Albert Dupontel aura mis
un quart de siècle pour s'éloigner du difficile cap de
l'adolescence. On parle ici, du Dupontel cinéaste car l'acteur, lui,
a déjà abordé des rôles plus durs, moins enfantins, que lors de
ses premiers émois cinématographiques. On l'a vu donc passer du
trashy Bernie au
bouleversant Deux Jours à Tuer
avec un naturel qui n'appartient qu'aux plus grands. Aujourd'hui,
Albert Dupontel joue dans la cours des plus grands cinéastes avec,
sans doute, le point culminant de sa filmographie. Qui aurait pu
croire qu'un jour ce français originaire de Saint-Germain-en-Laye,
dont le prénom plutôt casse-gueule d'Albert n'est qu'un pseudonyme
dont le choix s'explique par sa volonté de préserver ses proches,
allait s'offrir une carrière aussi brillante ? Sans doute moins
délirant que par le passé, l'acteur-réalisateur-scénariste adapte
pour la première fois un roman. L’éponyme Au
Revoir Là-Haut
de Pierre Lemaire.
Albert
Dupontel a toujours été un créatif à l'imagination débordante et
un brin... bordélique. Alors qu'il avait prévu à l'origine
d'offrir le rôle qu'il incarne dans le film à l'acteur belge Bouli
Lanners, il offre celui d’Édouard Péricourt à l'acteur argentin
Nahuel
Pérez Biscayart. Originaire de Buenos Aires, le jeune homme y
explose littéralement. Son personnage gravement blessé durant la
première guerre mondiale alors qu'il tentait de sauver son camarade
de tranchée Albert Maillard a perdu l'usage de la parole. L'acteur
s'y exprime donc tel un mime affublé de masques remarquables qu'il
fabrique lui-même avec les moyens du bord (du papier mâché).
Dessinateur hors-pair, c'est après la guerre qu'Albert et Édouard,
sans le sou, décident de monter une arnaque en proposant un
catalogue de monuments aux morts constitués de dessins. Une fois
l'argent des commandes passées par les municipalités, les deux
hommes prendront la fuite sans envisager le moins du monde de
fabriquer le moindre monument. Malheureusement pour Albert et
Édouard, l'une de leurs victimes ne sera autre que Marcel Péricourt,
le père du second (l'extraordinaire Niels Arelstrup).
Ce
résumé, je l'accorde, fort succinct, n'est le reflet que d'une part
infime d'un scénario foisonnant d'idées. Au
Revoir Là-Haut fourmille
de séquences, nous proposant en préambule une vision de la guerre
particulièrement dure, et développant par la suite un retour à la
vie civile ne fêtant ses héros qu'à travers d'immenses symboles de
bronze (les dits monuments aux morts). Nos deux soldats retournent
ainsi à la vie normale
sans un sou ou presque en poche. Au
Revoir Là-Haut ressemble
à un immense chapiteau sous lequel vont se succéder autant
d'histoires personnelles que le long-métrage compte d'interprètes.
A ce titre, Albert Dupontel s'est offert un casting en or. Car outre
la participation de Nahuel Pérez Biscayart,
l'acteur-réalisateur-scénariste nous offre une vision plurielle
de la cruauté morale. Entre un Laurent Laffite monstrueux jusqu'au
bout, et un Niels Arestrup en père froid, insensible PRESQUE jusque
dans ses derniers retranchements, Albert Dupontel apporte à son fond
de commerce situé entre provocation et analyse du comportement
humain, la poésie d'un conte pour adultes aussi cruel que
majestueux. Aussi surréaliste que le cinéma de l'ancien binôme
constitué en son temps par Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. On
retrouve d'ailleurs ce même amour pour l'histoire
de France
et ce besoin irrépressible de faire revivre le passé mais avec en
plus, la puissance et la passion de la Magie qui faisaient défaut
dans l'ennuyeux Un
long dimanche de fiançailles
de Jean-Pierre Jeunet en solo.
Émilie
Dequenne, Mélanie Thierry, Heloïse Balster (Louise, l'enfant qui
accompagne durant toute leur histoire, Albert et Édouard), Michel
Vuillermoz (énormissime!!!), et bien d'autres encore constituent le
ciment d'une cathédrale bâtie sur les sentiments. Les émotions
s'enchaînent avec un naturel qui frise le génie. A l'horreur
succède le rire, lequel est chassé pour un court instant par
l'émotion palpable née du simple regard d'un père pour son fils.
Nous pourrions évoquer la superbe photographie de Vincent Mathias,
la musique de Christophe Julien ou les costumes de Mimi Lempicka et
bien d'autres choses encore. Mais le mieux reste encore de découvrir
Au
Revoir Là-Haut
par soit-même. Le digne successeur de... Santa
Sangre
d'Alejandro Jodorowsky, rien de moins...
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