Ouh là, me dis-je en
tombant sur l'affiche de ce Démoniaques
réalisé par le cinéaste français Jean Rollin en 1973. Ne
serais-je pas tombé dans la période cochonne de l'auteur de Hard
Penetration ou
de Petites pensionnaires impudiques ?
C'est que le film a l'air rudement chaud dis-donc. Du moins ses
interprètes féminines ont-elles l'air de s'y désaper avec beaucoup
de facilité... Comme nous l'explique une voix off en préambule, le
récit s'articule autour de trois marins. ''Au
siècle dernier (et
vu que le film date de 1973, on parle là du dix-neuvième et non pas
du vingtième siècle), des
hommes sans foi ni loi qui attiraient les bateaux contre les rochers
afin de piller les épaves...''
Sur un plan fixe montrant les restes brûlants de l'une de
celles-ci, on a la nette impression que Jean Rollin a choisi
d'investir un genre dont il n'est pas coutumier : le péplum.
Mais à la manière des italiens, la musique de Pierre Raph
renforçant ce sentiment. Puis avec un (mauvais) goût prononcé pour
l'esthétique télévisuelle, il nous expose à travers des inserts
les hommes en questions parmi lesquels, John Rico (Non, non, pas
celui de Starship Trooper
de Paul Verhoeven, faut quand même pas déc...) qui interprète le
capitaine aux commandes des naufrageurs. Trois hommes, mais aussi une
femme, Tina, maîtresse du capitaine interprétée par l'actrice
Joëlle Cœur qui après avoir été mannequin de charme fit
l'essentiel de sa carrière dans le cinéma érotique (Les
Petites Saintes y touchent
de Michel Lemoine en 1974, Les Lesbiennes de
José Bénazéraf l'année suivante). Puis survient le générique.
Et là, l'impression que Les Démoniaques
sera un western plutôt qu'un péplum se précise, une évidence
comme le souligne une fois encore la bande-son du compositeur
français...
Sauf que... ben en fait, on a tout faux ! Nous somme même très
loin de la vérité car à dire vrai, le long-métrage de Jean Rollin
est de ces œuvres parfaitement inclassables. Ou presque... Avec leur
look de pécheurs havrais, nos trois hommes ainsi que leur délicieuse
et perverse ''accompagnatrice'' vont être les victimes de deux
''créatures'' féminines vengeresses. De celles qui, allez savoir
pourquoi, acceptent mal l'idée de se faire violer au bord de l'océan
par trois marins avant d'être laissées pour mortes. Interprétées
par Lieva Lone et Patricia Hermenier, les deux jeunes femmes
accoutrées comme deux adolescentes s'apprêtant à aller se coucher
reviennent se venger de leurs agresseurs qui depuis se sont
confortablement installés dans la taverne du coin pour y boire et
surtout profiter des faveurs des filles aux mœurs légères qui y
travaillent. Et l'on comprend mieux alors l'idée de cette affiche
pleine de promesses qui laisse envisager l'idée que nous pourrions
nous y rincer l’œil. Et de ce côté là, Jean Rollin et ses
interprètes féminines nous régalent. Les jeux érotiques s'y
multiplient en effet. Avec ou sans le consentement de ces dames
d'ailleurs puisqu'il y en aura pour tous les goûts. À à bien y
regarder, on a parfois l'impression que certaines d'entre elles ne
sont pas vraiment acquises à la cause d'un scénario qui veut
qu'elles se foutent à poil dès que la caméra tourne. Du péplum et
du western ''espérés'' jusqu'au film de vampire, la distance que
notre imaginaire doit parcourir est très petite. Car cette gargote
dans laquelle vont s'enfermer nos trois vilains naufrageurs rappelle
cette auberge dans laquelle un certain Comte Dracula réserva une
chambre pour son hôte, le clerc de notaire Jonathan Harker, dans le
célèbre roman fantastique de l'écrivain britannique Bram Stoker...
Mais
non, là encore, nous faisons fausse route. Mais alors, peut-être
est-ce du côté de l'expressionisme allemand qu'il faudra chercher ?
Là, oui, un peu tout de même puisque Jean Rollin semble vouloir
pousser certains de ses interprètes à davantage d'expression
corporelle et faciale qu'à l'accoutumée. En témoigne par exemple
l'acteur John Rico qui à certaines occasions nous remémore le
fascinant Docteur Mabuse de Fritz Lang inspiré du roman de l'auteur
luxembourgeois Norbert Jacques, Dr
Mabuse, der Spieler.
Et puis, tout part alors en sucette et Les
Démoniaques
se transforme en une sorte de pièce de théâtre à ciel ouvert ou
chacun y va de sa prose. Et là, ça devient franchement barré. Déjà
que la première partie pratiquement dénuée de tout dialogue nous
avait préparé à un spectacle hors du commun, on n'imaginait tout
de même pas croiser dans un seul et même film trois naufrageurs et
la perverses maîtresse du capitaine, deux revenantes vengeresses,
une nuée de prostituées travaillant dans une auberge, mais
également une sorte de prêtre mystique (l'acteur Ben Zimet en robe
de bure), le Diable en personne (Micha Zivomir Miletic) et même,
oui, un clown, tout cela étant mélangé ensemble pour un résultat
hautement improbable. Une œuvre aussi foisonnante
qu'incompréhensible, poétique que ridicule, léthargique que
sexuelle, dans des décors parfois saisissants comme cette imposante
ruine de château. Tellement dingue, le concept peut autant fasciner
que révulser, mettre en éveil que se révéler assommant. En tout
cas, une œuvre vraiment pas comme les autres que seuls les fans de
Jean Rollin risquent malheureusement d'intéresser...
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