Vargur,
en islandais, signifie Loup.
Mais allez savoir pourquoi, en France, l'on a préféré traduire le
titre du premier long-métrage du réalisateur Börkur Sigþórsson
sous celui de La mule !
Ici, rien à voir avec l’œuvre éponyme de Clint Eastwood sortie
sur les écrans en janvier 2019. Enfin, si, quand même un peu
puisque dans un cas comme dans l'autre les deux films évoquent le
sujet de ces femmes et de ces hommes qui au péril de leur vie
acceptent de transporter dans leur organisme des dizaines de capsules
thermosoudées contenant de la cocaïne. Que l'une d'entre elle
seulement se déchire et l'on passe alors immédiatement d'un monde
artificiel soudain, au cercueil ! N'ayant pas encore découvert
le long-métrage de Clint Eastwood, je m'accorderai le droit d'éviter
toute comparaison pour ne me concentrer que sur Vargur,
cette petite pépite co-produite entre le Danemark, la Suède et
l'Islande. Il y a fort longtemps qu'un polar scandinave ne m'avait
pas autant satisfait. Alors, bien sûr, il faudra accepter le rythme
relativement lent du film de Börkur Sigþórsson, mais cette prise
de position et le choix d'un montage proposant à plusieurs occasions
différents points de vue d'une même situation participent à
l'élaboration d'une intrigue qui va plonger un carré de personnages
principaux dans un authentique cauchemar. Une descente aux enfers
froide et clinique que partageront la mule en question en la personne
de Sofia, jeune polonaise interprétée par l'épatante actrice Anna
Próchniak, la flic d'origine serbe Lena (l'actrice danoise Marijana
Jankovic) et les frères Erik et Atli qu'interprètent respectivement
les acteurs islandais Gísli Örn Garðarsson et Baltasar Breki
Samper. Deux frères que tout sépare cependant puisque le premier
est socialement parfaitement intégré en ayant rejoint un cabinet
d'avocats tandis que son frère, lui, est un criminel de petite
envergure qui vient de sortir de prison et doit beaucoup d'argent à
d'anciennes connaissances...
Mais
si de prime abord Erik paraît honnête, il n'en est pas moins aussi
corrompu que son frère. Alors qu'il doit lui-même rembourser une
très grande somme d'argent, c'est là qu'intervient Sofia, la mule
du titre. Une toute jeune femme qui à bord d'un avion va transporter
dans son estomac une importante quantité de drogue. Mais rien ne va
se dérouler comme l'avait prévu Erik et commence alors un récit
semant sur sa route d'innombrables séquences de tensions dont la
toute première rappellera de près ou de loin, l'incroyable scène
lors de laquelle le touriste américain William Hayes tentait de
quitter le territoire turc en emportant sur lui deux kilos de
cannabis avant d'être arrêté par les autorités au moment
d'embarquer dans l'avion qui devait le ramener aux États-Unis. Dire
que la première partie de Vargur
serait aussi stressante que cette séquence mythique de Midnight
Express d'Alan
Parker serait sans doute pousser le bouchon un peu loin. Mais tout de
même, cette succession de séquences dont la durée approche la
demi-heure et lors desquelles le réalisateur s'amuse à offrir
différents points de vue sur une même situation est plutôt réussi.
Mais n'est rien en regard de ce qui va suivre. Car après cela,
Börkur Sigþórsson pense traiter la suite du récit sous un angle
particulièrement sombre et désespéré, plongeant même certaines
séquences du film dans le sordide, voire le morbide (on pense
notamment à la séquence de fixe lors de laquelle Erik injecte sa
dose d'héroïne à une ''maman'' cadavérique digne de celles du Bad
Lieutenant
d'Abel Ferrara). Se mêle ensuite une enquête policière sur
laquelle se penche Lena. Le film propose ainsi de nous faire vivre
l'investigation de la flic à travers les caméras de surveillances
ayant filmé le manège de Sofia et Atli à l'aéroport et jusque
dans ce qui leur servira bientôt de repère. Börkur Sigþórsson
n'y va absolument pas avec le dos de la cuillère et assène parfois
des séquences particulièrement dérangeantes. Mieux, il nous offre
un final comme peu oseraient sans doute en proposer. Ou lorsque le
Bien ne triomphe pas toujours du Mal. Passée la première demi-heure
qui assommera peut-être les amateurs d'action, Vargur
est une brillante réussite dans le domaine du thriller noir. À
découvrir d'urgence...
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