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samedi 30 décembre 2017

Moi y'en a vouloir des Sous de Jean Yanne (1973) - ★★★★★★★☆☆☆



Pour son second long-métrage en tant que réalisateur après Tout le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, l'acteur, réalisateur, humoriste et écrivain (entre autres talents) français Jean Yanne s'attaque cette fois-ci au monde du capitalisme et lui oppose celui du prolétariat. Il y tient le rôle du conseiller financier d'un grand groupe qui, après avoir été licencié, se rapproche de son syndicaliste d'oncle qui n'a jusqu'à aujourd'hui vu son neveu que comme un capitaliste s'enrichissant sur le dos des prolétaires. Ayant moyennement apprécié d'être viré, Benoît Lepape décide donc de prendre les choses en main et de se venger du capitalisme et achetant une entreprise visant à avoir le monopole dans le domaine de l'industrie. Mais pour cela, il faut de l'argent: c'est pourquoi, avec l'aide de son oncle Adrien Colbart, leader syndical de la CGI, il va tenter de convaincre les membres du syndicat d'investir à l'aide des fonds récoltés l'achat d'une entreprise fabriquant des vélos. Une fois la chose accomplie, et puisqu'il faut bien que celle-ci soit rentable, il crée une journée sans voitures. Contre la pollution. Ce qui aura pour conséquence l'augmentation des ventes de bicyclettes. De grosses sommes d'argent rentrent dans les caisses et ceux qui jusqu'à aujourd'hui s'imaginaient comme les portes-drapeaux du prolétariat veulent désormais en croquer. Entre Benoit et son oncle, c'est la rupture. Trahi par ce dernier, l'ancien conseille financier se rapproche de précédent employeur, lequel lui propose au vu des résultats qu'il a obtenu, le poste de vice-président. Alors que Benoit et son oncle entrent en guerre, celui qui était parvenu à faire la fierté de du leader de la CGI va connaître une ascension fulgurante, attirant le mépris des syndicats et même, plus étonnant, d'une ligue féministe dirigée Nicole, la fille de l'un de ses plus vieux amis, le curé Léon...

Bien que Moi y'en a vouloir des Sous emprunte la forme d'une comédie, le message social de Jean Yanne et Gérard Sire (les deux hommes ont collaboré à l'écriture du scénario), le fond se veut beaucoup profond qu'il n'y paraît. Jean s'attaque en effet une nouvelle fois à notre société mais sous un angle différent de son précédent long-métrage. Désormais, il s'en prend aux grands. A ceux qui détiennent le pouvoir. Mais plus que de simplement opposer ses personnages dans une lutte des classes envisageant d'un côté le Bien, et de l'autre le Mal, il construit avec une certaine aisance le récit d'un individu rejetant les codes du capitalisme tout en étant malheureusement lui-même happé par la réussite sociale et financière.

Plus que le monstre qu'il aurait pu devenir, son personnage garde ses distances avec la réussite et malgré les apparences demeure l'homme proche du peuple qu'il a toujours été. Face à lui, un Bernard Blier qui excelle dans le rôle du leader syndicaliste qui quoi qu'on en dise, jalouse son neveu. Moi y'en a vouloir des Sous étudie les méthodes de fonctionnement d'une entreprise vouée à la réussite. Jean Yanne va jusqu'à faire évoluer celle de son personnage au delà des frontières nationales. Un individu condamné à la réussite. C'est ainsi qu'intervient le burlesque. Lorsque Benoit Lepape tente de perdre de l'argent mais n'en fait qu'en gagner davantage. Pire, celui auquel tout un chacun devrait se référer se voit lui aussi menacé de mouvements de grève. Le film démontre que quoi qu'il arrive, le mécontentement peut gronder. Nicole Calfan qui n'a qu'une très courte carrière d'actrice au moment d'interpréter le rôle de Nicole excelle en militante féministe virulente. Michel Serrault incarne Léon, le curé, tandis que le toujours excellent Jacques François est le fondé de pouvoir, Delfaut. 

On découvre parmi les nombreux interprètes Daniel Prévost, Jean-Marie Proslier (en vicaire), Ginette Garçin ou Paul Préboist dans le rôle du policier Vergeot. Comme cela était le cas pour Tout le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, Jean Yanne attache une importance fondamentale à la musique. Une fois encore, il fait appel au musicien et compositeur français Michel Magne et convoque même lors d'une scène située dans l'église généreusement offerte par le héros le groupe de zeuhl (rock, jazz, avant-gardisme et chorale), Magma. Si Moi y'en a vouloir des Sous a quelque peu vieilli, le plaisir de (re)voir est là, témoignage d'une époque malheureusement révolue...

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