil. Une œuvre qui en 1975 rendait hommage aux Gialli
italiens en mettant en scène notre Jean-Paul Belmondo national aux
prises avec un tueur désaxé, misogyne et borgne !
Très
étrange s'avère donc effectivement La Femme aux
bottes rouges
qui donne sa couleur aux chausses que porte l'héroïne Françoise
Leroy (Catherine Deneuve). Une jeune femme blonde qui vit auprès du
peintre légèrement excentrique, Richard, lequel est en pleine
création d'une toile en trompe-l’œil. Un jour, alors qu'elle est
accoudée à un bar, Françoise propose à un inconnu assis à une
table de lui montrer quelque chose d'étonnant s'il accepte en
contrepartie de lui donner cent francs. Le vieil homme du nom de
Perrot (Fernando Rey) s'exécute et la voilà qui apparaît nue sous
son manteau. Après cela, la jeune femme se dirige dehors vers un
bouquiniste qui très rapidement va être questionné au sujet d'un
auteur de romans par un certain Marc (Adalberto Maria Merli), lequel
est marié à Sophie (Emma Cohen). Fasciné par la jeune femme,
Perrot décide de la suivre et comme elle-même semble désormais
attirée par Marc, le vieil homme décide de tout entreprendre pour
défaire la curiosité qu'éprouve désormais Catherine pour le jeune
homme. Au final, tout ce petit monde est convié dans la luxueuse
propriété de Perrot, grand amateur d’œuvres picturales qu'il
rachète et détruit après s'être littéralement effondré devant.
Le vieil homme et Catherine vont alors se livrer à une partie
d'échec, tout ceci sous le regard de Richard, Marc et de la
domestique Léonore (Laura Betti). Difficile d'aborder La
Femme aux bottes rouges
avec toute l'objectivité que cela nécessite. Car outre le
récit, déjà très alambiqué et tournant autour de l'art, de la
passion amoureuse et, d'une certaine manière, de la sorcellerie, la
mise en scène et le montage s'avèrent à ce point libre de toutes
contingences que le film semble avoir été réalisé de manière
tout à fait improvisée. Et pourtant, cette petite gourmandise ô
combien surréaliste se montre plutôt séduisante. La matière
créatrice héritée du paternel par son fils Juan Luis Buñuel
risque cependant d'en décontenancer un certain nombre. Et ce sera
d'ailleurs davantage dans l'imaginaire que sur un plan purement
graphique que l'on se fera une opinion de ce très étrange objet du
désir pour reprendre l'un des titres de films de Luis Buñuel. Le
plus beau plan, celui qui clôt le film, ferait presque regretter que
n'ait pas été davantage approfondie l'esthétique surréaliste du
long-métrage... Étonnant, voire, déconcertant...
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