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vendredi 17 mars 2023

Nitram de Justin Kurzel (2021) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Après un premier long-métrage coup de poing et pour le moins dérangeant (Les crimes de Snowtown en 2011), le réalisateur australien Justin Kurzel revenait en 2021 avec Nitram, s'inspirant une fois de plus d'un fait-divers authentique. Entre-temps, il mit en scène l'une des nombreuses adaptations de la pièce de William Shakespeare MacBeth en 2015, une autre basée sur le jeu vidéo Assassin's Creed l'année suivante ainsi qu'une biographie sur le Bushranger Ned Kelly intitulée Le Gang Kelly en 2019. Anacyclique du prénom Martin, Nitram est celui que porte le héros de ce récit qui situe son action dans les années quatre-vingt dix en Australie. Partageant sa passion entre les feux d'artifices et le surf (ce dernier ne lui procurant aucun plaisir concret puisque ses parents, et sa mère en l'occurrence, ne lui donnent pas les moyens de s'offrir une planche), Nitram est un marginal qui au mieux est hyperactif et au pire, est doté de troubles psychiatriques. Sans amis, regardant les jeunes s'adonner à leur passion sans pouvoir la partager avec eux, l'adolescent s'occupe comme il peut. Au détriment de sa mère (extraordinaire Judy Davis), impuissante, ou de son père (Anthony LaPlagia) qui gère autant qu'il le peut l'énergie débordante de son fils. On retrouve le grain du premier long-métrage de Justin Kurzel qui à l'époque fit sensation. Ou comment aborder un fait de société particulièrement dramatique sous l'angle esthétique du cinéma indépendant. Rejoignant une légion de longs-métrages, Nitram est tout comme le premier film de son auteur ou des œuvres telles que Clean, Shaven de Lodge Kerrigan, Julien Donkey-Boy de Harmony Korine ou Elephant de Gus Van Sant, une œuvre véritablement sous tension psychologique. L'antithèse du rêve américain qui génère autant de malaise que d'interrogations. Une œuvre qui ne transpire ni la joie, ni même l'optimisme. Et ce, malgré la rencontre entre Nitram et cette excentrique vieille femme (Essie Davis dans le rôle d'Helen) qui lui donne enfin un but dans la vie. Ou du moins, partage avec l'adolescent ce non-conformiste qui les place à l'écart de la société. Vivant exclusivement entourée de chiens, de chats et d'oiseaux en liberté dans une vaste propriété, sans époux et sans enfants, Helen accueille chez elle le jeune garçon. Ouvrant à ce dernier des perspectives faussées par la maladie qui contamine son quotidien ainsi que celui de ses proches...


Nitram déploie des trésors de sensibilité portés par l'incroyable performance de l'acteur Caleb Landry Jones qui du haut de ses trente et un ans à l'époque du tournage n'en fut cependant pas à ses débuts puisque avant cela, il débuta en figurant dans l'excellent No Country fort Old Men des frères Coen et poursuivit sa carrière dans des œuvres aussi diverses que Le dernier exorcisme de Daniel Stamm et The Social Network de David Fincher en 2010, X-Men : Le Commencement de Matthew Vaughn l'année suivante ou Get Out de Jordan Peele en 2017. Il interprétera même le rôle principal du premier long-métrage de Brandon Cronenberg Antiviral en 2012. Autant dire que la carrière de Caleb Landry Jones est déjà sacrément enviable, renforcée donc en 2021 par ce Nitram qui, au delà de l'aspect passablement sordide du fait-divers évoqué est aussi et surtout une œuvre déchirante et totalement habitée par le jeune acteur. Un drame social réaliste, pessimiste et dont les personnages évoluent dans une sphère mélancolique. Comme évoqué plus haut, Nitram, le titre, est la lecture à travers un miroir du prénom d'un authentique tueur de masse qui en 1996 sévit dans le petit village de Port Arthur en Tasmanie en tuant trente-cinq personnes et en en blessant vingt-trois autres. Arrêté puis condamné à mille trente-cinq ans de prison, Martin Bryant purge depuis sa peine au Risdon Prison Complex. De la prison pour un individu que le film fait percevoir à travers le prisme de la folie, de la schizophrénie, vivant dans un monde imaginaire et n'ayant pas vraiment conscience du mal qu'il produit. Formidablement interprété par des partenaires caractérisés avec une grande justesse, Nitram cherche, selon son auteur, à faire réfléchir sur la législation concernant le port d'armes en Australie sans pour autant aborder le sujet de manière frontale. Délaissant également l'aspect purement graphique libéré dans une décharge visuelle particulièrement éprouvante dix ans auparavant avec Les crimes de Snowtown, Justin Kurzel s'intéresse donc moins aux conséquences qui ont menées un jeune homme à perpétrer un carnage qu'aux ''motivations'' disproportionnées qui l'ont poussé à ôter la vie à plusieurs dizaines de personnes. Au final, Nitram est une œuvre choc, bouleversante, terrifiante, admirablement interprétée et mise en scène. Un joyau noir...

 

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