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dimanche 15 mai 2022

Freaks Out de Gabriele Mainetti (2022) - ★★★★★★★★★★



 

Quel culot de la part de l'acteur, réalisateur et compositeur italien Gabriele Mainetti. Et quelle humiliation pour Marvel ou DC Comics qui trouvent en cette année 2022 une concurrence de taille qui efface pratiquement toutes les récentes contributions de ces deux géants du film de super-héros. Avec autant de courts-métrages derrière lui que la main du monstrueux antagoniste de Freaks Out compte de doigts et après un seul long-métrage réalisé jusqu'ici (Lo Chiamavano Jeeg Robot, en 2015), Gabriele Mainetti est revenu sur grand écran en mars dernier. Tout ça pour nous offrir un spectacle grandiose dont les cinéphiles et les amateurs de films de super-héros se souviendront encore longtemps. Tandis que sur le territoire américain l'on s’échine à multiplier les variations quitte à produire des œuvres visuellement flamboyantes mais malheureusement dénuées d'âme, en Italie, un cinéaste semble avoir totalement intégré le genre pour en offrir une vision originale quoique ayant une propension à régurgiter ce qu'il a de meilleur tout en y apportant sa touche personnelle. Avec ses cent-quarante minutes, Freaks Out en paraît nettement moins. Preuve que le spectateur n'a pas vraiment le temps de souffler. Preuve que le spectacle est si total et intense qu'il absorbe entièrement les pensées de son public pour lui offrir une expérience cinématographique comme peu de longs-métrages sont en mesure de lui accorder. Réalisé, donc, mais également écrit par Gabriele Mainetti ainsi que par le scénariste Nicola Guaglianone, le réalisateur italien en a également composé la bande musicale aux côtés de Michele Braga...


Le film situe tout d'abord son action à Rome, en 1943, en plein conflit mondial. Alors que les nazis mènent des rafles dont les juifs sont les premières victimes, séparés de leur ''père'' Israël (l'acteur Giorgio Tirabassi), les artistes de cirque Fulvio (Claudio Santamaria), Matilde (Aurora Giovinazzo), Cencio (Pietro Castellitto) et Mario (Giancarlo Martini) vont être au centre d'un projet démentiel mené par un certain Franz (interprété par l'extraordinaire acteur, chorégraphe et danseur allemand Franz Rogowski). En effet, alors que les trois hommes sont convaincus qu’Israël les a abandonné pour se rendre aux États-Unis, nos quatre héros vont servir de matière première à un objectif bien précis : celui d'assurer sa suprématie au Troisième Reich. Car, faut-il le savoir, Fulvio et ses amis sont tous dotés de pouvoirs spécifiques. Lui est atteint d'hypertrichose mais bénéficie d'une force exceptionnelle. Matilde est capable de produire de fortes charges électriques qui malheureusement la contraignent à se tenir à l'écart de quiconque. De petite taille, Cencio attire les métaux. Quant à Mario, s'il est atteint d'albinisme, sa grande force est d'être capable de prendre le contrôle sur les insectes. J'en entends déjà qui glissent à mon oreille que tout ceci n'a pour l'instant rien de bien original. Que la force et les poils de Fulvio, l’impossibilité pour Matilda d'entrer en contact avec ses prochains ou le corps aimanté de Cencio évoquent le Wolverine, la Malicia ou le Magnéto de la franchise X-Men. C'est leur droit de penser cela puisque l'idée m'a également traversé l'esprit. Mais au regard du long-métrage et de ses immenses et nombreuses qualités, cet ''emprunt'' volontaire ou non n'est finalement qu'un tout petit détail sans importance. Drame, film de guerre, de super-héros et comédie, on trouve de tout dans Freaks Out et surtout ce qui se fait de mieux...


Malgré un fond forcément fantastique, Gabriele Mainetti approche de la réalité historique avec tentation. En résulte des séquences parfois très cruelles (la rafle et ce jeune trisomique assassiné en plein rue), une rencontre avec les partisans italiens (une résistance en forme de cours des miracles), des scènes de guerre qui n'ont parfois pas à rougir avec les classiques du genre, de sympathiques effets-spéciaux permettant à nos ''super-héros'' d'utiliser leurs pouvoirs mais aussi et surtout, une bonne dose d'humour qui permet de désamorcer certaines séquences particulièrement tendues. De la poésie également, comme ce baiser en plein air. Et puis, des séquences qui prennent véritablement le spectateur aux tripes, le mettant en apnée, comme cette incroyable scène de visions futuristes dont le monstrueux Franz est capable après avoir absorbé de puissantes drogues. D'ailleurs, à ce sujet, les amateurs de musique verront dans l'utilisation et l'adaptation de quelques standards pop (et notamment, le Creep de Radiohead ici, magnifié), l'opportunité d'approfondir cette thématique plongeant l'antagoniste dans un tourbillon d'image représentant l'avenir et le destin du Führer et du troisième Reich. Beau à mourir, se réinventant sans cesse, bourré de moments de bravoure, épique, lyrique, grandiose, délirant, généreux et parfois même très émouvant, Freaks Out est un classique instantané du film de super-héros et un chef-d’œuvre du cinéma tout court. Ou comment payer une poignée d'euros pour se prendre un uppercut en plein visage. C'est logiquement avec impatience que l'on attendra alors le prochain projet de Gabriele Mainetti dont on ne doute pas qu'il sera à la hauteur des deux précédents... à suivre...

 

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