L'écrivain Jack Ketchum honore le film de sa présence |
Lorsque j'évoquais il y
a sept ans en arrière The Woman
du réalisateur américain Lucky McKee, j'étais loin de me douter
qu'il s'agissait en fait de la suite d'une franchise qui allait
donner naissance à un troisième long-métrage il y a deux ans sous
le titre Darlin'.
N'ayant pas soupçonné l'existence de l'original connu sous le titre
de Offspring
que réalisa Andrew van den Houten en 2009 et avant de me lancer dans
la projection de ce qui devrait être a priori le dernier rejeton
d'une trilogie, retour sur Offspring,
donc... Si The Woman mettait
en scène une femme sauvage séquestrée par un couple et leurs
enfants et enfermée dans leurs cave dans le projet de l'éduquer,
Offspring
se déroule fort logiquement bien avant ces événements puisque le
long-métrage d'Andrew van den Houten ne s'intéresse non pas
uniquement à cette dernière représentante d'une famille de
cannibales, mais à l'ensemble de celle-ci. Ce qu'il faut d'abord
retenir, c'est que le réalisateur n'est pas n'importe qui. En effet,
Andrew van den Houten n'est pas que l'auteur de deux longs-métrages
dont celui-ci (le premier s'intitulant Headspace)
et de quelques courts. Il fut surtout le producteur de l'un des films
les plus durs qui aient vu le jour sur un écran depuis les débuts
du cinéma. En effet, l'américain a produit le cauchemardesque The
Girl Next Door
que réalisa Gregory Wilson en 2007. Une œuvre terriblement
éprouvante basée sur l'ouvrage de l'un des spécialistes de la
littérature horrifique, Jack Ketchum. Un roman reposantlui-même à
l'origine sur un fait divers authentique pour une adaptation
cinématographique qui peut se vanter de pouvoir faire détourner le
regard des plus endurcis...
Jack
Ketchum, justement. Également à l'origine des romans The
Woman
en 2011, mais aussi donc de Offspring
en 1991. Les troisième et second volets d'une trilogie initiée avec
Off Season
en 1980, roman qui sera édité en France pour la première fois en
1986 dans la collection culte de chez Fleuve Noir, GORE,
sous
le titre Saison de Mort
(suivi deux numéros plus tard en septembre de la même année par
Cache-cache effroyable
(Hide and Seek)). Alors, Offspring,
le film, fait-il honneur à l'univers de Jack Ketchum et son goût
prononcé pour le retour à l'état sauvage de ses concitoyens ?
Cela va sans dire, le film d'Andrew van den Houten risque de ne pas
laisser grand monde indifférent et ce, pour diverses raisons. Tout
d'abord en raison de sa violence débridée et ses quelques effets
gore plutôt efficaces. Le réalisateur n'y va en effet pas avec le
dos de la cuillère et maltraite ses personnages avec un engouement
rare. Ensuite, le traitement du scénario est assez particulier.
Comme si deux ou trois scripts étaient entrés en collision pour
n'en faire plus qu'un. Offspring se
lance à l'occasion dans le social avec cette mère de famille qui
craint de voir réapparaître son époux avec lequel elle est en
plein divorce. Un homme violent, image à peine caricaturée du mâle
machiste et misogyne interprété par un Erick Kastel au patronyme
nettement moins appétissant que le délicieux gâteau du même nom.
Le récit s'articulant autour d'une seule et même journée et se
concluant tard dans la nuit, la courte durée du film (un peu moins
d'une heure et vingt minutes) contraint le réalisateur et son
scénariste à l'abattage pur et simple de son contingent de
protagonistes dont certains n'auront même eu le privilège de
glisser plus d'une ou deux phrases avant de passer de vie à
trépas...
Avec
Offspring,
c'est le mythe de la femme, la ''Woman''
en question, héroïne de cette saga qui débute tout juste en cette
année 2009 et qui naît dans la souffrance et les hurlements de ses
victimes. Une œuvre curieuse qui n'hésite pas à mélanger les
styles sans une once de scrupules. Cette famille de sauvages
dégénérés et anthropophages renvoie forcément au classique de
Wes Craven La colline a des yeux
et cette autre lignée de consanguins qui tuaient pour le plaisir
mais aussi et surtout pour se nourrir. Mais de consanguinité,
Offspring
et son réalisateur ne semblent pas vouloir en entendre parler. D'où
ce ''bébé''
que la cheffe de tribu interprétée par l'actrice Pollyanna McIntosh
vocifère chaque fois que l'occasion lui est offerte. La rencontre
brutale et nihiliste entre La guerre du feu de
Jean-Jacques Annaud en mode ''guerre des gènes'' et le film policier
partant littéralement dans une direction inattendue. Au regard de la
majorité des interprètes dont on ignorait jusque là l'existence
(du moins dans notre beau pays la France), l'acteur Art Hindle peut
d'ors et déjà se considérer comme LA star du film. Endossant le
rôle de l'ancien flic porté sur la boisson, l'acteur a déjà
derrière lui une solide carrière sur le petit et le grand écran.
Qui ne se souvient pas du docteur Geoffrey Howell, l'une des
premières victimes d'une insidieuse invasion extraterrestre dans le
chef-d’œuvre de Philip Kaufman L'invasion des
profanateurs
en 1978 ? Ou de sa présence dans le rôle de Frank Carveth dans
Chromosome 3
de David Cronenberg l'année suivante ?
Bien
que beaucoup plus récent que ces classiques de l'épouvante et de
l'horreur qui éclaboussèrent les écrans de cinéma en leur temps,
Offspring
aurait tout aussi bien pu être tourné à la même époque que
Massacre à la tronçonneuse
de Tobe Hooper ou La dernière maison sur la
gauche,
autre classique signé Wes Craven. Deux exemples parmi d'autres qui,
coïncidence non fortuite, sont justement à l'origine d'une
véritable dévotion de la part d'Andrew van den Houten. Dans sa
conception, Offspring s'avère
relativement bordélique. En suivant une poignée de personnages (un
couple, leur amie et deux enfants), un shérif et ses adjoints, un
ancien flic alcoolique et une famille de sauvage cannibales,
l'ensemble paraît avoir été mélangé dans un shaker et régurgité
en l'état au moment de monter le film. Il n'empêche que cette
''bizarrerie'' fonctionne malgré tout. Car l'on n'a pas vraiment
l'habitude d'un tel traitement de la violence lorsque la moitié des
coups semblent à peine retenus, que l'on ne sait jamais qui s'en
sortira ou qui périra. Entre l'éventration lente et douloureuse
d'un sosie rajeuni de James Wood et le viol d'une jeune mère par un
sauvage crasseux devant un mari exultant de plaisir, le réalisateur
ne ménage à aucun moment son public, et c'est tant mieux. Une œuvre
qui mérite le titre de ''Shocker'' comme ces vieilles bandes
magnétiques qui à la fin des années soixante-dix et au début de
la décennie suivante faisaient le bonheur des riches acquéreurs de
cassettes vidéos au prix généralement prohibitif...
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