Isabelle Huppert a beau
être capable d'endosser à peu prêt tout ce qui se présente devant
elle en matière de caractérisation, le domaine dans lequel elle
excelle par dessus tout et qui pousse bon nombre de cinéastes à
faire appel à ses talents, c'est sans doute la froideur. Non pas la
sienne, mais celle des personnages que tant de prestigieux auteurs
lui ont ont confié la tâche d'incarner à l'écran. De ces
tempéraments à la rudesse des hivers scandinaves, la française
ajoute une pointe de cynisme et de provocation dont les origines
remontent presque au moment où elle interprétait la fameuse
Jacqueline des Valseuses de
Bertrand Blier. Face à elle, une autre grande interprète hexagonale
en la personne de Catherine Frot. Une pure joie de vivre en
comparaison. Douce et légère comme la plus naïve d'entre toutes.
Les réunir sur un même tournage aurait pu prendre des allures
d’hérésie mais la réalisatrice Alexandra Leclère semble au
contraire avoir mûrement réfléchit au choix de ses interprètes et
convoque justement les deux seules actrices françaises qui pouvaient
endosser à ce point si merveilleusement bien les rôles respectifs
de Martine Demouthy et sa sœur Louise Mollet...
Il
sonne dans chacun de ces patronymes comme l'expression de leur
personnalité et de leur conception de la vie. Comme si la première
syllabe de Demouthy pouvait se détacher pour devenir une particule
tandis que Mollet exprimerait la France des petites gens. Martine et
Louise ne se sont pas revues depuis quelques années. Si la seconde
est ravie de revoir sa sœur alors qu'elle monte à Paris pour tenter
de faire éditer son premier roman, la première, elle, aurait pu se
passer de la visite de Louise. Il faut dire que l'esprit léger comme
une plume, cette dernière est très bavarde, toujours souriante et
optimiste. Mais surtout, elle est heureuse. Et Martine, qui elle, vit
avec un époux (François Berléand dans le rôle de Pierre) qui la
répugne et qui la trompe avec sa meilleure amie (mais cela, Martine
ne le sait pas encore), déteste la joie de vivre de sa sœur.
Méprisante, humiliante, blessante envers Louise, le week-end ne va
pas être de tout repos pour les deux frangines...
Si
Les Sœurs Câchées est
très officiellement considéré comme une comédie, voire une
comédie dramatique, le premier long-métrage d'Alexandra Leclère
prend souvent des allures de drame tragi-comique. Non pas que la
sinistrose s'impose, mais le fait est que la réalisatrice ménage
davantage de séquences dérangeantes que réellement amusantes. Le
malaise de Martine y transpire littéralement tandis que Louise vaque
à une existence bienheureuse. Isabelle Huppert et Catherine Frot
épousent à merveilles les contours de leur personnage. Crédibles
et au final complémentaires, les deux actrices excellent à battre
le chaud et le froid, l'humour étant quasi systématiquement battu à
plat de couture par d'incessants revirements de situation. Ce que
l'on a commune d'appeler des ruptures de ton. Comme en général,
Alexandra Leclère intègre des personnages secondaires au moins
aussi importants que les deux stars français. C'est ainsi donc
qu'outre François Berléand, le spectateur retrouve avec un plaisir
démesuré le toujours excellent Michel Vuillermoz que l'on aurait
cependant voir intervenir un peu plus tôt. Si cela n'est pas
clairement évoqué, on soupçonne son personnage, Richard, de
pratiquer avec son épouse Sophie (excellente Brigitte Catillon),
l'échangisme. Sans vraiment donner de coup au moral, certaines
séquences des Sœurs Câchées
s'avère parfois relativement embarrassantes. La réalisatrice y
dépeint non seulement les rapports tendus entre deux sœurs que tout
oppose mais brosse également le portrait de deux mondes totalement
incompatibles. Reste que le spectateur s'avouera séduit par la
justesse de la mise en scène et de l'interprétation. Peut-être le
meilleur film de son auteur qui depuis a réalisé des comédies plus
légères au titre desquelles ont relèvera notamment Le
Prix à payer en
2007 et garde Alternée
en 2017...
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