De manière irrégulière
et depuis presque vingt ans, le cinéaste et musicien Quentin Dupieux
(Mr Oizo,
c'est lui !) réalise des longs-métrages qui divisent souvent
la presse et le public même si une grande partie d'entre eux lui
reconnaissent un réel talent. Génie de l'absurde ou provocateur se
fichant éperdument de son public (tels certains spectateurs
pourraient le concevoir), l'auteur des cultissimes Rubber
en 2010, Wrong
en 2012 ou Réalité en
2014 se fendait en 2018 d'un Au Poste !
toujours aussi absurde, auquel il faudra tout de même remarquer une
certaine tendance à la flemmardise. Même si l'on y retrouve les
ingrédients du cinéma délirant de Quentin Dupieux, l’œuvre
s’avère rétrospectivement un brin ennuyeuse. Ce qui n'est fort
heureusement pas le cas de son dernier effort. Le bien nommé Le
Daim.
Unique cas de tueur en série dans l'histoire de la criminologie
mondiale où l'assassin tue parce que son blouson 100% en daim exige
de son propriétaire qu'ils débarrasse la ''concurrence'' des
blousons qu'elle porte sur les épaules. Le Daim
est
l'histoire décidément peu commune d'un homme psychologiquement
instable fasciné par son blouson en daim et celle d'une rencontre
entre ce vidéaste amateur mythomane et une jeune serveuse de bar
rêvant d'être monteuse pour le cinéma...
Avec
Le Daim,
Quentin Dupieux réalise sans doute son œuvre la plus accessible. Du
moins, la plus linéaire et compréhensible pour le néophyte qui
voudrait se lancer dans l'imaginaire très particulier de ce cinéaste
hors-norme. Derrière son décor de montagnes austère et sa poignée
de personnages secondaires pour le moins intrigants (la pute, le
propriétaire de l'hôtel, etc...) Quentin Dupieux offre sa vision
toute personnel du tueur en série, ce mythe qui dans le cas présent
est campé par un Jean Dujardin en mode sociopathe, schizophrène,
mythomane et paranoïaque. Si les rires du spectateur demeurent
discrets, c'est parce qu'un certain malaise s'y octroie une place
importante dans ce long-métrage qui n'excède pas les soixante-dix
sept minutes mais sur lequel souffle un vent de solitude relativement
décourageant. Avec ses teintes automnales, ses personnages auxquels
le spectateur aura du mal à s'identifier et son petit air musical
obsédant (The
Long Wait,
composé par Mort Stevens et His Orch) emprunté à la série
télévisée américaine Hawaii 5-0,
Le Daim
est parfois aussi inconfortable que certaines thématiques abordées
dans Steak,
le premier long-métrage de Quentin Dupieux et
dans
lequel évoluait un Ramzy Bedia/Georges désireux de rejoindre un
groupe d'adolescents connus sous le sobriquet de ''Chivers''.
Pour
autant, le dernier long-métrage de Quentin Dupieux n'est pas dénué
de cet humour si particulier qui accompagne généralement son œuvre.
On reste souvent circonspect devant certaines situations (surtout si
l'on n'est pas familier avec son univers) qui dans le cas présent
trouve un terrain d'entente avec les sinistres agissements de son
héros qu'incarne avec une troublante véracité le formidable Jean
Dujardin. Simple dans sa conception et adapté d'un scénario qui ne
l'est pas moins, Le Daim
tire une grande partie de sa force dans son approche décalée
s'éloignant des canons du genre. Neuf ans après Rubber,
Quentin Dupieux qui s'avère de plus en plus productif (trois films
en trois ans puisque son nouveau projet Mandibules
devrait voir le jour en 2020) se réapproprie à nouveau les codes du
''Serial Killer
Film''
pour le broyer, l'ingurgiter, le digérer à sa manière si
personnelle avant de signer l'un de ses meilleurs longs-métrages...
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