L'énergie débordante et
créatrice du japonais Shin'ya Tsukamoto et l'abondance des visions
organiques chères au canadien David Cronenberg,. Voilà quelles sont
les références immédiates que l'on est en mesure d'évoquer à la
suite de la projection de Kikuropusu
de Jôji Iida. Un moyen métrage n'excédant pas les cinquante-deux
minutes dans lequel un tout petit groupe d'individus étudie le corps
d'une jeune femme qu'ils ont fait tout récemment kidnapper. L'on
découvre qu'il s'agit de la sœur de l'un d'entre eux et qu'elle
serait en théorie sujette à des malformations d'ordre génétique.
Car là se situe l'un des principaux thèmes de ce film d'origine
japonaise évoquant en arrière-plan les conséquences de la
pollution de l'air, de l'eau et des sols, de l'usage excessif de
traitements médicamenteux par les femmes enceintes et bien
évidemment, des radiations nucléaires. Avec pour résultat final,
la modification du génome humain. Un terrain de jeu propice à
certaines expérimentations par un ''descendant'' du tout aussi
célèbre qu'immonde Josef Mengele. Kikuropusu,
traduit à l'internationale sous le titre Cyclops
signait en 1987 les débuts de Jôji Iida dans l'univers du septième
art et pour un coup d'essai, la chose se révèle mi-figue,
mi-raisin. Car le japonais imprime à certains de ses personnages une
attitude tellement inattendue que le résultat à l'écran ne se fait
pas longtemps attendre : derrière la thématique horrifique se
cache en effet des notes d'humour qui à défaut d'être réellement
amusantes entachent quelque peu le récit. À vrai dire, le réel
potentiel de Kikuropusu
ne repose en rien derrière les pitreries de son étrange
représentant du Gouvernement japonais mais plutôt dans l'évocation
d'individus apparemment normaux qui pourraient éventuellement
reprendre leur apparence initiale en cas de conflits intestins. Des
créatures dont l'allure n'aurait d'ailleurs rien à envier à celle
de ces ''freaks''
nés de l'atome après les catastrophes de Tchernobyl et de
Fukushima...
Assez
bavard et tournant un peu trop autour du pot, Kikuropusu
semble surtout montrer certaines limites budgétaires et
scénaristiques qui nuisent au rythme même si parfois la mise en
scène du moyen-métrage se montre aussi généreuse qu'un Tetsuo
ou tout autre œuvre signée de l'homologue Shin'ya Tsukamoto. Le
film contient pas mal de séquences parfaitement incompréhensibles
qui cependant ne semblent pas dues à la complexité du scénario
mais plutôt à l'indigence de son écriture. Des dialogues et des
situations parfois confus qui empêchent d'intégrer certaines idées.
C'est là tout le paradoxe d'un certain cinéma du Pays du Soleil
Levant auquel aiment se confronter les occidentaux que nous sommes.
Un poil de nudité gratuite incarnée par l'une des jeunes et
délicieuses interprètes féminines, quelques micro-visions qui
aiguisent l'appétit et puis, surtout, LA séquence qui fera de
Kikuropusu,
le moyen-métrage culte auquel il mérite d'être comparé. En
France, La mouche
de David Cronenberg sortira en janvier 1987. Et l'année précédente
sur le territoire américain. Un détail ? Une coïncidence ?
Peut-être pas car lorsque Jôji Iida développe à l'image ce qu'il
théorisait jusque là, la comparaison entre le chef-d’œuvre du
canadien et sa première œuvre saute littéralement aux yeux. On
pourrait même regrouper certains traits de caractère d'une bonne
partie de la filmographie du premier et la comparer à cette
hallucinante séquence que le second tourna alors dans une simple
cage d'ascenseur ! Là, Jôji Iida délivre durant une dizaine
de minutes ce que nous promettaient en préambule les toutes
premières minutes. Les dites créatures se réveillant et
s'extrayant de corps tout à fait normaux. Un combat gore et poisseux
entre deux victimes de l'atome ou de toute autre pollution dans des
débordements d'hémoglobine et de fluides corporels. C'est crade
mais néanmoins spectaculaire et se réfère très clairement au film
de David Cronenberg au point d'évoquer l'expérience ratée du singe
ou l'expulsion finale du télépode du corps mutant d'un Seth Brundle
transformé alors en ''Brundle-Mouche'' !
On appréciera tout particulièrement les effets-spéciaux
entièrement conçus en latex par Shûichi Kokumai et Yûichi Matsui
et qu'aurait d'ailleurs pu jalouser quelques années en arrière
notre célèbre cinéaste canadien. Si d'une manière générale
Kikuropusu
propose de concrétiser son propos de manière trop tardive, le film
n'en est pas moins une très bonne livraison pour les amateurs de
Body-Horror
et de cinéma d'horreur extrême japonais...
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