Alors
que nous nous apprêtons à aller découvrir le dernier long-métrage de
Quentin Dupieux, petit retour non pas sur la filmographie de celui qui
se cache sous le pseudo de Mr Oizo lorsque l'inspiration musicale lui
vient mais sur deux étranges et passionnantes alternatives à ce cinéma
de l'absurde dont il nous abreuve depuis ses débuts en 2001 avec Nonfilm.
Exit donc Quentin Dupieux. Nous accueillons au sein d'un curieux
univers parallèle l'acteur Ramzy Bédia auquel le réalisateur français
avait d'ailleurs offert l'un des deux principaux rôles de son décalé Steak en
2007. Mais cette fois-ci, c'est sur François Desagnat et Baptiste
Lorber qu'il lui aura fallu compter. Le premier n'a cependant pas confié
à Ramzy le rôle principal de sa dernière comédie Zaï Zaï Zaï Zaï. Mais découverte conjointement à la mini-série Or de lui dans
lequel l'humoriste et acteur tient cette fois-ci la vedette, le rapport
qu'entretiennent l'un et l'autre de ces programmes me contraint à les
lier au même article. L'auteur de La beuze en 2003, de Le jeu de la vérité en 2014 ou de Le gendre de ma vie quatre
ans plus tard semble avoir choisi d'offrir à sa carrière de réalisateur
un virage plus absurde que jamais. Et même inédit puisqu'en dehors des Onze commandements,
on ne peut pas dire que la filmographie de Vincent Desagnat fut jusque
là, incroyablement originale. Alors que l'on frétille d'impatience de
découvrir son prochain projet Raoul et les raouliens, Zaï Zaï Zaï Zaï développe
un certain nombre d'idées qui font souvent l'unanimité lorsque l'on
évoque le futur proche sous une forme dystopique. Dans un univers où
n'existe qu'un seul modèle de véhicule et où Fabrice (Jean-Paul Rouve)
va se retrouver traqué par la police, les médias et les réseaux sociaux
parce qu'il a oublié sa carte de fidélité au moment de payer ses achats
en magasin, François Desagnat se fait le critique d'une société qui n'a
jamais été aussi moribonde que ces dernières années. Non dénué d'un
certain humour Zaï Zaï Zaï Zaï aborde
la chose sous un angle qui ne diffère pas vraiment de ce que l'on a pu
découvrir jusque là au cinéma. Il décrit un monde aseptisé, dans lequel
être acteur comique ou faire preuve d'un certain humour est pratiquement
considéré comme une tare. François Desagnat examine notre société à la
loupe et décrit avec justesse les dérives qui découlent de tous les
supports médiatiques qui jugent non plus les gens sur ce qu'ils sont
réellement mais sur leurs apparences. En découle une œuvre cynique, qui
bat l'humour à froid, et dans laquelle Ramzy Bédia incarne l'image de
l'époux et du père de substitution tandis que Jean-Paul Rouve le fuyard
va de rencontres en rencontres.
