Lorsque sort sur les
écrans le film à sketchs Due Occhi Diabolici en
1990 (connu à l'internationale sous le titre Two
Evil Eyes
et en France sous celui de Deux yeux maléfiques),
la collaboration entre le réalisateur américain George Romero et
l'italien Dario Argento n'en est pas à ses premiers balbutiements.
En effet, les deux hommes se rencontrèrent tout d'abord en 1978, à
l'époque de la sortie de Dawn of the Dead,
second volet d'une franchise dévolue aux zombies et autres
morts-vivants chers à l'américain. Long-métrage dont George Romero
assura la réalisation ainsi que le montage américain tandis que
Dario Argento offrit au film l'opportunité d'un montage européen
plus court mais nettement plus vif. Autre point important, le
réalisateur italien changea complètement la bande musicale en
faisant appel au génial groupe de rock progressif Goblin !
Plus de dix ans plus tard, les deux cinéastes se retrouvèrent donc
au générique d'un film d'horreur à sketch dont l'une des
particularités est de n'être constitué que de deux moyen-métrages
intitulés
La Vérité sur le cas de Monsieur Valdemar et
Le Chat noir.
Deux adaptations de nouvelles signées du romancier américain Edgar
Allan Poe. Pour George Romero, le concept n'est pas tout neuf puisque
lui seul réalisa la totalité des segments de la géniale anthologie
Creepshow
en 1982, collaborant ainsi avec l'écrivain Stephen King. Quant à
Dario Argento, outre les dix longs-métrages qu'il réalisa jusque
là, on le vit tourner un épisode de la série La
Porta sul Bio
en 1973 ainsi que ceux de Gli Incubi di Dario
Argento,
autre série qui verra le jour en Italie en 1987. Le compositeur
italien Pino Donnagio dont la sublime partition musicale de Body
Double
de Brian De Palma est notamment demeurée dans les mémoires est
ainsi convié à l'écriture de la bande-son de cette nouvelle
participation entre les deux réalisateurs...
Adaptée
en 1936 sous le titre Il Caso Valdemar,
en 1943 sous celui de The Weird Circle
ou dans l'anthologie argentine Masterpieces of
terror
en 1960, la nouvelle La
Vérité sur le cas de Monsieur Valdemar sera
donc ensuite très librement réactualisée par George Romero trente
ans plus tard. Si ce n'était le personnage de Valdemar et si le
sujet de l'hypnose n'évoquait pas les séances de sommeil que
subissait le personnage à l'origine lors d'expériences menées par
des médecins, on pourrait trouver étonnante la relation entre la
nouvelle et le moyen-métrage du réalisateur américain qui nous
livre l'une de ses sempiternelles variations sur le thème du zombie.
Sauf qu'ici, la thématique se confond étrangement avec ces
thrillers anglo-saxons ou du sud de l'Europe des années soixante et
soixante-dix dans lesquels des individus étaient les victimes
d'odieuses machinations orchestrées par leur entourage. On pense
notamment au cinéma italien et au Giallo
en particulier. Sauf que George Romero y intègre un élément
fantastique dont il est coutumier depuis le début de sa carrière de
cinéaste. Afin de donner vie à ce récit mêlant donc épouvante,
fantastique et thriller, George Romero convie l'actrice Adrienne
Barbeau, véritable égérie du fantastique des années quatre-vingt.
