Comme pour tous ses films
sauf les deux derniers qu'il réalisa respectivement en 1982 (Deux
heures moins le quart avant Jésus-Christ) et 1984 (Liberté,
égalité, choucroute), l'écrivain, humoriste, réalisateur
et compositeur français Jean Yanne a produit lui-même Chobizenesse,
son quatrième long-métrage en tant que cinéaste. Un moyen fiable
d'avoir un contrôle total sur la réalisation, le casting ainsi que
sur le produit définitif. Jusqu'à maintenant, il avait confié la
musique au compositeur Michel Magne, s'occupant lui, des paroles.
Désormais, Jean Yanne écrit lui-même sa propre bande-son, confiant
les arrangements et les musiques additionnelles au pianiste et
compositeur de musiques de films Raymond Alessandrini ainsi qu'à
Claude Germain. Plus attiré que jamais par la chanson, le cinéaste
profite du thème abordé du monde du spectacle et des marchands
d'arme, s'inspirant ainsi directement de son précédent long-métrage
Les Chinois à Paris, financé par le chef
d'entreprise dans l'industrie aéronautique et de l'armement Serge
Dassault, pour écrire ce qui s'apparente à une comédie musicale.
Peut-être moins inspiré, Chobizenesse
n'est
est pas moins une très bonne comédie qui malheureusement n'a pas
rencontré son public lors de sa sortie en France au mois d'octobre
1975 puisqu'il n'attirera sur le territoire tout entier, qu'un peu
plus de cinq-cent cinquante mille spectateurs. Pourtant, l'ambition
est là. Un spectacle permanent. À la limite de la décadence. Du
moins, dans l'esprit de ce que Jean Yanne a accompli jusque là.
Chobizenesse nous
narre le récit de Clément Mastard (interprété par Jean Yanne
lui-même), directeur de théâtre et dirigeant de revues de
music-hall qui après un dîner en compagnie de la célèbre
comédienne Célia Bergson se voit offrir l'opportunité de monter
une pièce de grande ampleur financée à hauteur de cinq-cent mille
francs par quatre frères, marchands d'armes et spécialisés dans
l'acier. Mais pour cela, il va devoir faire des concessions. Il
abandonne tout d'abord son projet initial et la nouvelle pièce
tourne autour de l'acier. C'est un échec. D'abord frileux, Armand
Boussenard et ses trois frères finissent par accepter l'idée
d'introduire le sexe au cœur de la pièce. Le compositeur attitré
de Clément Mastard ayant perdu son inspiration, ce dernier fait
appel au musicien de génie Jean-Sébastien Bloch (voyez la source
d'inspiration), ancien compositeur des pièces avant-gardistes de
Célia Bergson. Mais l'homme se montre très violent envers Clément,
rejetant l'idée de composer pour des pièces de théâtre. Soupçonné
d'avoir
poussé par la fenêtre la prostituée qui l'abritait chez elle,
Bloch se réfugie cher Clément qui le protège en échange de quoi,
il lui demande d'écrire la symphonie de son prochain spectacle...
L'un
des principaux soucis de Chobizenesse
demeure
dans le fait qu'il se disperse aux quatre vents et manque le coche de
la vraie bonne critique sociale. Jean Yanne hésite entre caricaturer
l'un des aspects sous-jacents de son précédent film, et centrer le
récit sur le personnage mégalomane de Jean-Sébastien Bloch, par
ailleurs excellemment interprété par l'acteur Robert Hirsch. Jean
Yanne évoque également la montée de la pornographie qui s'est
libéralisée
quelques
années auparavant dans le monde occidental. Le scénario n'ayant pas
véritablement de cohérence, on assiste avant tout à un show comme
sait les orchestrer Jean Yanne. On assiste le plus souvent à un
spectacle musical qu'à une véritable critique de la société même
si à intervalles réguliers, son auteur rappelle qu'il écrit avant
tout pour attirer l'attention des spectateurs sur les
dysfonctionnements de notre société. Pour son quatrième
long-métrage, Jean Yanne change complètement d'interprètes. Exit
les Bernard Blier, Jacques François, Nicole Calfan, Michel Serrault,
Paul Préboist ou Daniel Prévost.
Désormais, il faut compter sur
Robert Hirsch donc, Catherine Rouvel, Denise Gence, carrément
hallucinante dans le rôle de l'épouse-mégère de Bloch, le
cinéaste évoquant ici un prolétariat sous-cultivé et vivant dans
des quartiers insalubres, Hubert Deschamps, l'irrésistible Paul Le
Person, Guy Grosso, ou encore Georges Beller, lequel joua l'un des
principaux personnages de la série Médecins
de Nuit
et fut l'animateur de la célèbre émission de télévision diffusée
sur Antenne 2 dans les années quatre-vingt dix, Jeux
sans frontières.
L'on retiendra de Chobizenesse
des chansons amusantes, barrées, dans l'esprit des œuvres écrites
par Michel Magne pour les précédents longs-métrages de Jean Yanne,
un spectacle permanent, haut en couleurs, tout en demeurant
prodigieusement kitsch ! Pas le meilleur de son auteur, mais
tout à fait regardable si l'on excepte le fait qu'après
quarante-deux ans après sa sortie, le film a pris, comme les autres
d'ailleurs, un méchant coup de vieux.
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