Le Nom de la Rose
de Jean-Jacques Annaud, Angel Heart
d'Alan Parker, La Neuvième Porte
de Roman Polanski... Quelques exemples de longs-métrages dont les
fascinantes intrigues eurent besoin de prendre le temps qu'il fallait
pour étoffer leur sujet et mener leurs héros sur le chemin de la
résolution. Laurent de Bartillat, lui, opère à contre-courant de
ces œuvres dont les sujets alambiqués sont pourtant si
remarquablement menés que le spectateur y assiste sans jamais se
prendre la tête entre les mains de désespoir d'échapper totalement
à la logique du récit. Une heure et dix-huit minutes... soixante
dix-huit petites minutes auront suffit au cinéaste et à son héroïne
campée par la formidable Sylvie Testud pour résoudre l'intrigue de
l'unique long-métrage du réalisateur français au titre aussi
évocateur que poétique Ce que mes Yeux ont Vu.
Tel un métronome, Laurent de Bartillat a réapparu tous les dix ans.
En 1987 et 1997 avec les courts-métrages La
Villa du Cap
et Heart Race,
et puis en 2007 avec ce qui demeure donc son unique long-métrage.
Comme si le cinéaste avait souffert de cette expérience aux tenants
labyrinthiques et émotionnels forts, nous n'en avons entendu parler depuis.
Le
spectateur, lui, n'y aura peut-être vu que du feu. D'abord conquis
par la prestation de Sylvie Testud en jeune femme obsédée à l'idée
de découvrir qui se cache derrière le portrait d'une femme peinte
de dos sur une partie des œuvres du peintre Jean-Antoine Watteau, ou
au contraire, trop absorbé par cette énigme qui justement, manque
peut-être d'envergure pour convaincre autant que les quelques
exemples cités plus haut. Face à l'actrice, un Jean-Pierre
Marielle trop discret mais imposant de part sa stature, son charisme
et le timbre de sa voix. On aurait sans doute aimé voir se
confronter davantage la jeune femme et son mentor, mais le cinéaste
qui signe également le scénario a tout d'abord choisi de
s'intéresser à son actrice et à son héroïne. Une Lucie fragile,
dont on devine assez rapidement la fragilité. Menacée d'être
délogée par un propriétaire qui n'a pas été payé depuis trois
mois, vivant seule et n'ayant comme contacts que son employeur Ivan
incarné par Miglen Mirtchev (Lucie ''gagne
sa vie''
dans une petite boite proposant un service de copies), la
restauratrice et analyste Garance (Agathe Dronne), la mère de Lucie
(Christiane Millet), Dussart (Jean-Pierre Marielle) qui dirige la
thèse de la jeune femme, et bientôt Vincent, un homme statue sourd
et muet avec lequel elle nouera une très étrange relation...
… du
remplissage penseront sans doute certains puisqu'il est vrai que
l'intervention de ce personnage incarné à l'écran par l'acteur
d'origine suisse James Thierrée ne semble avoir d'autre fonction que
d'ajouter quelques menus éléments à une intrigue qui déjà tient
sur une faible structure. Le chantier n'est donc pas d'ampleur et
laisse dubitatif. Opposant à une maîtrise de la narration, un
mystère qui ne convaincra pas tout le monde dans son approche et son
développement, il n'y aura guère que les quinze ou vingt dernières
minutes pour démontrer tout le potentiel gâché d'une œuvre qui
aura d'abord noyé le spectateur sous une couche de sous-intrigues
parfaitement inutiles. A dire vrai, même si le personnage de Vincent
déconcerte et semble parfois élever l'intrigue, le cinéaste ne
semble plus savoir comment s'y prendre pour le dégager du récit. Un
être qui passe, s'engouffre dans l'histoire pour s'en échapper de
manière inattendue. Peu divertissant dans sa première moitié, Ce
que mes Yeux ont Vu
est une œuvre austère, triste, manquant d'avoir été trop
sobrement développée. Un long-métrage qui aurait pourtant mérité
une écriture davantage travaillée en profondeur. Reste l'ambiance,
un dernier acte qui nous fait regretter la naïveté des précédents
et surtout, une Sylvie Testud habitée par son personnage... Un
semi-échec...
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