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samedi 14 mai 2022

Trois fois rien de Nadège Loiseau (2022) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Autour de ceux que l'on évite, qui nous sont transparents, que l'on méprise (parfois) ou auxquels on donne une petite pièce ou un sandwich pour se donner bonne conscience, le cinéma et ses auteurs sont parfois bien plus généreux que le commun des mortels sans même avoir recours au don d'argent. Si mettre en scène clochards, SDF et marginaux de tous poils ne fera sans doute malheureusement jamais avancer les choses, les gagnants sont toujours les mêmes : ceux qui partagent le temps d'un long-métrage les galères de ces âmes perdues de la société avant de retourner vivre dans leur petit quotidien réconfortant. On parle évidemment là des spectateurs. Si l'on s'en tient exclusivement au cinéma français, le thème mériterait sans doute quand même que l'on s'attarde sur quelques films étrangers plus ou moins légers, plus ou moins cruels. Crazy Murder (2015) de de Doug Gerber et Caleb Pennypacker et son SDF serial killer schizophrène et scatophile. Street Trash (1987) de Jim Muro et ses amateurs de gniole à un dollar explosant ou fondant littéralement après absorption d'un alcool nommé Vyper. C.H.U.D (1984) de Douglas Cheek et ses clodos contaminés et transformés en d'affreuses créatures sanguinaires. Prince of Darkness (1988) de John Carpenter et sa horde de gueux alliés à un phénomène diabolique s'attaquant à des étudiants et des scientifiques dans une petite chapelle. Ou encore le magnifique The Fisher King (1991) de Terry Gilliam, rencontre improbable entre un animateur radio et un vagabond excentrique. Et la liste pourrait être rallongée à l'infini... En France l'on est moins porté sur une imagerie délirante que sur l'aspect social de ces femmes et ces hommes qui n'éveillent en général les consciences que lorsque l'hiver arrive et que les températures baissent drastiquement. On pense à La crise (1992) de Coline Serreau et le personnage de Michou qu'interprète savoureusement Patrick Timsit. Un individu obsédé par la bière mais dont la vision de notre société est des plus clairvoyante. Au formidable Sans toit ni loi (1985) d'Agnès Varda, lequel remonte le fil de l'existence d'une jeune marginale dont le corps vient d'être retrouvé dans un fossé au bord d'une route. À l'inoubliable Une époque formidable (1991) de et avec Gérard Jugnot, son histoire et ses personnages tous plus touchants les uns que les autres. Ou d'une manière beaucoup plus réaliste et donc radicale, l'excellent Les invisibles de Louis-Julien Petit qui a vu le jour sur les écrans français le 9 janvier 2019...


L'on est sans doute moins chez nous dans l'absurde et l'imaginaire qu'Outre-Atlantique, mais ces quelques exemples de cinéma hexagonal prouvent à eux seuls toute la richesse de notre patrimoine cinématographique. Trois fois rien est sorti sur les écrans français le 16 mars dernier et reste l'exemple le plus récent témoignant du sort de ''nos'' SDF. Réalisé par Nadège Loiseau, certains diront qu'il aura sans doute fallut toute la sensibilité d'une femme pour donner corps à ce trio de marginaux coincés entre la rue et des épreuves administratives parfois comparables à celles qui faillirent faire perdre la tête à deux de nos plus célèbres personnages de bande-dessinée, Astérix et Obélix lors de l'une des douze épreuves des Douze Travaux d'Astérix. Sur un ton nettement plus léger que Les invisibles et donc plus proche d'Une époque formidable, la réalisatrice signe une comédie sociale centrée sur trois SDF qui viennent tout juste de gagner au Loto. Avec un tel synopsis, on imagine déjà une comédie classique (genre, Ah si j'étais riche de Michel Munz et Gérard Bitton avec Jean-Pierre Darroussin et Richard Berry) dont la seule différence serait le statut de sans-abris des trois héros de cette histoire prénommés Casquette (Philippe Rebbot), Brindille (Antoine Bertrand) et La Flèche (Côme Levin). Mais là où Nadège Loiseau allie avec intelligence l'humour et le social, la distraction et les conditions de vie de ces trois exclus s'inscrit dans la subtile mixité des genres. Un regard objectif sur les galères de trois SDF liés par l'amitié mais également par les difficultés qu'ils vont rencontrer. Cette fameuse chaîne administrative qui contraint ces trois là à trouver un appartement s'ils veulent pouvoir toucher l'argent d'un gain estimé par une employée de La Française des Jeux à un peu plus de deux-cent vingt mille euros...


Trois fois rien, c'est aussi trois histoires personnelles, trois personnalités bien distinctes. La Flèche tout d'abord, qui après avoir été ballotté de foyers en foyers a décidé de voler de ses propres ailes dès l'âge de treize ans. Punk à chien, véritable électron libre à l'énergie débordante, son âge (la vingtaine tout au plus) justifie à peine son immaturité. Brindille, lui, est celui auquel la réalisatrice accorde sans doute le plus d'importance. Celui qui veut réussir. Sortir de la merde et pourquoi pas, revoir son ex-femme et ses deux enfants. On regrettera que le personnage de Casquette n'ait pas été un peu plus développé tant Philippe Rebbot s'avère convainquant. Mais comme le dit si justement La Flèche lors d'un dîner : ''Il ne dira rien. Pour faire comme dans les séries américaines...''. À mesure que le récit progresse, le récit devient de plus en plus intense, émouvant et parfois même, accablant. Nos trois principaux interprètes (auxquels ont ajoutera les touches féminines que représentent les actrices Émilie Caen et Nadège Beausson-Diagne) sont tous les trois formidables, chacun dans un registre sensiblement différent. Mais des trois, sans doute, l'on oubliera le plus difficilement l'incarnation de l'acteur d'origine québécoise Antoine Bertrand, lequel se montre parfois bouleversant. Une comédie douce, amère, sur l'amitié, la fraternité et une certaine forme de paternité, dans la droite lignée d'Une époque formidable même si ce dernier, dans sa catégorie, semble indétrônable...

 

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