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jeudi 17 mars 2022

Crimson Peak de Guillermo Del Toro (2015) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Le réalisateur, scénariste et producteur mexicain Guillermo Del Toro est un cinéaste à part dans le paysage cinématographique mondial. En effet, capable de réaliser des longs-métrages pas toujours très fins (la séquelle de Blade, les Hellboy ou pire, Pacific Rim), il est aussi et surtout capable de mettre en scène des œuvres beaucoup plus fortes en terme d'émotion, de poésie et de visuels. On pense notamment à L'échine du Diable ou au magnifique (quoique très cruel) Le labyrinthe de Pan. Plus tard il réalisera La forme de l'eau qui sera comparé au cinéma de Jean-Pierre Jeunet et même, tout récemment, Nightmare Alley,dernier long-métrage qui fera la quasi-unanimité auprès de la presse spécialisée. En 2015, il adapte son propre scénario écrit à six mains aux côtés de Matthew Robbins et Lucinda Coxon sous le titre de Crimson Peak. Son neuvième film. Une œuvre plus proche de son penchant pour le ''majestueux'' que pour le ''sévèrement burné''. D'une beauté plastique irréprochable, le réalisateur et ses techniciens plongent le film dans des teintes grenat et vert bouteille du plus bel effet. Chaque séquence, chaque plan rendent ivre de plaisir le spectateur qui alors se voit comme au milieu d'une galerie d'art où chaque visuel est un tableau de maître prenant vie. De ce point de vue là, Crimson Peak rejoint donc Le labyrinthe de Pan, lequel était déjà visuellement remarquable même si avec son neuvième long-métrage Guillermo Del Toro repousse encore plus loin le concept de ''merveilleux''. C'est d'ailleurs là dessus que repose l'essentiel de Crimson Peak car comme nous allons rapidement le comprendre, le film n'est malheureusement pas dénué de lacunes. Si la reconstitution d'une Angleterre victorienne est splendide et somme toute fidèle à ce que l'on pouvait en attendre et si le film apparaît comme un brillant hommage au cinéma d'épouvante britannique de la Hammer Film Productions des années cinquante et soixante-dix, on perçoit très vite les limites de son scénario...


Qui, comme je le répète, fut écrit par le réalisateur lui-même ainsi que ses deux collaborateurs. Faisant ainsi la preuve que le nombre ne vaut pas toujours comme preuve de qualité. Car en effet, outre le fait que le spectateur devine à l'avance la plupart (voire l'intégralité) des événements qui vont se produire, le récit plongeant une jeune américaine dans une immense et sinistre demeure appartenant à son nouvel époux et sa sœur pourrait s'envisager comme la relecture romancée de n'importe quel fait divers actuel tournant autour d'une escroquerie à l'héritage. Si l'on en prend plein les yeux, il ne faut pas oublier que l'essentiel n'y est sans doute pas. Car Crimson Peak est comme un joli coffret doré serti de diamants, d'émeraudes, de rubis et de saphirs et qui une fois ouvert se montre aux trois-quarts vide ! Mais il n'empêche cependant que le travail accompli sur tout le reste demeure absolument admirable. Attirant l’œil comme une abeille autour d'un pot de miel, Guillermo Del Toro fait appel à des techniciens hors pair. Et parmi eux, le directeur artistique Brandt Gordon qui après avoir débuté sa carrière à la télévision au milieu des années quatre-vingt dix l'a poursuivie sur grand écran jusqu'à retrouver Guillermo Del Toro quinze ans plus tard sur le plateau de Nightmare Alley. On retrouve également le production designer Thomas E. Sanders qui après avoir notamment travaillé sur l’extraordinaire Apocalypto de Mel Gibson rejoignait donc en 2015 l'équipe du réalisateur mexicain, tout juste une année avant de travailler sur Star Trek: Sans limites de Justin Lin. Autre aspect remarquable du long-métrage de Guillermo Del Toro, ses costumes, qui sont l’œuvre de Kate Hawley qui avait déjà travaillé pour le mexicain sur Pacific Rim et dont le formidable talent sera de nouveau visible à la sortie prochaine de l'adaptation en série du Seigneur des anneaux...


Mais surtout, Crimson Peak bénéficie d'une très grande justesse au niveau de son interprétation. Trois acteurs principaux auxquels l'on ajoutera tout de même la prestation de l'acteur Charlie Hunnam dans le rôle du Docteur Alan McMichael ainsi que celle de Jim Beaver dans celui de Carter Cushing, le père de l'héroïne (une référence, sans doute, au célèbre acteur britannique Peter Cushing qui était à son époque spécialisé dans le cinéma d'épouvante et fantastique). La vedette de ce film est donc l'actrice Mia Wasikowska qui interprète le personnage d'Edith Cushing. Jeune écrivain désœuvrée par l'absence de sa mère et bientôt par la mort prochaine de son père, communiquant avec les morts et tombant follement amoureuse de Thomas Sharpe (formidable Tom Hiddleston) dans l'ombre duquel veille la sœur Lucille (Jessica Chastain en mode ''flippant''), elle part s'installer dans leur immense demeure familiale partiellement délabrée sans se douter de ce qui se trame derrière son dos. Crimson Peak y invoque alors des fantômes esthétiquement plutôt convaincants. Malheureusement, il devient très rapidement difficile de s'en effrayer quel que soient les subterfuges employés (apparitions soudaines, Jump Scares).D'ailleurs, leur présence n'ayant rien de fondamentalement productif, leurs diverses apparitions s'avèrent souvent stériles d'un point du vue du récit. Guillermo Det Toro appréciant toujours autant la monstruosité, il persévère dans sa description en lui offrant les atours de la ''paranormalité'' tout en lui offrant également un visage humain. Le récit est lent, beau, romantique, mais parfois suranné. Crimson Peak aurait été parfait si seulement le spectateur n'avait pas l'impression d'écrire le scénario en même temps que le déroulement de l'histoire. Au final, le long-métrage nous abandonne avec un sentiment mitigé. Celui d'avoir assisté à un spectacle visuellement époustouflant (et parfois très gore, surtout dans la dernière partie) tout en ayant accompagné des personnages au cœur d'un récit manquant au fond, d'originalité...

 

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