Maître incontesté et
incontestable du giallo depuis ses débuts de carrière de cinéaste,
Dario Argento a fait prendre au genre qui le rendit célèbre un
virage très étonnant dans le courant des années soixante-dix en
lui accordant une part de fantastique et en renforçant son aspect
horrifique avec des séquences particulièrement ''saignantes''. Si
sa trilogie animale formée autour de L'oiseau au plumage de
cristal, Le chat à neuf queues et 4
mouches de velours gris est en grande majorité exemplaire ou
que certains considèrent Les frisson de l'angoisse
et Suspiria
comme étant l'apogée de sa carrière, le réalisateur italien
réalisait en 1985 comme l'un de ses meilleurs longs-métrages avec
Phenomena.
Mix entre giallo et fantastique. Le récit d'une adolescente
somnambule envoyée par son acteur de père dans une pension suisse
où sont perpétués des meurtres particulièrement horribles par un
insaisissable tueur. C'est là qu'elle va y faire la connaissance du
professeur John Mc Gregor, célèbre entomologiste interprété par
l'acteur britannique Donald Pleasence (New York
1997 et
Halloween
de John Carpenter, Cul de sac
de Roman Polanski) ainsi que celle de Frau Brückner, employée de
l'académie Richard
Wagner
pour filles qui la chaperonnera et qu'incarne l'actrice italienne
Daria Nicolodi alors compagne du réalisateur avec lequel elle
tournera à six occasions et dont l'union donnera naissance à une
certaine Asia le 20 septembre 1975. Quant à Jennifer Corvino,
l'héroïne de ce conte horrifico-fantastique dans lequel
l'adolescente et dotée d'un pouvoir consistant à prendre le
contrôle des insectes, c'est l'actrice Jennifer Connelly qui
l'interprète. Elle qui quinze ans plus tard apparaîtra notamment
dans le cauchemardesque Requiem for a Dream
de Darren Aronofsky aux côtés de l’époustouflante Ellen Burstyn
et de Jared Leto...
Il
est à noter que pour découvrir Phenomena
dans des conditions optimales, il est fortement conseillé d'assister
à la projection du neuvième long-métrage de Dario Argento dans sa
langue d'origine. Ou plutôt SES langues d'origine puisque le film
mélange anglais, italien et allemand. Mais surtout pas doublé en
français puisque comme la plupart des films d'horreur italien des
années quatre-vingt (et auquel n'échappe malheureusement pas le
cinéma de Dario Argento) le résultat est catastrophique. À tel
point qu'ici, tout le travail d'interprétation des actrices et
acteurs s'en voit totalement ruiné et ''offre'' à l'ensemble un
style interprétatif proche de l'univers d'un certain Lamberto Bava.
Autant dire qu'entre le confort d'une écoute paresseuse et passive
mais néanmoins affligeante et l'effort contraint lors de la lecture
de sous-titres pour une expérience réellement prégnante, le choix
sera vite fait. On retrouve rapidement le style si particulier de
Dario Argento et qui fait autant de fans que de spectateurs qui
rejettent son univers. Il faut accepter que d'un côté son œuvre
soit parcourue de visions étonnantes quoique parfois ringardes et de
l'autre, qu'une musique assourdissante et pas toujours judicieusement
intégrée vienne miner la poésie de l'ensemble. Phenomena
n'échappe pas à cette règle immuable et c'est en cela que le film
s'intègre parfaitement dans une filmographie qui cependant, a eu le
bonheur d'offrir à ses fans, d'authentiques tableaux de maîtres. On
pense notamment à la séquence du puits de Inferno,
modèle du genre et dont l'une des séquences finales de Phenomena
reprend le principe pour le plaisir des yeux. Tout un art que Dario
Argento sait prendre à son compte en jouant avec l'élément eau et
des sources de lumière différentes. On en prend ici plein les
yeux...
Mais
avant cela, la jeune Jennifer se lance à la poursuite du tueur qui
sème la terreur autour de la pension. Du moins est-ce le sentiment
que procure l'effroi de l'adolescente car autour d'elle, la vie et
les habitudes des pensionnaires reprennent très rapidement leur
cours. On prend un immense plaisir à retrouver l'acteur Donald
Pleasence ici dans le rôle de l'entomologiste cloué dans un
fauteuil roulant et aidé par un chimpanzé nettement plus efficace
et pacifique que l'effrayante guenon que George A. Romero mettra en
scène trois ans plus tard dans Incident de
parcours.
Jennifer Connely est délicieuse et Daria Nicolodi particulièrement
effrayante. Si le déroulement de l'intrigue paraît comme souvent
chez Dario Argento, parfaitement absurde ou confuse, le film gagne
peu à peu en intensité et donc en intérêt. Et même si le
réalisateur italien ne retrouve pas vraiment la verve de son immense
Les frissons de l'angoisse,
son neuvième long-métrage n'en est pas moins parcouru de séquences
horrifiques dont on ne soupçonne pas qu'elles puissent aller aussi
loin dans l'épouvante. Allant même jusqu'à proposer une vision
morbide digne de la scène de la piscine de Poltergeist
de Tobe Hooper réalisé trois ans auparavant, le giallo fantastique
se mue en un film d'épouvante particulièrement glauque lors d'une
séquence de charnier absolument macabre. Si durant plus d'une heure
les plans gore s'avèrent quasiment invisibles, la fin rattrape
quelque peu ce retard et offre un petit festival fort réjouissant en
la matière. Nanti d'une bande son hétéroclite, les amateurs de
métal reconnaîtront notamment les groupes Iron
Maiden
et Motorhead.
La bande originale est quant à elle l’œuvre du groupe de rock
progressif italien culte Goblin.
Alors que Dario Argento est de retour cette année avec son dernier
long-métrage, il serait bon de redécouvrir ses meilleurs films dont
fait indéniablement partie Phenomena...
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