On connaît surtout
l'acteur, réalisateur, scénariste, et producteur américain George
Clooney depuis l'immense succès de la série Urgences
diffusée chez nous à partir du 27 juin 1995, mais il faut savoir
que l'interprète du Docteur Douglas Ross a débuté sa carrière à
la télévision en 1984 (Riptide) et au cinéma deux
ans plus tard (Combat Academy). En tant que cinéaste,
son premier long-métrage Confessions of a Dangerous Mind date de
2002 et depuis, George Clooney a réalisé cinq autres films dont
Bienvenue à Suburbicon. Dès le départ, il demeure
dans ce long-métra une étrange sensation qui gagne peu à peu du
terrain pour se révéler finalement une certitude lorsque se déroule
le générique de fin.
Certains argumenteront
que cette conviction aurait pu tout aussi bien être confirmée à
l'orée du générique de début mais concentré sur l'esthétisme
rétro-futuriste mis en place pour nous présenter une ville
(village?) de Suburbicon idéale, vision d'un rêve américain
tronqué, j'ai honteusement oublié de me renseigner sur quelques
points importants du film à venir. Car à part avoir pris
connaissance de son auteur, et sachant la présence de l'excellent
acteur Matt Damon, le reste ne demeurait qu'un flou à peine éclairci
par un court synopsis détaillant sommairement une histoire qui
allait se révéler fort intrigante.
Cette sensation, cette
certitude, cette conviction qui survole le récit et ses jardins
scrupuleusement tondus (les créateurs de Suburbicon ont beau vanter
ses qualités, son aspect concentrationnaire demeure quelque peu
refroidissant), c'est cette fâcheuse tendance qu'à le film de
George Clooney de nous rappeler le cinéma du célèbre duo de
frangin connus sous le nom de Joel et Ethan Coen. Tout ou presque
dans Bienvenue à Suburbicon nous
rappelle le génial cinéma de l'inséparable binôme qui depuis plus
de trente ans régale les cinéphiles du monde entier avec des œuvres
remarquablement mises en scène et d'une créativité incomparables.
Cette
impression se conforme peu à peu, donc, jusqu'au générique de fin
qui révèle le nom des scénaristes :George Clooney, Grant
Heslov, ainsi que... Joel et Ethan Coen! L'histoire de Bienvenue
à Suburbicon ne
date pas d'hier puisque les frères Coen en ont écrit le premier jet
en 1986, après la sortie de leur premier long-métrage Blood
Simple
en 1984. Alors que l'année précédente il écriront en compagnie du
réalisateur le scénario du délirant Crimewave
(Mort sur le Grill),
leur deuxième long-métrage ne sera pas l'adaptation de leur
scénario Suburbicon,
mais Arizona Junior avec Nicolas Cage, Holly Hunter, et déjà, l'un
de leurs acteurs fétiches John Goodman.
A
propos de ces acteurs qu'ils emploient
régulièrement depuis l'année 2000 se situe justement George
Clooney qui, à défaut de pouvoir écrire son propre scénario, en
hommage aux deux frangins, ou plus simplement par intérêt pour le
script écrit par ses derniers trente et un ans auparavant s'est donc
lancé dans la réalisation de Bienvenue à
Suburbicon.
Une œuvre fort sympathique, avec tout ce qu'il faut d'humour et de
suspens pour que l'on ne s'ennuie pas. Un climat très particulier,
s'inscrivant à la toute fin des années cinquante (belles voitures,
puritanisme vicié, racisme, et couleurs d'époques comprises). La
vie idyllique et sans aspérités d'une grosse bourgade ayant déjà
accueilli en son sein plus de soixante-mille habitants. Que des
blancs. Mais l'arrivée d'une famille de noirs va venir chambouler le
quotidien surfait d'une tribu blanche acquise à la cause de
l'intégration des gens de couleurs mais, chez les autres. Et surtout
pas à Suburbicon que tous veulent voir demeurée une ville purement
constituée d'hommes et de femmes de race blanche. Les Mayers et leur
fils s'installent juste à côté de la demeure des Lodge. Seule
famille qui ne se préoccupera par de la présence dans leur quartier
d'une famille de noirs. Car les Lodge ont des soucis nettement plus
graves. En pleine nuit, ils reçoivent la visite de deux hommes qui
attachent Gardner, le mari, Margaret, son épouse, Rose, la sœur de
celle-ci, et l'enfant du couple, Nicky à la table de la cuisine.
Tous endormis à l'aide d'un chiffon imbibé de chloroforme, tous se
réveilleront plus tard à l’hôpital sauf Margaret qui décédera
d'une dose trop importante d'anesthésique...
George
Clooney met en parallèle le récit de cette famille de black
(Karimah
Westbrook, Leith Burke, Tony Espinosa) injustement
refoulée par la population tandis qu'à côté se déroule un drame
dont personne, même les autorités, ne soupçonnent la gravité. Le
film intègre l'hypothèse selon laquelle l'installation d'étrangers
(noirs de surcroît) est responsable des maux se produisant dans leur
jolie petite ville depuis leur apparition. Bien que les événements
se produisant au sein de la famille Lodge apparaisse aussi dramatique
que la ségrégation dont sont victimes les Mayers, Bienvenue
à Suburbicon distille
une forte dose d'humour. L'urgence de la situation, rocambolesque, et
l'enchaînement de péripéties rappelle le Crimewave
de Sam Raimi dont les frères Coen écrivirent le scénario un an
avant celui qui allait donner naissance au long-métrage de George
Clooney plus de trente ans plus tard.
Matt
Damon, Julianne Moore (dans un double rôle), Oscar Isaac (excellent)
ou encore Gary Basaraba constituent le casting d'une œuvre
sympathique qui souffre cependant de la comparaison que le spectateur
pourrait entreprendre entre le travail de George Clooney et celui des
Frères Coen dont la maîtrise est irréprochable. Bienvenue
à Suburbicon
n'est pas un mauvais film, au contraire, on s'y amuse beaucoup et
l'on a vraiment hâte de connaître les tenants et les aboutissants
de l'intrigue, mais l'on se prend également à rêver de ce
qu'auraient pu faire de leur propre scénario Joel et Ethan Coen
s'ils l'avaient eux-même adapté au cinéma...
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