Sorti un mois avant
J'adore ce que vous faites de Philippe Guillard, la
similitude entre son scénario et celui des gagnants de
Azedine
Ben et Laurent Junca a de quoi laisser perplexe quant à
d'éventuelles fuites. La date de sortie d'un long-métrage
n'indiquant pas forcément celle de sa conception, nous laisserons de
côté cet étrange épiphénomène qui se produit ponctuellement et
qui consiste en la sortie à quelques mois d'intervalle (et au
hasard) de deux longs-métrages reposant peu ou prou sur une même
idée. Alors que dans la comédie de Philippe Guillard l'acteur
Gérard Lanvin (dans son propre rôle) se confrontait à un
Artus/Momo particulièrement collant, dans Les
gagnants,
l'humoriste Tom Leroy (incarné par Joey Starr) est contraint
d'accepter un deal avec son agent s'il veut réparer l'erreur qu'il a
récemment commise et retrouver ''l'amour'' de ses fans qui depuis,
lui en veulent terriblement. En effet, à la sortie de son dernier
spectacle, Tom a signé quelques autographes à l'arrière d'une
voiture avant de se moquer copieusement de l'engouement de l'un de
ses fans. Filmé en direct par sa compagne Tania (l'actrice Adèle
Galloy) qui ne s'attendait pas à une telle réaction de la part de
l'humoriste, la vidéo devient très rapidement virale. Claude Dumont
(Eric Laugérias) et l'un de ses collaborateurs prennent alors
rapidement la décision de rattraper l'erreur de leur poulain en
proposant un concours aux fans de Tom en permettant à deux d'entre
eux de gagner l'opportunité de passer une semaine complète dans la
demeure de leur idole...
Dans
le registre des comédies françaises réunissant une star (du
cinéma, de la télé ou de la chanson) et son (ou ses) fan, la
référence demeure peut-être chez nous Mon
idole
de Guillaume Canet dans lequel l'acteur-réalisateur incarnait
Bastien, le chauffeur de salle d'une émission télévisée de
variété présentée par l'animateur Philippe Letzger. Lequel
invitait le jeune homme à passer le week-end chez lui, permettant
ainsi à Bastien de rencontrer en outre son idole, le producteur
Jean-Louis Broustal. L'on y retrouvait alors un François
Berléand/Jean-Louis Broustal délicieusement cynique et arrogant. Un
ton très largement différent de celui des Gagnants
donc puisque ici, c'est la légèreté qui prime. Financée à
hauteur de quatre millions et sept-cent mille euros, la comédie de
Azedine Ben et Laurent Junca s'avère assez navrante. Pour l'un comme
pour l'autre, Les gagnants
est leur premier film en tant que réalisateurs et scénaristes. Si
le second ne semble rien avoir écrit ou réalisé avant cela (le
bonhomme ayant à l'avenir comme projet de réaliser une nouvelle
comédie sous le titre de Spinelli et fils),
Azedine Ben est quant à lui un humoriste qui s'est fait connaître
grâce au Jamel
Comedy Club.
Participant à d'indigentes émissions de télévision telles que
Vendredi, tout est
permis avec Arthur ou Touche
pas à mon poste dont il est un chroniqueur régulier, celui que l'on
connaît sous le nom de scène AZ signe donc ici son premier film en
tant que réalisateur, scénariste et interprète puisqu'il y joue le
rôle de Nabil, l'un des deux ''fans'' supposés de l'humoriste Tom
Leroy aux côtés d'Alban Ivanov qui quant à lui incarne le
personnage de Nicolas. Joueur de flûte émérite (c'est à peu près
ainsi qu'il se décrit) et amoureux fou de tartes tropéziennes,
Nicolas va donc passer une semaine (ou presque) aux côtés de Nabil
qui lui est un adepte de tuning et obsédé par la question de
l'argent. Lors de ce long séjour durant lequel les deux hommes en
feront baver à l'humoriste, Nicolas et Nabil feront notamment la
connaissance de Julie (Gloria Colston), la fille de Tom Leroy. Une
jeune anorexique qui désespère que son père lui consacre davantage
de temps...
Tiens,
l'anorexie justement. Voilà un thème qui aurait pu enrichir une
comédie lambda mais qui n'est survolée que très superficiellement
jusqu'à être totalement oubliée au bout de cinq minutes. C'est en
général le principal soucis avec Les gagnants.
Si les dix ou quinze premières minutes sont relativement
sympathiques (LA bonne idée étant d'avoir choisi la star
ronchonneuse du rap français Joey Starr pour incarner le rôle de
l'humoriste), le film va rapidement se montrer d'une inefficacité
crasse en terme d'humour. C'est bien simple, tout ou presque semble
provenir de comédies anciennes ou récentes. Des séquences éculées
et répétitives qui ne maintiennent qu'un sourire poli, voir gêné
devant le projet d'autodestruction dans lequel Alban Ivanov semble
avoir choisi de se jeter ! Après l'infâme Le
Dernier Mercenaire
de David (tâcheron) Charhon, Les Méchants
de Mouloud Achour, le nullissime Le Médecin
imaginaire
d'Ahmed Hamidi ou même Les Folies fermières
de Jean-Pierre Améris pourtant adapté d'une histoire authentique,
il semblerait que la carrière d'Alban Ivanov soit derrière lui. ET
pourtant, certains s’échinent à le mettre en scène dans des
comédies ringardes alors même que l'acteur possède un réel
potentiel comique. À dire vrai, seul Joey Starr et Adèle Galloy
s'en sortent à peu près convenablement. Lui pour ce qu'il sait
faire de mieux (tirer la gueule) et elle pour sa sobriété.
Concernant Les gagnants,
on est dans du classique. De la comédie française formatée visant
davantage le jeune public auquel ne sera pas demandé un seul instant
de réfléchir. N'étant ni Michel Audiard, Ni Bertrand Blier et
encore moins Francis Veber, il ne faudra par conséquent pas attendre
de la part des deux réalisateurs/scénaristes, autre chose que des
dialogues lourds et convenus. Bienvenu dans le multivers où seules
les comédies des bas-fonds ont droit de cité...
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