Zaï Zaï Zaï Zaï est l'adaptation cinématographique non pas d'un roman, mais de la bande dessinée de Fabcaro, l'auteur du roman Le discours qu'a adapté sur grand écran le réalisateur Laurent Tirard... Zaï Zaï Zaï Zaï est
donc proche de l'univers de Quentin Dupieux. Et si j'osais,
j'affirmerais que François Desagnat a réussi là où pêche parfois le
cinéma de Mr Oizo. Lequel a souvent trop tendance à se reposer sur des
scénarii originaux plutôt que sur des mises en scène fainéantes. Zaï Zaï Zaï Zaï réussit
le pari de réunir Jean-Paul Rouve, Julie Depardieu, Ramzy Bédia,
Yolande Moreau ou Julie Gayet dans une comédie certes absurde, mais ô
combien visionnaire. Un casting de sympathiques comédiens parmi lesquels
nous retrouvons également Marc Riso (dans le rôle du vigile), lequel
interprète justement l'un des personnages principaux de la mini-série Or de lui aux
côtés de Ramzy Bédia. Ici, tout semble a priori d'un commun assez
terne. Des couples qui s'invitent à dîner, une épouse qui trompe son
mari, le VRP d'une petite entreprise humilié par ses collègues et puis,
un jour.... la découverte de ce ''pouvoir'' incroyable qui transforme
Ramzy Bédia/Joseph en poule aux œufs d'or. Car oui, son personnage se
met à chier des étrons d'or ! Des lingots en forme de ''caca''. Le début
de la fortune ? Plutôt celui des emmerdes: Certes un nouvel ami (Marc
Riso) mais d'abord et surtout, une épouse qui va voir ailleurs (Olivia
Côte), découche, le trompe avec Stéphane (Christophe Héraut). Et puis,
un marchand d'or pas très net (Vincent Solignac) et son rejeton (Jérome
Niel, inquiétant dans le rôle de Gino). C'est donc dans un contexte
social relativement classique qu'entre en jeu ce phénomène surprenant :
Ramzy Bédia la poule aux œufs d'or ! En 1973, le chilien Alessandro
Jodorowsky transformait ses excréments en or. Trois ans plus tard,
l'allemand Werner Herzog et ses interprètes sous hypnose tentaient de
découvrir le secret du maître verrier Mühlbeck récemment décédé, seul
détenteur de la formule de fabrication du verre rubis. Cinquante ans
après, Ramzy Bédia endosse le costume de l'alchimiste Joseph qui va
découvrir les avantages et les inconvénients de produire des étrons en
or. Là encore, le pari est réussi de mêler l'absurde à la réalité.
D'autant plus que le ton humoristique est parfois contrebalancé par des
séquences dramatiques relativement intenses. […] Deux heures plus
tard...
De
retour du cinéma en proie à une insupportable céphalée, j'ai envie de
gueuler un bon coup sur ce cher vieux Quentin Dupieux qui en lançant Léa
Drucker dans une quête personnelle de jeunesse eternelle a fait des
choix particulièrement audacieux. Voir inadaptés pour le confort des
yeux. Ceux du public, contraint de détourner parfois le regard s'il ne
veut pas avoir de terribles maux de tête au sortir de la salle. Que
l'image soit surannée au point de nous renvoyer en pleines années
soixante-dix comme l'évoque notamment l'imagerie des Boards of Canada,
je veux bien. Mais de là à user d'un vieil objectif plus vraiment fiable
et nous imposer ainsi durant soixante-quinze minutes une image qui ne
parvient jamais à faire le focus sur les personnages ou les décors en
arrière plan, c'est à un supplice que nous convie le réalisateur. De
même, l'on connaît la prédisposition de Quentin Dupieux à nous offrir
sans cesse des univers décalés. Et là encore, le succès de l'entreprise
tient tout d'abord de son scénario. Mais à l'image, et quelles que soit
sa manière d'aborder le sujet, Incroyable mais vrai apparaît
comme le plus sage de ses longs-métrages. Ce qui d'une certaine
manière, donne également l'impression qu'il est aussi le plus maitrisé.
Celui qui offre aussi le sentiment que pour une fois, l'auteur de Rubber ou de Wrong Cops n'a pas confié son projet aux seules mains de ses interprètes. L'engouement des critiques pour Incroyable mais vrai
est presque inimaginable tant le dernier film de Quentin Dupieux semble
parfois si éloigné de ses délires habituels. Plus sérieux mais
néanmoins parcouru d'idées folles, Incroyable mais vrai mixe voyage dans le temps, le roman d'Oscar Wilde Le portrait de Dorian Gray(ici,
un simple miroir), quête de jeunesse éternelle ou de masculinité
(Benoît Magimel/Gérard en homme/machine hypersexué) et face à tout ça,
impose un Alain Chabat terriblement sobre et bienveillant. On sort de la
salle avec le regret d'avoir assisté à cet étonnant récit dans un
inconfort visuel total, figé devant l'écran à patienter jusqu'à ce que
le film nous délivre ses multiples messages. En attendant Fumer fait tousser, le prochain long-métrage de Quentin Dupieux, on confirmera que le meilleur film ''Dupieuesque'' à être sorti en salle cette année n'est pas le sien mais celui de François Desagnat...
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