On pourrait avoir de
bonnes raisons de croire que je suis atteint de la maladie
d'Alzheimer en débarquant une nouvelle fois avec un long-métrage
portant le titre The Boat
orné d'une affiche similaire à la purge signée du réalisateur
italien Alessio Liguori. Mais que l'on se rassure, tout va bien. Il
s'agit là en fait d'une œuvre qui remonte à 2018 et qui n'a
qualitativement parlant que peu de rapports avec le film précédemment
évoqué. Ici, pas de couples multiples mais un homme, un seul, qui a
bord de sa petite embarcation de pêche va croiser sur les eaux, un
joli voilier apparemment abandonné. Vu que le bonhomme est seul, le
spectateur ne risquera pas de faire une indigestion de dialogues. Car
à part les quelques situations propices à hurler qu'il va
rencontrer durant son séjour forcé à bord du voilier en question,
on ne peut pas dire que le protagoniste soit réellement prolixe. Si
comme moi vous avez été récemment le témoin de l'indigence du
film éponyme réalisé en 2022 par Alessio Liguori, oubliez donc
tout ce que vous avez vu et laissez vous bercer par le tangage de ce
luxueux petit bateau de croisière à côté duquel, la minuscule
embarcation guidée au départ par notre héros fait pâle figure.
D'origine maltaise, le producteur, scénariste et réalisateur
Winston Azzopardi engage pour son troisième long-métrage après les
deux téléfilms A Story on Revenge
en 1995 et A Gozitan Tale
en 1997, son propre frère Joe Azzopardi avec lequel il semble avoir
de gros soucis de communication vu le sort qu'il va accorder à son
personnage tout au long du récit. ''Fallait pas qu'il s'en mêle''
aurons-nous régulièrement à l'esprit au vu du calvaire que va
vivre cet homme sans nom lors de ce qui apparaît pourtant d'emblée
comme une petite promenade de santé à bord d'un joli voilier plutôt
bien équipé contrairement à celui des protagonistes créés par
l'autre tâcheron d'Alessio Liguori quatre ans plus tard. La solitude
de notre héros n’entache en rien l'intérêt que l'on portera à
une intrigue qui forcément débute timidement. Le coup de la brume,
on connaît. Ce qui pourtant définit assez légitimement une
appréciation des événements ne va pas se révéler tout à fait
exact.
Car
il est facile de tomber dans le piège du bateau hanté ou de la
présence invisible et hostile. Pour se faire une idée assez précise
de l'ensemble sans pour autant vouloir gâcher la surprise, disons
que la correspondance entre le voilier et le protagoniste prendra le
contre-pied émotionnel du chef-d’œuvre de John Carpenter,
Christine,
tout en lui faisant vivre une épreuve quasiment à la hauteur du
Duel
de Steven Spielberg et peut-être plus proche encore de celle du
sympathique Enfer mécanique
(The Car)
que réalisa en 1977 Elliot Silverstein. Avec des bouts de ficelle
mais la ferme intention de faire bondir à l'intérieur de notre cage
thoracique notre palpitant, Winston Azzopardi parvient à se saisir
des éléments propres aux angoisses liées à la solitude ou à un
voyage en mer pour y instaurer un authentique climat de tension. Et
ce, à travers des situations qui parfois pourraient paraître
incongrues si elles n'étaient pas au contraire, sources d'effroi. Ou
comment vivre la journée et la nuit les plus longues de son
existence enfermé dans les minuscules chiottes d'un petit bateau de
croisière. Avec intelligence et une économie de moyens qui frise le
génie, le réalisateur maltais s'amuse à entrer dans la tête de
son personnage et des spectateurs quelques idées noires à travers
des astuces toutes bêtes. Et qui commencent par une porte qui claque
au loin. Un micro-événement sans doute dû au tangage du voilier.
Ensuite, heureusement le bonhomme possède des connaissances en
matière de navigation qui lui permettent de prendre le contrôle de
''la bête''. Puis interviennent des événements beaucoup plus
inquiétants qui ne lui laisseront aucun répit et que j'éviterai
d'énumérer ici histoire de ne point trop en dire. The
Boat
de Winston Azzopardi est une très belle réussite faisant monter la
pression avec parcimonie mais efficacité. Au terme de ce récit, on
reste finalement bluffé par ce petit film dont nous n'attendions
rien de spécial mais qui au final fait parfaitement le taf. Après
lui, pas sûr que l'on ait envie de remettre les pieds sur une
embarcation de luxe histoire de l'échanger contre une vieille
bicoque...
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