Lorsqu'un
cinéaste adapte un ouvrage de qualité, on pourrait être en droit
de penser qu'il part sur des bases beaucoup plus saines et solides
que celui qui aura la dure mission de transformer un piètre roman en
un long-métrage convainquant et que la réussite est acquise dès le
départ. Mais encore faut-il que ce cinéaste puisse rendre à
l'écran tout ce que l'écrivain a injecté dans son roman. Plus que
jamais, Stephen King, celui que tout le monde à découvert un jour
caché derrière l'un de ses romans d'épouvante, n'a sans doute
jamais été aussi profond qu'en abordant l'écriture sous un angle
différent. Quoique, l'épouvante pouvant ressembler à autre chose
qu'à des fantômes, des vampires et autres loups-garous, l'auteur de
The Dead Zone,
de Misery,
de Rita
Hayworth and Shawshank Redemption,
ou de The
Body
a déjà prouvé à maintes reprises qu'elle pouvait s'inscrire dans
un contexte tout à fait crédible. Un peu comme cela est le cas avec
son dix-neuvième roman Dolores
Claiborne.
Un excellent ouvrage qui montrera à ceux qui ne cessèrent de le
conspuer en affirmant que son oeuvre est mineure, qu'il est capable
de grandes choses.
Il
fallait donc que son adaptation sur grand écran soit à la hauteur,
et ainsi donc confié à un cinéaste capable de produire une œuvre
aussi riche et profonde que l'est le roman. C'est donc au cinéaste
américain Taylor Hackford qu'échut la responsabilité de mettre en
scène ce drame poignant. Un cinéaste qui s'était notamment fait
remarquer jusque là avec An
Officer and a Gentleman
en 1983. Dolores
Claiborne
n'est pas un film d'épouvante. Ou si peu...
Car
la vie de cette femme au service d'une richissime vieille dame depuis
plus de vingt ans va basculer du jour au lendemain, lorsque Dolores
Claiborne va être surprise par le facteur, un rouleau à pâtisserie
entre les mains, assise au dessus de son employeuse agonisante.
Soupçonnée par l'infâme détective John MacKey (excellent
Christopher Plummer) qui n'a jamais accepté que la gouvernante soit
reconnue innocente de la mort de son époux il y a de nombreuses
années, le film de Taylor Hackford revient sur le douloureux passé
de Dolores Claiborne. De sa vie avec son époux Joe (génial David
Strathairn), alcoolique et violent, jusqu'aux années passées au
service de l’acariâtre et méprisante Vera Donovan (Judy
Parfitt), en passant par les moqueries dont elle fut la victime de la
part des habitants de Little Tall, dans le Maine.
Dolores
Claiborne, c'est l'actrice Kathy Bates, qui cinq ans après son
incroyable performance dans le film de Rob Reiner, Misery,
réapparaît pour la seconde fois dans une adaptation d'une œuvre de
Stephen King. A ses côtés, l'actrice Jennifer Jason Leigh incarne
avec talent la propre fille de Dolores, Selena St. George. Deux
personnages, une mère et sa fille, qui n'ont eu de cesse de subir
des épreuves terribles et qui entretiennent des rapports difficiles
et conflictuels depuis la mort du mari de la première et du père de la seconde.
Alors ? Accident ou meurtre ? Le mystère se prolonge.
Longtemps... Dolores a-t-elle tué son mari, et beaucoup plus tard,
son employeuse ? C'est ce que tente d'établir le cinéaste qui avec
Dolores Claiborne signe
l'une des meilleures adaptations de Stephen King. Une œuvre
profonde, oui, mais parfois, également, terriblement sombre. Comme
si aucune fée ne s'était penchée sur le berceau de son héroïne,
martyrisée par un Mal prenant autant de visages que Little Tall
compte d'habitants.
Taylor
Hackford bâtit une œuvre au scénario complexe mais d'une étonnante
fluidité, revenant de manière incessante sur différentes périodes
de l'existence de son héroïne. Bourru, le personnage magnifiquement
incarné par Kathy Bates n'en est pas pour autant moins attachant. Au
contraire, l'actrice y est si convaincante qu'il n'est pas rare que
l'on soit bouleversé. Il ne faudra cependant pas éclipser Jennifer
Jason Leigh, qui offre une composition qu'il serait dommage d'oublier
vu l'immense présence de Kathy Bates à l'écran. Accompagné par
une partition musicale signée du compositeur « attitré »
de Tim Burton, Danny Elfman, Dolores
Claiborne
impressionne par la mise en scène du cinéaste et par le jeu
absolument bouleversant de Kathy Bates et Jennifer Jason Leigh, ainsi que par celui,
effroyable, de Christopher Plummer et David Strathairn. Un film
majeur dans la carrière cinématographique "adaptée" de Stephen King...
Regardez-le, vous n'en ressortirez pas indemne. Car lorsque l'on
croit que tout est dit, Stephen King possède cette faculté
stupéfiante consistant à nous asséner des coups de poignard
supplémentaires. Comme si le spectateur n'avait pas suffisamment
enduré d'épreuves. Un classique !!!
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