Pour ou contre Sheitan ?
Réponse peu évidente et forcément subjective découlant des
attentes plus ou moins exigeantes du spectateur. Pour apprécier cet
objet filmique tout à fait identifiable, il faudra d'abord être en
mesure d'accepter son principe se définissant par une certaine
indolence d'un point de vue scénaristique tout en se déterminant
comme un catalogue non exhaustif du cinéma d'horreur et
d'épouvante. On va très vite évacuer tout ce qui concerne de près
ou de loin le bestiaire fantastique pour ne se concentrer que sur le
point de vue réaliste du sujet abordé. Car si le titre de ce
premier long-métrage réalisé par Kim Shapiron en 2005 fait
référence au Diable, inutile d'espérer découvrir un quelconque
élément fantastique. Sheitan confronte
deux univers qui a priori s'opposent et n'entretiennent visiblement
aucun rapport. Et pourtant... D'un côté, la jeunesse des cités et
sa ''fougue'' parfois excessive, autant dans ses propos que dans ses
actes. De l'autre, la ruralité dans ce qu'elle a de plus
caricaturale et donc d’éminemment crasse. Le résultat est
(d)étonnant. Entre humour trash et véritable sentiment de
malaise...
Tout
d'abord, en ouverture, trois adolescents, crâne rasé ou cheveux
coupé très courts. Agressifs, avec un langage bien à eux, ils
pénètrent une boite de nuit et en ressortent chassés par des
videurs après que l'un d'entre eux ait provoqué une bagarre.
Jusqu'ici, rien de bien nouveau. Avec leur look et leur comportement,
sur fond de musique rap et de lumière stroboscopique, c'est bien de
jeunes des cités dont il s'agit. Après un méfait accompli dans une
station-service, c'est en compagnie des charmantes Yasmine et Eve que
les trois garçons quittent la capitale pour se rendre chez la
seconde, dans un trou perdu de la campagne française. C'est là
qu'ils font la connaissance de Joseph. Un type curieux au sourire
sinistre, membre d'une famille très étrange et voisinsd'autochtones
apparemment touchés de consanguinité (la caricature évoquée plus
haut). Dès lors, ce qui s'apparentait tout d'abord à une œuvre
(strictement) réservée à la jeunesse se mue en un melting-pot de
sous-genres horrifiques dont l'un des intérêts est de ne jamais
tout à fait laisser entrevoir ce qui va se dérouler par la suite.
Car même si dans sa conclusion et dans son approche parfois
nauséeuse (la ferme, son atmosphère et ses habitants) on s'attend
logiquement à un nouvel ersatz de Massacre à la
Tronçonneuse
de l'américain Tobe Hooper ou de Calvaire
du belge Fabrice du Welz, qui peut dire par avance que le réalisateur
ne prendra pas des chemins différents... ?
Avec
ses handicapés mentaux, son atelier de fabrication de poupées, ses
nombreuses pièces où règne un désordre indescriptible, l'univers
dans lequel vont bientôt baigner nos trois adolescents (les acteurs
Olivier Barthélémy, Nicolas Le Phat Tan et Ladj Ly) est anxiogène.
Un sentiment renforcé par le sourire démoniaque de Vincent Cassel
que partage également l'actrice Julie-Marie Parmentier (Les
Blessures Assassines de
Jean-Pierre Denis, Rapace
de Claire Devers). Il y a de quoi se sentir mal à l'aise même si de
prime abord, ils semblent plutôt... ''accueillants''. Sheitan
n'est
pas un film d'amour. Comprendre que l'Amour avec un grand A
n'intéresse absolument pas les ''protagonistes'' (avec des
guillemets puisque aucun ne s'avère véritablement attachant) qu'ils
soient issus de la banlieue où de la fange. Les citadins n'éprouvent
aucun autre sentiment que le désir de prendre leur pied, leur proie
fut-elle une rencontre d'un soir. Pire : ils peuvent même se
montrer méprisant lorsque face au danger, celle qu'ils tentèrent de
conquérir jusque là termine abandonnée sur le bas côté d'un
chemin de campagne. Les rapports qu'entretiennent les ''redneck'' du
film entretiennent par contre entre eux des rapports intimes beaucoup
plus complexes. Rien à voir avec leur attitude envers les animaux,
parfois limite, mais les uns envers les autres membres d'une même
famille. Ce qui, pour le coup, dérange puis amuse lorsque l'on
découvre l'identité de cette ventripotente et mystérieuse femme
qui attend un bébé. Bordélique, trash, cartoonesque ou angoissant,
l’œuvre de Kim Shapiton ne peut laisser indifférent. Les uns lui
reprocheront sans doute la trop grande liberté accordée au
déroulement du récit quand d'autres, certainement, loueront
justement cette approche anarchique et plutôt variée. À chacun de
se faire sa propre opinion. Étrange et intriguant...
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