Le réalisateur,
scénariste et producteur mexicain Guillermo Del Toro est un cinéaste
à part dans le paysage cinématographique mondial. En effet, capable
de réaliser des longs-métrages pas toujours très fins (la séquelle
de Blade,
les Hellboy
ou pire, Pacific Rim),
il est aussi et surtout capable de mettre en scène des œuvres
beaucoup plus fortes en terme d'émotion, de poésie et de visuels.
On pense notamment à L'échine du Diable
ou au magnifique (quoique très cruel) Le
labyrinthe de Pan.
Plus tard il réalisera La forme de l'eau
qui sera comparé au cinéma de Jean-Pierre Jeunet et même, tout
récemment, Nightmare Alley,dernier
long-métrage qui fera la quasi-unanimité auprès de la presse
spécialisée. En 2015, il adapte son propre scénario écrit à six
mains aux côtés de Matthew Robbins et Lucinda Coxon sous le titre
de Crimson Peak.
Son neuvième film. Une œuvre plus proche de son penchant pour le
''majestueux'' que pour le ''sévèrement burné''. D'une beauté
plastique irréprochable, le réalisateur et ses techniciens plongent
le film dans des teintes grenat et vert bouteille du plus bel effet.
Chaque séquence, chaque plan rendent ivre de plaisir le spectateur
qui alors se voit comme au milieu d'une galerie d'art où chaque
visuel est un tableau de maître prenant vie. De ce point de vue là,
Crimson Peak
rejoint donc Le labyrinthe de Pan,
lequel était déjà visuellement remarquable même si avec son
neuvième long-métrage Guillermo Del Toro repousse encore plus loin
le concept de ''merveilleux''. C'est d'ailleurs là dessus que repose
l'essentiel de Crimson Peak
car comme nous allons rapidement le comprendre, le film n'est
malheureusement pas dénué de lacunes. Si la reconstitution d'une
Angleterre victorienne est splendide et somme toute fidèle à ce que
l'on pouvait en attendre et si le film apparaît comme un brillant
hommage au cinéma d'épouvante britannique de la Hammer
Film Productions
des années cinquante et soixante-dix, on perçoit très vite les
limites de son scénario...
Qui,
comme je le répète, fut écrit par le réalisateur lui-même ainsi
que ses deux collaborateurs. Faisant ainsi la preuve que le nombre ne
vaut pas toujours comme preuve de qualité. Car en effet, outre le
fait que le spectateur devine à l'avance la plupart (voire
l'intégralité) des événements qui vont se produire, le récit
plongeant une jeune américaine dans une immense et sinistre demeure
appartenant à son nouvel époux et sa sœur pourrait s'envisager
comme la relecture romancée de n'importe quel fait divers actuel
tournant autour d'une escroquerie à l'héritage. Si l'on en prend
plein les yeux, il ne faut pas oublier que l'essentiel n'y est sans
doute pas. Car Crimson Peak
est comme un joli coffret doré serti de diamants, d'émeraudes, de
rubis et de saphirs et qui une fois ouvert se montre aux trois-quarts
vide ! Mais il n'empêche cependant que le travail accompli sur
tout le reste demeure absolument admirable. Attirant l’œil comme
une abeille autour d'un pot de miel, Guillermo Del Toro fait appel à
des techniciens hors pair. Et parmi eux, le directeur artistique
Brandt Gordon qui après avoir débuté sa carrière à la télévision
au milieu des années quatre-vingt dix l'a poursuivie sur grand écran
jusqu'à retrouver Guillermo Del Toro quinze ans plus tard sur le
plateau de Nightmare Alley.
On retrouve également le production designer Thomas
E. Sanders qui après avoir notamment travaillé sur l’extraordinaire
Apocalypto
de Mel Gibson rejoignait donc en 2015 l'équipe du réalisateur
mexicain, tout juste une année avant de travailler sur Star
Trek: Sans limites
de Justin Lin. Autre aspect remarquable du long-métrage de Guillermo
Del Toro, ses costumes, qui sont l’œuvre de Kate Hawley qui avait
déjà travaillé pour le mexicain sur Pacific
Rim
et dont le formidable talent sera de nouveau visible à la sortie
prochaine de l'adaptation en série du Seigneur
des anneaux...
Mais
surtout, Crimson
Peak
bénéficie d'une très grande justesse au niveau de son
interprétation. Trois acteurs principaux auxquels l'on ajoutera tout
de même la prestation de l'acteur Charlie Hunnam dans le rôle du
Docteur Alan McMichael ainsi que celle de Jim Beaver dans celui de
Carter Cushing, le père de l'héroïne (une référence, sans doute,
au célèbre acteur britannique Peter Cushing qui était à son
époque spécialisé dans le cinéma d'épouvante et fantastique). La
vedette de ce film est donc l'actrice Mia Wasikowska qui interprète
le personnage d'Edith Cushing. Jeune écrivain désœuvrée par
l'absence de sa mère et bientôt par la mort prochaine de son père,
communiquant avec les morts et tombant follement amoureuse de Thomas
Sharpe (formidable Tom Hiddleston) dans l'ombre duquel veille la sœur
Lucille (Jessica Chastain en mode ''flippant''), elle part
s'installer dans leur immense demeure familiale partiellement
délabrée sans se douter de ce qui se trame derrière son dos.
Crimson
Peak
y invoque alors des fantômes esthétiquement plutôt convaincants.
Malheureusement, il devient très rapidement difficile de s'en
effrayer quel que soient les subterfuges employés (apparitions
soudaines, Jump
Scares).D'ailleurs,
leur présence n'ayant rien de fondamentalement productif, leurs
diverses apparitions s'avèrent souvent stériles d'un point du vue
du récit. Guillermo Det Toro appréciant toujours autant la
monstruosité, il persévère dans sa description en lui offrant les
atours de la ''paranormalité'' tout en lui offrant également un
visage humain. Le récit est lent, beau, romantique, mais parfois
suranné.
Crimson
Peak
aurait été parfait si seulement le spectateur n'avait pas
l'impression d'écrire le scénario en même temps que le déroulement
de l'histoire. Au final, le long-métrage nous abandonne avec un
sentiment mitigé. Celui d'avoir assisté à un spectacle
visuellement époustouflant (et parfois très gore, surtout dans la
dernière partie) tout en ayant accompagné des personnages au cœur
d'un récit manquant au fond, d'originalité...
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