Pour
son second long-métrage en tant que réalisateur après Tout
le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, l'acteur,
réalisateur, humoriste et écrivain (entre autres talents) français
Jean Yanne s'attaque cette fois-ci au monde du capitalisme et lui
oppose celui du prolétariat. Il y tient le rôle du conseiller
financier d'un grand groupe qui, après avoir été licencié, se
rapproche de son syndicaliste d'oncle qui n'a jusqu'à aujourd'hui vu
son neveu que comme un capitaliste s'enrichissant sur le dos des
prolétaires. Ayant moyennement apprécié d'être viré, Benoît
Lepape décide donc de prendre les choses en main et de se venger du
capitalisme et achetant une entreprise visant à avoir le monopole
dans le domaine de l'industrie. Mais pour cela, il faut de l'argent:
c'est pourquoi, avec l'aide de son oncle Adrien Colbart, leader
syndical de la CGI, il va tenter de convaincre les membres du
syndicat d'investir à l'aide des fonds récoltés l'achat d'une
entreprise fabriquant des vélos. Une fois la chose accomplie, et
puisqu'il faut bien que celle-ci soit rentable, il crée une journée
sans voitures. Contre la pollution. Ce qui aura pour conséquence
l'augmentation des ventes de bicyclettes. De grosses sommes d'argent
rentrent dans les caisses et ceux qui jusqu'à aujourd'hui
s'imaginaient comme les portes-drapeaux du prolétariat veulent
désormais en croquer. Entre Benoit et son oncle, c'est la rupture.
Trahi par ce dernier, l'ancien conseille financier se rapproche de
précédent employeur, lequel lui propose au vu des résultats qu'il
a obtenu, le poste de vice-président. Alors que Benoit et son oncle
entrent en guerre, celui qui était parvenu à faire la fierté de du
leader de la CGI va connaître une ascension fulgurante, attirant le
mépris des syndicats et même, plus étonnant, d'une ligue féministe
dirigée Nicole, la fille de l'un de ses plus vieux amis, le curé
Léon...
Bien que Moi y'en a
vouloir des Sous emprunte la forme d'une comédie, le message
social de Jean Yanne et Gérard Sire (les deux hommes ont collaboré
à l'écriture du scénario), le fond se veut beaucoup profond qu'il
n'y paraît. Jean s'attaque en effet une nouvelle fois à notre
société mais sous un angle différent de son précédent
long-métrage. Désormais, il s'en prend aux grands. A ceux qui
détiennent le pouvoir. Mais plus que de simplement opposer ses
personnages dans une lutte des classes envisageant d'un côté le
Bien, et de l'autre le Mal, il construit avec une certaine aisance le
récit d'un individu rejetant les codes du capitalisme tout en étant
malheureusement lui-même happé par la réussite sociale et
financière.
Plus que le monstre qu'il
aurait pu devenir, son personnage garde ses distances avec la
réussite et malgré les apparences demeure l'homme proche du peuple
qu'il a toujours été. Face à lui, un Bernard Blier qui excelle
dans le rôle du leader syndicaliste qui quoi qu'on en dise, jalouse
son neveu. Moi y'en a vouloir des Sous étudie
les méthodes de fonctionnement d'une entreprise vouée à la
réussite. Jean Yanne va jusqu'à faire évoluer celle de son
personnage au delà des frontières nationales. Un individu condamné
à la réussite. C'est ainsi qu'intervient le burlesque. Lorsque
Benoit Lepape tente de perdre de l'argent mais n'en fait qu'en gagner
davantage. Pire, celui auquel tout un chacun devrait se référer se
voit lui aussi menacé de mouvements de grève. Le film démontre que
quoi qu'il arrive, le mécontentement peut gronder. Nicole Calfan qui
n'a qu'une très courte carrière d'actrice au moment d'interpréter
le rôle de Nicole excelle en militante féministe virulente. Michel
Serrault incarne Léon, le curé, tandis que le toujours excellent
Jacques François est le fondé de pouvoir, Delfaut.
On découvre
parmi les nombreux interprètes Daniel Prévost, Jean-Marie Proslier
(en vicaire), Ginette Garçin ou Paul Préboist dans le rôle du
policier Vergeot. Comme cela était le cas pour Tout
le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil,
Jean Yanne attache une importance fondamentale à la musique. Une
fois encore, il fait appel au musicien et compositeur français
Michel Magne et convoque même lors d'une scène située dans
l'église généreusement offerte par le héros le groupe de zeuhl
(rock, jazz, avant-gardisme et chorale), Magma. Si Moi
y'en a vouloir des Sous a
quelque peu vieilli, le plaisir de (re)voir est là, témoignage
d'une époque malheureusement révolue...
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