Que peut-il y a voir de
pire que d'être dans une salle de cinéma remplie d'adolescents très
agités, incapables de se taire durant la projection d'un
long-métrage ou passant leur temps à commenter, toutes lumières de
leur smartphone déclenchées, les tout derniers articles postés sur
les réseaux sociaux ? Être assis à côté d'un type dégageant
une forte odeur d’ammoniaque pour avoir oublié le matin même de
se laver sous les aisselles ? Qu'un infamant hasard ait
justement choisi ce jour là pour vous imposer un siège dont le
dossier ne cesse de retomber vers l'arrière ? Ou qu'une
pantagruélique septuagénaire ait ce même jour, décidé de venir
s'asseoir à côté de vous, les bras chargés de victuailles
enfermées dans des sachets dont le bruit deviendra au fil de la
projection, aussi invariablement crispant que d'entendre chez soit un
voisin faire des trous dans le mur de sa chambre à coups de
perceuse ? Ce jour où ma compagne et moi avons décidé de nous
dégourdir les jambes jusqu'au CGR de
Narbonne, je n'imaginais pas que la plus terrible des séances de
cinéma allait m'être imposée. Incroyable mais vrai
de
Quentin Dupieux venait tout juste de sortir sur les écrans et en
bons amateurs du bonhomme, c'est donc frais et dispos que nous avons
pris la voiture. Elle, derrière le volant. Moi, à la place du mort.
Un peu moins de vingt minutes plus tard, nous arrivions devant la
façade du CGR
pour constater que comme depuis le début, le milieu et la fin de la
pandémie, nous ne serions très certainement pas venus en masse
découvrir le nouveau bébé de celui qui se cache également sous le
pseudonyme Mr
Oizo !
Un cinéma constitué de neuf salles et pourtant, l'écho de nos voix
aurait pu se faire entendre de très loin tant l'immense salle
d'accueil nous semblait vide. Une toute petite poignée de
spectateurs accompagnés de leurs gamins, sans doute venus découvrir
le dernier dessin animé à la mode. Quant à nous, c'est avec une
joie à peine dissimulée que nous avons découvert une salle rien
que pour nous. Un rêve s'accomplissait alors... pour très
rapidement se transformer en cauchemar...
Pourquoi ?
Tout simplement parce que Quentin Dupieux, allez savoir pourquoi,
choisissait alors de tourner son dernier film à l'époque à l'aide
d'une caméra vielle d'une quarantaine d'années dont le zoom était
cassé ! Bien que ce ''minuscule'' détail n'ait pas affecté
l'expérience de ma Douce, la mienne fut pire encore que de découvrir
le premier Avatar
de James Cameron en 3D dans une image tellement sombre que je m'étais
contraint à suivre une bonne partie du récit les lunettes 3D posées
entre mes jambes. Mais rien, là, en comparaison avec Incroyable
mais vrai dont
le titre ne m'avait jamais semblé aussi proche de ce que je vivais
personnellement dans cette salle obscure où je ne pouvais même pas
raccrocher mon désespoir à celle que je préférais laisser
profiter du film. L'auto-focus défaillant de la caméra employée
par le réalisateur et scénariste eut pour conséquence la recherche
constante d'une mise au point passant du net au flou et du flou au
net. Une véritable torture pour la rétine et le cerveau, incapables
l'un comme l'autre de laisser faire naturellement les choses et
contraints de revoir en permanence comment aborder ce qui se
déroulait sous mes yeux. Un comble pour une œuvre qui d'après nous
semblait faire partie des plus ambitieuses de leur auteur. À
commencer par un casting trois étoiles principalement interprété
par Anaïs Demoustier, Léa Drucker ainsi que Benoît Magimel et
Alain Chabat. Seconde et antépénultième expérience pour la
première, l'unique pour la seconde et le troisième tandis que le
dernier, lui, en était déjà à sa troisième participation à une
œuvre signée de Quentin Dupieux après Réalité
en 2014, Au Poste !
(en voix-off) en 2018 et avant Daaaaaali !
qui devrait très prochainement les réunir ainsi qu'Anaïs
Demoustier.
Advienne
que pourra en vidéo et lors de ses futurs passages à la télévision
mais si Incroyable mais vrai
possède effectivement un cachet visuel qui lui est personnel,
espérons que d'autres ne revivent pas ce que j'ai ressenti en salle.
Concernant le long-métrage lui-même, nous sommes bien chez Quentin
Dupieux et son sens de l'absurde. Et même s'il s'est avant cela déjà
montré techniquement beaucoup plus ''aventureux'', il aura au moins
eu dans le cas présent le mérite de faire une mise à jours avec le
concept de voyage et de paradoxe temporels ! C'est pourtant dans
un cadre réaliste que le cinéaste installe ses quatre principaux
personnages. Le couple formé par Alain et Marie (Alain Chabat et Léa
Drucker achètent tout naturellement une demeure de style plutôt
moderne (le genre que conçoivent en général pour leurs propres
besoins les architectes), laquelle cache un très étonnant secret
qui va avoir de très lourdes conséquences sur leur couple. On
regretterait presque que le projet ait été mis en scène par
Quentin Dupieux dont l'approche minimaliste du septième art empêche
le concept d'être traité à la hauteur de son mérite. Ce qui
n'enlève évidemment rien aux charmes d'un film qui passe finalement
mieux sur un petit écran que sur un (trop) grand. Le principal
soucis visuel dû au problème d'auto-focus est ici quasiment réglé
et l'inconfort passé laisse la place à une véritable gourmandise
due tant au sujet du film que du jeu des interprètes. Léa
Drucker/Marie rêve de retrouver l'éclat de sa jeunesse tandis qu'à
ses côtés, Alain Chabat/Alain continue de vieillir. Incroyable
mais vrai
offre également au thème du Portrait
de Dorian Gray
un petit nettoyage de printemps bienvenu. Et c'est sans compter sur
le couple que forment Anaïs Demoustier en cruche un brin nymphomane
et Benoît Magimel en nouvel homme ''bio-ionique'' doté d'une verge
électronique ayant malgré tout conservé certains travers comme le
machisme ! Accompagné d'une bande musicale bucolique cette
fois-ci signée d'Andreas E. Beurmann qui réinterprète des airs de
Bach, ce qui apparaît comme une stricte fantaisie est en fait
beaucoup plus profond. Et si d'apparence Quentin Dupieux semble avoir
fait quelques compromis, penser cela serait une erreur. Simplement
l'homme et l'artiste ont-il évolué...
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