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vendredi 12 août 2022

L'année du requin de Ludovic et Zoran Boukherma (2022) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Je ne roule pas sur l'or (petit postier sans la moindre envergure) ni ne suis masochiste. Mais alors, qu'est-ce qui peut bien me pousser à franchir parfois la porte d'une salle obscure quand je sais que le film qui y sera projeté aura probablement plus de chances d'être un navet qu'un chef-d’œuvre ? Plaisir malsain de jeter l'argent par les fenêtres ou simple envie de pointer le majeur devant ceux qui dénigrent avant d'avoir vu ? Non mais sans déconner ! Jean-Pascal Zadi était demeuré jusque là un inconnu. Du moins, en ce qui me concerne. Et pourtant, ce curieux sosie d'un Eddie Murphy qui se serait fait arnaquer par un prothésiste dentaire du dimanche tourne ses propres longs-métrages depuis dix-sept ans. Né à Bondy, et donc pas très loin de la ville qui m'a vu naître, le bonhomme multiplie les casquettes de réalisateur, producteur, rappeur et donc, acteur. En 2020, il réalise le surestimé Tout simplement noir dont le titre et l'affiche donnent une image assez précise de son contenu. En 2022, il trône au beau milieu de celle du nouveau long-métrage des jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma. Auteurs en 2020 de la très sympathique comédie horrifique Teddy, les deux frangins reviennent donc cette année avec L'année du requin dans lequel apparaissent également, et SURTOUT, Marina Foïs et Kad Merad qui, fruit du hasard ou non, se croisèrent notamment à la fin du siècle dernier sur la ''regrettée'' chaîne Comédie. Si Teddy mettait au centre de l'intrigue un adolescent atteint de lycanthropie, les frères Boukherma semblent cette fois-ci être attirés par un autre mythe du cinéma fantastique et d'épouvante puisque comme paraissent l'indiquer le titre et le synopsis, un requin géant menace les vacanciers de La Pointe, un village du sud de l'hexagone. Si le film prend encore une fois la forme d'une comédie horrifique, les deux réalisateurs témoignèrent cependant de leur volonté de respecter certains codes propres aux genres horreur et épouvante avec, sans doute, en ligne de mire, la volonté de rendre hommage aux Dents de la mer d'un certain... Steven Spielberg...


Marina Foïs passe ici de la comédie et du drame au cinéma d'horreur et d'épouvante humoristique et ce, pour la seconde fois puisque l'année dernière on a pu la voir dans le très saignant et drôlatique Barbaque de et avec Fabrice Eboué ! Kad Merad, lui, accumule les interprétations (souvent trop) légères sur grand écran, dans une grande majorité de comédies qui ne le sont pas moins, souvent fidèle envers son ancien complice Olivier Barroux pour lequel il a jusqu'à maintenant accepté de tenir la vedette dans six de ses longs-métrages. Narré par Ludovic Torrent (au visage duquel on serait tenté de vouloir jeter un seau d'eau glacée tant son phrasé ''mou du genou'' épuise à la longue), le récit démarre par la mort d'un touriste qui au beau milieu de la mer est emporté sous les flots, laissant derrière lui une eau gorgée de sang. Avec ses références et son mélange des genres, forcément, L'année du requin intrigue. Mais déçoit également. On aimerait pourtant pouvoir se satisfaire de cette histoire toute bête d'un petit bled du sud de notre pays où s'entrechoquent meurtres sanglants perpétrés par un requin, une fliquette qui avant de prendre sa retraite veux mener son enquête jusqu'au bout, accents girondins et des seconds rôles plus ou moins intéressants. Le soleil de plomb ne semble pas avoir écrasé que les seuls personnages primaires et secondaires dont la diction a la lourdeur de celle du touriste qui s'exprime tout juste après avoir fait sa sieste. La mise en scène toute en apesanteur estivale imprime au récit un rythme de saison qui n'a pas davantage d'intérêt que la lente narration de Ludovic Torrent. On sent pourtant malgré tout pointer la volonté d'injecter un peu de cynisme à l'ensemble. Et sans doute de folie bizarre et décalée jusque dans l'accumulation de cadrages en plongée/contre-plongée dont l'efficience reste encore mal définie...


Au bout de trois quarts-d'heure environ, L'année du requin prend une tournure tout à fait inattendue. Voire surprenante. On passe de la comédie horrifique au drame. Une rupture de ton bienvenue où interviennent les réseaux sociaux, lesquels s'acharnent alors sur notre pauvre héroïne, incapable de prévoir et d'empêcher une nouvelle victime. La bande musicale d'Amaury Chabauty se fait plus pesante, plus douloureuse. Ludovic et Zoran Boukherma évoquent avec justesse l'implication des réseaux sociaux formant un tribunal populaire dans lequel tout le monde peut s'exprimer. Sans être glaçant, cet aspect renforce le côté dramatique d'un récit où à contrario, les deux jumeaux invoquent trop timidement cette vérole que l'on nomme Wokisme quand d'autres n'ont jamais peur de s'attaquer à cette bien-pensance qui semble désormais se généraliser sur notre territoire (Barbaque de Fabrice Eboué, donc, mais aussi le délicieusement trash Oranges sanguines de Jean-Christophe Meurisse). Le personnage qu'interprète Marina Foïs (celui de Maja, ais-je oublié de préciser) y quitte enfin sa forme amorphique et de cette chrysalide dont elle se libère naît une femme beaucoup plus fragile qu'il n'y paraissait jusque là. De la comédie vaguement horrifique dont les frères Boukherma avaient accouché, L'année du requin se mue quelque part en un drame jamais vraiment bouleversant mais parfois touchant. Le film repose presque exclusivement sur les épaules de Marina Foïs puisque la totalité des acteurs qui l'accompagnent, de Kad Merad et Jean-Pascal Zadi jusqu'aux seconds rôles, demeurent quasiment insignifiants. Quelques rares effets gore également, dont certains amuseront ceux qui dénicheront immédiatement la supercherie (le nez dans le sable). Ça n'est pas une surprise, mais Kad Merad a toujours autant de difficulté à jouer sur le thème du drame quant Marina Foïs y arrive quant à elle sans trop forcer. Bref, si L'année du requin demeure moins surprenant que le précédent long-métrage de Ludovic et Zoran Boukherma et s'il reste forcément moins impressionnant que celui de Steven Spielberg, vu le nombre de purges qui furent produites au hasard Outre-Atlantique sur le sujet les décennies suivantes, le cinéma français peut se vanter cette année de s'être doté de cette curiosité...

 

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