On ne présente plus le
réalisateur et scénariste américain Spike Lee qui depuis des
décennies n'a eu de cesse de plaider la cause afro-américaine. En
1999, il s'attaque à l'un des faits-divers les plus effroyables
qu'aient connu les États-Unis. L'histoire de David Berkowitz, ce
tueur en série qui défraya la chronique dans les années
soixante-dix en tuant six femmes et hommes de type caucasien et en
blessant neuf autres. Mais plutôt que de se concentrer sur ce
monstre qui affirma qu'un chien lui ordonna de tuer ou sur l'enquête
que menèrent les autorités, Spike Lee préfère se concentrer sur
la vie d'un petit groupe d'italo-américains vivant dans le sud du
Bronx parmi lesquels Vinny (excellent John Leguizamo), son épouse
Dionna (Mira Sorvino) et son ami Richie (Adrien Brody). Plutôt que
de s'intéresser de très près au fait-divers, le réalisateur
choisi de se pencher sur le climat de tension qui naquit autour de
cette affaire et signe avec Summer of Sam
une œuvre riche sur fond de disco en pleine ébullition et de Punk
qui devait connaître quelques années en arrière ses premiers
balbutiements mais qui dans le cadre de cette affaire est traité par
Spike Lee comme une dégénérescence à l'origine de certains
''fantasmes''. L'action se déroule durant l'été le plus chaud
qu'ait connue l'Amérique. Une chaleur qui semble s'être transmise à
certains habitants, voire même certaines communautés puisque dans
la nuit du 13 juillet, une panne de courant fut au centre d'une
multitude de drames et d'incivilités...
Plus
de trente quartiers de New York sont plongés dans l'obscurité. Une
partie de la population se retrouve piégée dans des ascenseurs
ainsi que dans le métro new-yorkais tandis que le soir, un homme
sort de chez lui et tue à l'aide d'un calibre 44 des couples
tranquillement installés dans leur véhicule. Spike Lee signe avec
Summer of Sam
un intense moment de cinéma où la communauté afro-américaine est
quelque peu écartée pour se concentrer sur les ressortissants
d'origine italienne qui aujourd'hui sont plus de trois millions
deux-cent mille à vivre à New York. Le réalisateur décrit en
parallèle la lente dérive d'un homme et de son couple, l'amitié
entre membres d'une même communauté, la folie qui s'empare de la
population ainsi que les craintes de tous d'être les prochaines
victime du tueur (les boites de nuit finissent par se vider de leurs
clients habituels). Un tueur que Spike Lee n'oublie malgré tout
jamais vraiment, retranché dans un appartement qui transpire
littéralement l'état d'esprit dans lequel l'homme est plongé. Mais
Summer of Sam
est aussi et surtout un long-métrage sur l'intolérance face à la
différence. Adrien Brody campe un Richie mémorable dont l'attitude,
le look et l’ambiguïté sexuelle ont des chances de lui nuire.
Sans verser dans l'outrance, Spike Lee dresse un portrait de notre
société absolument remarquable sur fond de thriller. À la mise en
scène impeccable s'ajoute une interprétation tout aussi splendide
que l'on doit notamment aux interprètes cités précédemment mais
également aux présences emblématiques de Michael Rispoli dans le
rôle de Joey T, l'un des amis de Vinny et tête pensante du groupe,
de Jennifer Esposito (laquelle était à l'origine envisagée pour
jouer le rôle de Dionna) dans celui de Ruby, la petite amie de
Richie, de bien d'autres encore mais également de celle du toujours
aussi génial Ben Gazzara dans la peau du très respecté Luigi...
Le
film prend évidemment de grandes libertés avec le fait historique
tout en respectant certains événements et certains noms de lieux
bien que le film ne situe pas son action à l'endroit précis où
eurent lieu les meurtres (dans le Queens). Un choix délibéré de
Spike Lee qui préférait alors se montrer respectueux envers les
proches des victimes de David Berkowitz en évitant de témoigner de
manière trop frontale des événements qui touchèrent la ville cet
été là. Sous certains aspects, la vie de la communauté
italo-américaine rapproche le film de l'univers de Martin Scorsese.
Le génie de sa mise en scène amène Spike Lee à signer l'une des
séquences les plus remarquablement délirante du film tout en étant
d'une effarante crédibilité dans son mode de pensée : Le
tueur en série dans sa globalité étant devenue une star se hissant
presque à la hauteur des vedettes de la chanson ou du cinéma, on
voit David Berkowitz (l'acteur Michael Badalucco) descendre une
avenue à l'arrière d'un véhicule de police comme le ferait un
acteur ou un chanteur à l'arrière d'une limousine. S'impose alors
une vision trouble des faits et une manière pour Spike Lee de filmer
la foule en délire sans que l'on puisse tout à fait affirmer
qu'elle accueille l'homme comme le monstre qu'il est supposé être
ou comme une nouvelle icône de la criminalité portée au rang de
nouveau héros. Une œuvre indispensable...
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