En effet, afin d'offrir ses traits à l'épouse de Valdemar (Bingo
O'Malley) et à la maîtresse du docteur Robert Hoffman (Ramy Zada),
celle qui deviendra en 1979 l'épouse de John Carpenter tournera
auprès de son futur mari dans les classiques The
Fog
et New
York 1997,
dans La
créature du marais
de Wes Craven, mais donc aussi sous la direction de George Romero qui
l'engagera sur le tournage de Creepshow
en
1982 dans le segment intitulé La
caisse
dans lequel elle faisait vivre un véritable enfer à son mari avant
de finir entre les griffes et les dents d'une créature enfermée
dans une boite ! L'occasion donc pour le réalisateur et
l'actrice de se retrouver et de collaborer pour la seconde et
dernière fois en 1990. Si La
Vérité sur le cas de Monsieur Valdemar
a peu de rapports avec la nouvelle d'Edgar Allan Poe, le
moyen-métrage n'en est pas moins relativement plaisant à regarder
même s'il a davantage les allures d'un court-métrage fantastique de
série télévisée que d'un segment d'une anthologie prévue pour
une sortie en salle. George Romero bénéficie en outre des
excellents effets-spéciaux créés par Tom Savini qui en comparaison
de son travail sur Maniac,
Zombie
ou
Le
jour des morts-vivants
demeure ici plutôt sobre. Si le récit de cette machination vue et
revue fonctionne, c'est sans doute tout d'abord grâce à l'aspect
surnaturel de l'intrigue plus que pour son scénario d'un effarant
classicisme. Les meilleurs observateurs y noteront en outre quelques
références cinématographiques propres au cinéma de Romero. Un peu
d'aide ? Remémorez-vous donc la séquence d'introduction de La
nuit des morts-vivants ou
le sketch Un
truc pour se marrer
(Something
To Tide You Over)
de Creepshow...
Concernant
Le
chat noir,
il s'agit de l'une des nouvelles les plus connues du romancier
américain. Adaptée à plusieurs reprises, certains se souviennent
surtout du long-métrage que réalisa en 1983 le réalisateur italien
Lucio Fulci (Gatto
Nero).
Pas le meilleur film du roi du gore malsain dans les années
soixante-dix/quatre-vingt, mais une bonne cuvée tout de même. Sept
ans plus tard, c'est donc son homologue Dario Argento de se
réapproprier le mythe de ce chat particulièrement récalcitrant à
travers le moyen-métrage sobrement intitulé Le
Chat noir !
Là encore, Tom Savini nous gratifie de quelques plans gore du plus
bel effet comme en ouverture du moyen-métrage, le corps d'une femme
coupé en deux. Annabel et Roderick Usher forment un couple mal
assorti. Elle est mal dans sa peau, fragile et lui est violent et
alcoolique. La jeune femme reporte toute sa tendresse sur le chat
noir qu'elle vient tout juste d'adopter. Son mari de photographe,
agacé par la situation, se met à boire de plus en plus, victime de
ce qui s'apparente alors à des hallucinations. Dario Argento pénètre
dans la psyché du personnage incarné par l'acteur américain Harvey
Keitel et s'intéresse donc davantage à l'homme qu'à l'animal qui
ne sert en réalité que de catalyseur. Tout comme pour le
moyen-métrage de George Romero, la nouvelle dont s'inspire le
réalisateur italien est triturée dans tous les sens et
réinterprétée à la manière d'un drame étrange se confondant
avec un conte macabre comme en témoignent les séquences se
déroulant lors des cauchemars du héros. On notera, outre la
présence de Harvey Keitel et de Madeleine Potter dans le rôle de
l'épouse de John Amos, acteur noir à l'impressionnante carrure que
l'on découvrit à l'époque dans Haute
sécurité
de John Flynn ou 58
minutes pour vivre
de Renny Harlin. Dario Argento rend hommage au spécialiste des
effets-spéciaux gore Tom Savini en lui offrant le tout petit rôle
d'un dingue surprit en très mauvaise posture dans un cimetière (son
personnage s'amuse en effet à arracher les dents des corps récemment
enterrés ! L'occasion de découvrir un nouveau maquillage du plus
bel effet ! L'occasion également d'entendre une composition de
Pino Donnagio du plus mauvais effet à base de violons synthétiques
absolument ringards. Si le concept du photographe se perdant dans les
limbes de la folie en prenant des clichés de plus en plus sinistres
est intéressant, Le
Chat noir !
est malheureusement parasité par un score épouvantable et une
interprétation navrante sans doute en partie due à l'absence
d'intérêt du réalisateur pour ses interprètes. Comme tout bon
cinéaste italien du fantastique qui se respecte, Dario Argento
dévoile un univers tantôt crépusculaire, tantôt surréaliste et
d'une manière générale, relativement décousu. Là encore, le
moyen-métrage est sauvé de l'indifférence grâce aux très
efficaces effets-spéciaux de Tom Savini, lequel observe encore et
toujours la dégradation des corps avec réalisme. Pour le reste, Le
chat noir
n'est ni plus ni moins qu'une honnête petite série B horrifique...
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