Martin en
1977, The Addiction en 1995, Morse en
2008. The Transfiguration en 2017. Quatre exemples de
vampirisme urbain. Et autant de superbes exemples sortant du cadre
romanesque créé par l'écrivain Bram Stoker en 1897 avec son
célèbre roman Dracula. D'une certaine manière, le premier
long-métrage du cinéaste américain Michael
O'Shea semble digérer de manière respectueuse les trois
classiques cités plus haut. De l’œuvre de George Romero, il
reprend l'obsession de son personnage pour le vampirisme en se
convainquant d'être lui-même un vampire. De celle d'Abel Ferrara,
il en reprend le rapport à la maladie. Quant à celle de Tomas
Alfredson, il s'en inspire en puisant dans le quotidien d'un gamin
harcelé par de plus grands que lui. Car Milo, qui est le héros de
The Transfiguration,
n'est qu'un gamin de quatorze ans, vivant dans le Queens, à New
York, avec son grand frère Lewis. Ils ont perdu leurs deux parents
et végètent dans un immeuble planté en plein cœur d'un quartier
chaud. Jeune black, parmi les black, Milo n'est pas épargné par les
membres d'un gang qui le traitent en monstre. Car le jeune garçon
n'est pas tout à fait comme les autres de son âge. Régulièrement
suivi par une psychiatre, il semble fasciné par le mythe du vampire.
Sa chambre renferme des dizaines de cassettes vidéos de films sur le
sujet. Et il lui arrive de passer des heures sur Internet pour
regarder des animaux s'y faire torturer. Lorsque arrive dans
l'immeuble la jeune Sophie, elle et Milo font connaissance. Né alors
une amitié solide entre les deux adolescents. Une amitié qui
n'empêchera pourtant pas le jeune garçon de cultiver son obsession
pour le vampirisme.
Sur
un rythme assez lent, Michael O'Shea nous injecte un poison dont les
effets vont se ressentir peu à peu, au grès d'une aventure
léthargique et réaliste. Car le mal dont est atteint le héros de
The Transfiguration
est bien différent de celui dont est atteint celui du roman de
Bram Stoker. Est-ce pour sortir de son morne quotidien que Milo a
décidé de s'inventer ce mal qui le ronge au point d'en étudier les
effets et les pratiques avant de s'en prendre physiquement à des
victimes choisies au hasard ? L'arrivée de Sophie va-t-elle
libérer l'adolescent de cette terrible étreinte dont il ne peut se
détacher ? Si dans un premier temps il faut avouer que le
rythme imprimé au film est assez décourageant, on finit forcément
par s'attacher à cet étrange couple juvénile. Eric Rufffin et
Chloe Levine campent respectivement un Milo et une Sophie très
convaincants. D'une exceptionnelle maturité, le premier interprète
avec justesse ce gamin « monstrueux » dont les actes
passés laissent transparaître la possibilité d'un passage à
l'acte irrépressible. Cette impossibilité de combattre cette
attirance envers le sang même si cet acte accouche toujours dans la
douleur. Celle de tuer, puis de régurgiter le sang que le héros
vient de boire directement à la gorge de sa victime.
Le
sujet est fragile. Comme ses protagonistes. The
Transfiguration
n'aurait pu être qu'un portrait clinique. Le constat amer d'une
existence vouée au mal. A la solitude. Et pourtant, il y a quelque chose de beau
derrière toute cette horreur. Pas seulement celle nous dévoilant la
part sombre de Milo mais tout ce qui fait partie intégrante de son
quotidien. Le grand-père de Sophie que l'on devine violent et
peut-être même incestueux. Le gang de voyous s'en prenant parfois
au « freak ».
Ces meurtres de blancs totalement gratuits. Cette police inhumaine
qui jette en pâture ce gamin dont elle n'a pas réussi à arracher
le témoignage. Ces badauds, ces ivrognes, qui une fois la nuit
tombée se crient dessus, se frappent,avant de rentrer chez eux.
Derrière tout cela, donc, demeure l'histoire de Sophie et Milo.
Fragile, certes. Mais on espère toujours qu'elle leur permettra de
surmonter ce quotidien qui les unit dans une homogénéité presque
parfaite si ce n'était le mal dont est atteint le jeune garçon.
Michael
O'Shea signe avec The Transfiguration un
conte urbain morbide. Dérangeant, malmenant les codes établis. Ici,
la séduction passe par de petits gestes anodins sans qu'aucune
concession ne soit faite au sujet de l'apparence de ses
protagonistes. La jeune Chloe Levine apparaît à l'écran sous un
aspect au premier abord inquiétant. Sans fard ! La bande
originale, minimaliste, intervient à juste titre lorsque Milo, mu
par le désir irrépressible de boire du sang se fait ressentir.
Peut-être certains ressentiront un certain ennui mêlé de malaise
devant The Transfiguration.
L’œuvre du cinéaste américain n'en demeure pas moins fort
émouvante. Surtout dans sa dernière partie. Une très belle
rencontre qui laisse présager le meilleur quant au futur de Michael
O'Shea...
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