Le cinéaste américain
Ted Post signait en 1968, un très grand western avec Hang Em
High. Un scénario basant son intrigue autour du
révisionnisme occidental remettant en question les idéaux fondés
sur les coutumes du far West, et qui se révélèrent en fin de
compte bien moins reluisants que dans les idées reçues. Clint
Eastwood y interprète le rôle de Jedediah "Jed" Cooper,
éleveur de bétail et ancien homme de loi accusé à tort d'avoir
volé et tué le propriétaire d'un troupeau de bêtes par le
Capitaine Wilson et ses hommes. Pendu sans autre forme de procès, il
est sauvé in extremis par le marshall Dave Bliss qui ne passait pas
tout à fait par hasard dans la région. Finalement reconnu innocent
par le juge Adam Fenton, lequel lui offre un poste de Marshall, c'est
porteur de sept mandats d'arrêt aux noms de ses lyncheurs que Cooper
va se lancer à la poursuite de ces derniers afin de les faire
enfermer et juger.
Face au désir de
vengeance de Cooper, c'est l'opposition entre justice expéditive et
tribunal impitoyable que tournera le récit du film qui chez nous
sortira sur les écrans le 20 novembre 1968 sous le titre, Pendez-les
Haut et Court. Un grand western, oui. Mais aussi et surtout,
un grand malaise filmé en Couleur Deluxe. Le portrait peu
élogieux d'une Amérique s'étant tout d'abord emparée des terres
appartenant aux indiens. Mais là n'est pas vraiment le sujet. Ce qui
intéresse Ted Post dans le scénario écrit par Leonard Freeman et
Mel Goldberg, c'est d'abord les différentes formes qu'y prend la
justice. Légale ou non, manifeste ou non-offcielle, dans le contexte
de ce récit, elle dérange.
Tout commence donc par
l'exécution de Cooper par des hommes s'affirmant hommes de loi, ce
qui n'empêche pas certains d'entre eux de voler le condamné. L'un se
saisit de la selle de son cheval tandis qu'un autre lui vole son
portefeuille. Les visages expriment différents types d'émotions.
Certains, de la gêne. D'autre, de l'incertitude quant à la
culpabilité de Cooper, évaluée à la légère et sans qu'aucune
preuve véritablement tangible à part la présence du bétail du
propriétaire tué plus tôt dans les parages ne vienne
définitivement étailler les soupçons de ces hommes qui se disent
de loi mais tuent à la sauvage. Hang Em High n'aurait
pu être qu'une succession d'actes mettant en scène un Clint
Eastwood toujours aussi charismatique et tuant les uns après les
autres ceux qui le jugèrent et le lynchèrent un peu trop
rapidement.
Mais
là où le scénario brille par son intelligence, c'est lors d'une
scène durant laquelle intervient un événement avec lequel le
personnage de Cooper entre en conflit. Si dans une certaine
mesure, et selon la loi ayant court à l'époque, même un simple voleur
pouvait finir la corde au cou, il y a dans ce double portrait de deux
frères de dix-huit et seize ans ayant volé des bêtes en compagnie
d'un homme plus mûr et seul responsable de la mort de leur
propriétaire, de quoi remettre en question la justice un peu trop
radicale en ce dix-neuvième siècle où la poudre et le chanvre
parlaient un peu trop facilement. Afin d'étayer son propos et de
s'assurer une attention de tous les instants de la part du
spectateur, Ted Post nous assène aux trois-quarts du long-métrage
une sextuple pendaison presque insoutenable dans son attente. Six
condamnés pour presque autant de personnalités différentes. Parmis
lesquels, les deux gamins cités plus haut, condamnés à mort par un
juge que l'on avait loisir d'apprécier jusque là. Et toujours,
Clint Eastwood, la marque de son lynchage pour nous rappeler son
injustice, tentant de faire basculer le sort des deux jeunes
condamnés. En vain puisque leur sort, justement, est déjà scellé.
Autre
phénomène particulièrement absurde dans le comportement humain, ou
du moins, tout à fait abjecte et admirablement retranscrit : la
ferveur des habitants du village et de tous ces « touristes »
venus
assister à la multiple pendaison. Il demeure quelque chose de
profondément indécent et de décadent dans ce spectacle de la mort
où les chants religieux s'enchaînent, entrecoupés de rires gras et
où la bière coule à flot. Seule minuscule note d'espoir dans ce
monde chaotique et mortifère, un père refusant à son enfant
d'assister à la pendaison. Un court répit immédiatement relayé
par l'image marquante d'un père prenant sur ses épaules son enfant,
à peine âgé de sept ou huit ans, histoire que le gamin n'en manque
pas une goutte !
Si
dans le font, le film se regarde essentiellement comme un excellent
divertissement et un très bon western, c'est en analysant la forme
que l'on y descelle tout le potentiel horrifique accentué par la
partition musicale parfois minimaliste et anxiogène du compositeur
et accordéoniste de jazz, Dominic Frontière. Aux côtés de Clint
Eastwood, nous retrouvons notamment Pat Hingle dans le rôle du juge
Fenton, Inger Stevens dans celui de Rachel Warren (incarnant ainsi
encore une autre forme de justice), Ed Begley en Capitaine Wilson, ou
Bruce Dern dans la peau de Miller. Quant aux plus attentifs, ils
auront sans doute reconnu Dennis Hooper dans le minuscule rôle du
« Prophète »
au
début du film. Un petit bijou à côté duquel il serait dommage de
passer...
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