Si vous survivez à la
vague de gags qui submergent les vingts premières minutes de
Coexister, vous êtes en bonne voie. Mais tout d'abord,
quelques petits conseils : asthmatiques, veillez à vous munir
de votre ventoline, quitte à prévoir une recharge supplémentaire.
Quant aux cardiaques, inutile de préciser qu'une révision du moteur
me semble plus qu'appropriée avant de vous lancer dans cette folle
aventure qui, contrairement à ces quelques comédies faussement
polémiques qui ont provoqué quelques dégâts collatéraux chez
certains critiques, évite toute forme d'hypocrisie et de
sous-entendus raciaux et religieux. Vingt minutes donc, et pour être
plus précis, dix-neuf plus une poignée de seconde à tenter de
reprendre une respiration normale. Des rires en cascade, s'enchaînant
à une allure si vive que la sur-ventilation nous guette. Fabrice
Eboué signe rien que moins que l'une (ou la) des comédies les plus
efficaces de ce début d'année. Dans le genre, il relève le défit
haut la main, dépassant de loin, et même de très loin les
champions de la catégorie. Acteur, réalisateur et scénariste de
son propre long-métrage Coexister (le troisième après
Case Départ et Le Crocodile du Botswanga),
l'humoriste y jette une idée toute bête mais qui, bizarrement, n'a
pourtant jamais semblé traversé l'esprit de quiconque. EA notre
époque, évoquer le rassemblement des trois principales communautés
religieuses de France pouvait prêter à polémique. Et pourtant, si
même cette pensée peut traverser l'esprit durant les premières
minutes, elle s'efface au profit de l'humour d'un artiste qui ose
parler de tout, sans langue de bois ni pincettes.
Fabrice Eboué débute
l'écriture du scénario à partir de l'histoire véridique de Joseph
Dinh Nguyen Nguyen, ancien séminariste et chanteur vietnamien du
groupe Les Prêtres (aux côtés de Jean-Michel Bardet
et Charles Troesch) ayant SEVÎT en France entre 2010 et 2014 (trois
albums au total ), lequel abandonna sa vocation de religieux. Fabrice
Eboué se questionne sur le choix de l'ancien prêtre puis attaque
l'écriture de ce qui deviendra au cinéma Coexister.
Soit, non plus la réunion de trois prêtres, mais d'un seul, aux
côtés d'un imam et d'un rabbin. Je sais, ça a tout l'air d'une
blague mais c'est bien de cette coexistence dont il est question ici.
Tout la force du nouveau long-métrage réside sur plusieurs points :
l'acteur-réalisateur évite tout manichéisme. Il ne s'érige
également pas en grand ordonnateur d'une certaine morale et
s'autorise même à rajouter quelques couches de douce provocation à
un sujet qui, c'est certain, en fera dès le départ rugir certains.
Dans le rôle de Nicolas Lejeune (directeur de la section musicale
des entreprises Demanche, dont la présidente n'est autre que
l'excellente (et ici, détestable) Mathilde Seigner), Fabrice Eboué
est épaulé par un trio (et même un quatuor) d'interprètes
totalement acquis à la cause d'un scénario dont l'idée, n'est pas
si stupide qu'elle en a l'air.
Ramzy Bédia, Guillaume
de Tonquédec et Jonathan Cohen, l'arabe, le français et le juif.
Sans oublier l'excellente Audrey Lamy, dans le rôle de la blonde nymphomane. Fabrice Eboué, tout en passant en douce un message à
l'attention des plus réfractaires à la fraternisation entre les
peuples et les religions, injecte le même humour qu'on lui connaît
sur scène. Pourtant, son film et ses personnages n'ont rien de la
beauf-attitude que certains dialogues pourraient leur prêter. C'est
là, toute l'intelligence de son écriture. Faire grincer les dents
des moins ouverts d'esprit à dose si peu thérapeutique que l'on n'a
pas vraiment le temps de réfléchir à telle ou telle réplique. Son
quatuor d'interprètes fait des étincelles. L'amitié et la bonne
humeur qui les lie sur le tournage sont véritablement communicatifs.
L'humour, toujours l'humour. Si le message est clair, Fabrice Eboué
s'attaque à certaines convenances sans jamais être choquant. Le
sourire n'est jamais jaune, lorsque le réalisateur évoque par
exemple le faux imam consommant de l'alcool et du saucisson à base
de porc, le prêtre se laissant aller au plaisir de la chair, ou
encore le rabbin « sniffant » de la cocaïne avant
chaque entrée en scène.Il est fort à parier que Coexister
demeurera
comme l'une des quelques comédies de l'année dont on se souviendra
encore longtemps. N'écoutez pas ce qui affirment que "Coexister"
se montre timide dans sa critique du monde de la musique, et très
insuffisant dans son approche des tensions religieuses,
le propos n'est pas là. Regardez-le, tout simplement...
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