Quel culot de la part de
l'acteur, réalisateur et compositeur italien Gabriele Mainetti. Et
quelle humiliation pour Marvel ou
DC Comics qui trouvent
en cette année 2022 une concurrence de taille qui efface
pratiquement toutes les récentes contributions de ces deux géants
du film de super-héros. Avec autant de courts-métrages derrière
lui que la main du monstrueux antagoniste de Freaks Out
compte de doigts et après un seul long-métrage réalisé jusqu'ici
(Lo Chiamavano Jeeg Robot,
en 2015), Gabriele Mainetti est revenu sur grand écran en mars
dernier. Tout ça pour nous offrir un spectacle grandiose dont les
cinéphiles et les amateurs de films de super-héros se souviendront
encore longtemps. Tandis que sur le territoire américain l'on
s’échine à multiplier les variations quitte à produire des
œuvres visuellement flamboyantes mais malheureusement dénuées
d'âme, en Italie, un cinéaste semble avoir totalement intégré le
genre pour en offrir une vision originale quoique ayant une
propension à régurgiter ce qu'il a de meilleur tout en y apportant
sa touche personnelle. Avec ses cent-quarante minutes, Freaks
Out
en paraît nettement moins. Preuve que le spectateur n'a pas vraiment
le temps de souffler. Preuve que le spectacle est si total et intense
qu'il absorbe entièrement les pensées de son public pour lui offrir
une expérience cinématographique comme peu de longs-métrages sont
en mesure de lui accorder. Réalisé, donc, mais également écrit
par Gabriele Mainetti ainsi que par le scénariste Nicola
Guaglianone, le réalisateur italien en a également composé la
bande musicale aux côtés de Michele Braga...
Le
film situe tout d'abord son action à Rome, en 1943, en plein conflit
mondial. Alors que les nazis mènent des rafles dont les juifs sont
les premières victimes, séparés de leur ''père''
Israël (l'acteur Giorgio Tirabassi), les artistes de cirque Fulvio
(Claudio Santamaria), Matilde (Aurora Giovinazzo), Cencio (Pietro
Castellitto) et Mario (Giancarlo Martini) vont être au centre d'un
projet démentiel mené par un certain Franz (interprété par
l'extraordinaire acteur, chorégraphe et danseur allemand Franz
Rogowski). En effet, alors que les trois hommes sont convaincus
qu’Israël les a abandonné pour se rendre aux États-Unis, nos
quatre héros vont servir de matière première à un objectif bien
précis : celui d'assurer sa suprématie au Troisième Reich.
Car, faut-il le savoir, Fulvio et ses amis sont tous dotés de
pouvoirs spécifiques. Lui est atteint d'hypertrichose mais bénéficie
d'une force exceptionnelle. Matilde est capable de produire de fortes
charges électriques qui malheureusement la contraignent à se tenir
à l'écart de quiconque. De petite taille, Cencio attire les métaux.
Quant à Mario, s'il est atteint d'albinisme, sa grande force est
d'être capable de prendre le contrôle sur les insectes. J'en
entends déjà qui glissent à mon oreille que tout ceci n'a pour
l'instant rien de bien original. Que la force et les poils de Fulvio,
l’impossibilité pour Matilda d'entrer en contact avec ses
prochains ou le corps aimanté de Cencio évoquent le Wolverine, la
Malicia ou le Magnéto de la franchise X-Men.
C'est leur droit de penser cela puisque l'idée m'a également
traversé l'esprit. Mais au regard du long-métrage et de ses
immenses et nombreuses qualités, cet ''emprunt'' volontaire ou non
n'est finalement qu'un tout petit détail sans importance. Drame,
film de guerre, de super-héros et comédie, on trouve de tout dans
Freaks Out
et surtout ce qui se fait de mieux...
Malgré
un fond forcément fantastique, Gabriele Mainetti approche de la
réalité historique avec tentation. En résulte des séquences
parfois très cruelles (la rafle et ce jeune trisomique assassiné en
plein rue), une rencontre avec les partisans italiens (une résistance
en forme de cours des miracles), des scènes de guerre qui n'ont
parfois pas à rougir avec les classiques du genre, de sympathiques
effets-spéciaux permettant à nos ''super-héros'' d'utiliser leurs
pouvoirs mais aussi et surtout, une bonne dose d'humour qui permet de
désamorcer certaines séquences particulièrement tendues. De la
poésie également, comme ce baiser en plein air. Et puis, des
séquences qui prennent véritablement le spectateur aux tripes, le
mettant en apnée, comme cette incroyable scène de visions
futuristes dont le monstrueux Franz est capable après avoir absorbé
de puissantes drogues. D'ailleurs, à ce sujet, les amateurs de
musique verront dans l'utilisation et l'adaptation de quelques
standards pop (et notamment, le Creep
de Radiohead ici, magnifié), l'opportunité d'approfondir cette
thématique plongeant l'antagoniste dans un tourbillon d'image
représentant l'avenir et le destin du Führer et du troisième
Reich. Beau à mourir, se réinventant sans cesse, bourré de moments
de bravoure, épique, lyrique, grandiose, délirant, généreux et
parfois même très émouvant, Freaks Out
est un classique instantané du film de super-héros et un
chef-d’œuvre du cinéma tout court. Ou comment payer une poignée
d'euros pour se prendre un uppercut en plein visage. C'est
logiquement avec impatience que l'on attendra alors le prochain
projet de Gabriele Mainetti dont on ne doute pas qu'il sera à la
hauteur des deux précédents... à suivre...
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