Les films concernant les
baby-sitters, les nounous et autres gardes d'enfants sont légions.
Que celles-ci soient les victimes d'un psychopathe (Terreur sur
la Ligne de
Fred Walton en 1979) ou qu'elle aient tendance à se comporter
elles-mêmes de façon anormale (La Nurse
de William Friedkin en 1990), le public a la chance de pouvoir
généralement y trouver son compte. Lorsque sort le 27 novembre
dernier le nouveau long-métrage de Lucie Borleteau (Fidelio,
l'Odyssée d'Alice
en 2014), c'est sans motivation particulière et à défaut d'autre
chose que nous nous rendons dans l'enceinte du Diagonal
Cinémas de
Montpellier (parallèle à un autre ''temple'' du septième art ayant
malheureusement fermé ses portes comme nous allions le constater
avec effroi) consacrant une bonne partie des projections dans leur
version originale et proposant des rencontres culturelles. A
l'affiche, une dizaine de films dont Chanson
Douce,
avec Karin Viard, Leïla Bekhti, Antoine Reinatz la jeune Assya Da
Silva et Noëlle Renaude. Encore une histoire de nounou dérangée
pense-t-on au démarrage. Encore un film déversant des litres de
sang, une violence outrée, et un scénario ultra rebattu...
Sauf
qu'en France, on voit les choses différemment et surtout, avec
infiniment plus de sobriété qu’outre-Atlantique. Sans doute aussi
parce que cette étrange affaire qui tourne autour d'un couple, de
leurs deux enfants et de la nounou en question est inspirée d'un
fait-divers authentique concernant Yoselyn Ortega, une quinquagénaire
psychopathe ayant été condamnée à la prison à perpétuité aux
États-Unis pour avoir été elle-même au centre d'un fait-divers
absolument tragique. Adapté ensuite en littérature par l'écrivain
franco-marocaine Leïla Slimani qui remporta alors le prix Goncourt
grâce au roman éponyme, Chanson Douce est
une œuvre cinématographique qui marque les esprits en profondeur
grâce à l'approche toute en finesse de la réalisatrice Lucie
Borleteau. Celle-ci s'éloigne du thriller horrifique auquel le
public aurait pu s'attendre pour se concentrer sur la personnalité
de sa principale interprète qui en la personne de Karin Viard offre
une incarnation troublante, énigmatique et de toutes celles que
l'actrice nous a offerte depuis ses débuts, parmi les meilleures.
L'une des forces de Chanson Douce
est sa capacité à s'éloigner des codes classiques du genre. La
personnalité de son héroïne ne nous est dévoilée qu'avec une
infinie sobriété. Ici, pas de débordements... ou si peu. Plutôt
que de remonter le temps après avoir explicité au départ l'issue
dramatique du fait-divers, Lucie Borleteau laisse celle-ci pour la
fin, le film déroulant alors son implacable scénario jusqu'au
macabre dénouement.
On
l'aura compris, Louise, nounou idéale de deux enfants confiés par
leur parents Myriam (Leïla Bekhti) et Paul (Antoine Reinartz) l'est
peut-être d'ailleurs un peu trop. Parfaite en apparence, on
découvrira bientôt que cette mère à laquelle on a retiré la
garde de sa fille (la réalisatrice laissant volontairement un grand
vide concernant l'histoire personnelle de Louise) cherche à travers
la petite Mila et son tout jeune frère, a retrouver son statut de
mère. Louise s'approprie le cadre de vie des parents, s'imposant au
fil du temps comme une présence naturelle et essentielle. Le sujet
semble avoir été tellement traité au cinéma que l'on croit
pouvoir deviner ce qui va advenir de la relation entre la nounou et
les parents. Le schéma classique du père un peu distant à l'image
et de la mère quelque peu inquiète de la tournure que prend la
relation de Louise avec ses enfants débouchera cependant sur une
toute autre approche des événements. Toutes ces scènes que l'on
garde généralement en mémoire dans ce type de récit (la nounou
qui séduit le père qui lui-même ne comprends pas que son épouse
s'inquiète du comportement de leur employée) n'auront pas lieu dans
le cas présent. Et même, lorsque Louise ''pète
un câble''
façon Tatie Danielle,
elle agît toujours avec une certaine retenue. Tout comme le reste du
casting et Lucie Borleteau qui signe avec Chanson
Douce,
la transposition cinématographique d'un fait-divers absolument
glaçant...
Yoselyn Ortega
La nounou psychopathe qui inspira le roman de Leïla Slimani et le film de Lucie Borleteau
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