Plus on remonte dans la
carrière de l'actrice suédoise, et plus l'on se rend compte de
l'immense talent de Noomi Rapace. Ridley Scott lui confiera le rôle
de Elizabeth Shaw dans Prometheus en 2012. Plus loin dans le passé,
on l'aura découverte dans l'excellent et fantomatique Babycall
du norvégien Pål Sletaune. Et même quelques années auparavant
dans l'impressionnante trilogie danoise Millenium. Mais
s'il demeure une interprétation plus remarquable encore que les
autres, c'est le rôle qu'elle a tenu en 2007 dans l'effroyable Daisy
Diamond. Une œuvre extrême réalisée par le cinéaste
danois Simon Staho pour le compte duquel l'actrice s'est entièrement
mise à nu. Au propre comme au figuré. Une expérience de cinéma
totale. Sublime autant qu'abjecte. Une descente aux enfers sans fil
d'ariane pour se raccrocher à un quelconque espoir.
Le cinéaste choisi de
tourner un film aussi cru que la vie elle-même. Noomi Rapace y
explose littéralement dans le rôle d'une mère de famille sans
conjoint, livrée à elle seule et s'occupant d'une petite Daisy qui
ne cesse de pleurer. La jeune femme tente de décrocher un rôle au
cinéma mais sans jamais y parvenir. Devant les pleurs incessants de
son bébé de quatre mois seulement, la jeune femme pète les plombs
et se résout à une alternative qui va la mener droit en Enfer. Un
cauchemar qui n'épargnera ni son personnage, ni son interprète, ni
les spectateurs.
Alors que certains
spectateurs calfeutreront probablement leur peur du spectacle devant
un jugement hâtif dénigrant la grande cruauté dont fait preuve le
cinéaste envers ses personnages, les autres y verront matière à
s'extasier devant une mise en scène aussi sobre dans son approche
que sont difficilement soutenables certains passages. Noomi Rapace, à
poil ! Dénudée, écartelée entre l'amour que porte son
personnage à son enfant et la succession de déconvenues
professionnelles, le chemin est long et douloureux entre ses
aspirations et la fin que lui offre l'implacable script écrit à
quatre mains par le cinéaste lui-même en compagnie de Peter
Asmussen. Une douloureuse expérience cinématographique qui laisse
entrevoir la fin tragique de son héroïne.
Entre fiction et réalité,
les scènes se succèdent, se confondent, laissent entrevoir la part
de vérité qui se détache des perspectives offertes par les
différents casting auxquels assiste l'héroïne. Qui mieux qu'Anna,
le personnage incarné par Noomi Rapace pourrait interpréter ces
rôles que l'on confiera pourtant à d'autres ? La première
scène ouvrant le bal des horreurs est significative et renvoie déjà,
au terme du récit. Un couple. Anna et son amant. Un fix d'héroïne,
un quasi-viol, et les pleurs d'un enfant. On croit à une ellipse
mais le changement de cadre déclare son amour du cinéma brut. Ouf !
On respire. Tout n'était qu'un jeu. Celui de deux interprètes
s'offrant à deux directeurs de casting. Mais on ne le sait pas
encore, cette première scène déjà jusqu’au-boutiste est une mise
en bouche du calvaire que va vivre dès lors le personnage d'Anna.
Noomi Rapace... qui se
rase le crâne, les aisselles, le pubis, qui hurle et pleure devant
la caméra. La morve au nez, elle s'endort. Libérée... ? Les
casting s'enchaînent sans qu'Anna n'obtienne aucun rôle. Et
lorsqu'enfin le miracle arrive, son personnage est supprimé du
script. Et toujours, Daisy qui pleure. Noomi sans maquillage. Le
visage gras, boutonneux, les pores dilatés. Simon Staho n'a
clairement pas l'intention de filmer l'actrice sous son meilleur
jour. Du cinéma-vérité. Rapace exécute ce que peu d'actrices
auraient accepté de tourner.
Daisy Diamond est
glaçant, aussi douloureux qu'un uppercut, jamais emprunt de
sensualité, violent dans ses propos et dans son visuel. Noomi Rapace
y est tour à tour agressive, douce, maternelle, infanticide. Si son
personnage stagne au premier niveau d'une carrière qui ne décollera
jamais dans le circuit classique, l'actrice, en revanche, y éclate
littéralement. L’œuvre de Simon Staho est certes noire et
désespérée, mais à la fois belle et essentielle. Elle permet
surtout de découvrir une facette de l'univers cinématographique peu
courante. Déjà un classique...
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