Fabrice du Welz est belge. Pourtant, lorsque l'on découvre pour la première fois l'un de ses longs-métrages, ses origines n'évoquent pas d'emblée ces blagues de plus ou moins bon goût qu'en France on aime réciter lors de soirée œnologiquement endiablées. Non, dans son approche de la chose cinématographique, on pourrait le considérer comme l'enfant terrible de la comédie dramatique dans son versant le plus sombre. Qu'il se soit brillamment inspiré des classiques du survival des années soixante-dix à travers '' Calvaire '' ou d'un authentique fait-divers pour mettre en scène ce qui d'un point de vue personnel demeure son meilleur film ('' Alléluia ''). Constant dans la qualité de sa mise en scène et dans le choix des scripts, Fabrice du Welz explore sans cesse les tréfonds de l'âme humaine. Offrant, parfois mais rarement, quelques alternatives plus divertissantes ('' Colt 45 '', '' Message from the King '') que les habituelles pérégrinations de ses personnages dans des contrées tantôt majestueuses et exotiques ('' Vinyan '') et tantôt austère et plus terre à terre ('' Adoration ''). Bon, c'est bien beau tout ça, mais que vaut le dernier bébé de ce passionnant réalisateur que l'on aimerait considérer tout aussi français que son compatriote Benoît Poelvoorde ? Petite anecdote personnelle : il n'y a pas si longtemps de cela, j'étais à la recherche d'un film que je n'avais pas revu depuis de très nombreuses années. '' La petite sirène '' de Roger Andrieux. L'histoire d'une gamine amoureuse d'un garagiste quadragénaire (Philippe Léotard) ! Si '' Inexorable '' ne traite pas véritablement le même sujet, il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre l'un et l'autre tant le sentiment de malaise et de bourdon persistent bien au delà des deux projections. Pour la seconde fois, les deux belges se retrouvent sur un même projet. Mais cette fois ci, le réalisateur offre à l'acteur le rôle principal. Ou plutôt, l'un des rôles principaux. Car à sa suite est projetée comme le reflet du passé mystérieux du personnage qu'il incarne, la jeune et troublante Alba Gaïa Bellugi. Actrice à la carrière peu foisonnante mais qui le temps d'un film (en l'occurrence '' Inexorable '') va hanter les spectateurs avec ses faux airs de Charlotte Gainsbourg.
Comme la fille d'un ancien chanteur qui aurait troqué sa timidité de jeune adolescente d'alors contre le costume d'une toute jeune femme psychologiquement défaillante et '' amoureuse '' d'un écrivain qui est donc interprété par l'immense Benoît Poelvoorde. Époux de la fille d'un célèbre éditeur récemment décédé, Marcel est sur le point d'entamer l'écriture de son prochain roman. Installée, dans un luxueux domaine dont la propriétaire n'est autre que son épouse Jeanne (Mélanie Doutey) avec leur fille Lucie (Janaïna Halloy Fokan) et leur chien Ulysse (sans oublier la domestique Paola qu'interprète Anael Snoek), la petite famille va recevoir bientôt la visite d'une jeune inconnue prénommée Gloria. Le genre d'individu qui d'emblée ne nous apparaît pas vraiment net et qui est du genre à faire le vide autour d'elle pour mieux se rapprocher de l'auteur de romans à succès. Une bonne partie de l'intrigue repose donc sur les personnalités complexes qu'incarnent Benoît Poelvoorde et Alba Gaïa Bellugi ainsi que sur leur passé respectif qui, grâce au miracle du scénario et de la mise en scène vont se rejoindre lors d'un climax/twist particulièrement intense. L'acteur belge possède cette faculté relativement rare de pouvoir si bien se fondre dans ses personnages qu'on oublie assez rapidement qu'il n'est qu'un simple interprète. Benoît et Marcel ne font alors plus qu'un. Une composition proche de celles qui l'ont toujours poussé à aborder ses incarnations sur un mode borderline. Accompagné par le sublime '' Nisi Dominus '' de Vivaldi, '' Inexorable '' est le digne descendant du polar '' Mort un dimanche de pluie '' que réalisa Joël Santoni en 1986, en moins froid sans doute, mais tout aussi percutant dans sa manière d'aborder le drame et ainsi le transformer en un authentique film d'épouvante...
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