Attention: ne m'y connaissant absolument pas du tout en matière d'animation japonaise, les spécialistes du genre risquent de trouver ça et là quelques absurdités de ma part. Je m'en excuse par avance...
Belladonna s'ouvre sur une expérience douloureuse, la
première d'une longue série, mais peut-être aussi la plus
marquante. Celle qui exprime grâce aux dessins du réalisateur et
scénariste japonais Eiichi Yamamoto, la
souffrance d'un viol. La déchirure qui au sens propre est
transfigurée par une entaille partant du pubis de la victime et
remonte jusqu'à la base de la tête, tout cela dans un flot immense
d'hémoglobine. La victime, c'est Jeanne, plus jolie jeune femme de
son village et promise à Jean. Son bourreau ? Le seigneur des
lieux. Alors même que leur est refusé le mariage, les deux amants
sont chassés du village. Jean délaisse peu à peu Jeanne qui se
laisse séduire par le Diable lui-même. Pactisant avec le démon, la
jeune femme éprise de vengeance veut faire payer à tous ce qu'elle
a subit.
Peu à peu, des rumeurs
circulent au village. Jeanne serait devenue Belladonna, une sorcière
très puissante...
Belladonna est
d'abord le fruit d'un désir. Celui du médecin (???), dessinateur et
producteur de mangas Osamu Tezuka qui voulu à la toute fin des
années soixante, produire les premiers films d'animation japonais
érotiques. L'oeuvre de Eiichi
Yamamoto est le dernier volet d'une trilogie qui fut précédé des
Milles et une Nuits en
1969 et de Kureopatora
en 1970. Tout deux ayant été réalisés par Osamu Tezuka qui laissa
donc à un autre la possibilité de clore la trilogie. L'échec
commercial au niveau international signa la fin du procédé
Animerama que créa lui-même Osamu Tezuka et qui engloba ces seuls
trois longs-métrages d'animation réservés aux adultes.
Belladonna
est
une expérience visuelle unique adaptant l’œuvre de Jules
Michelet, La
Sorcière.
Un spectacle haut en couleur utilisant tout un panel de techniques de
dessin telles que l'aquarelle, l'estampe ou encore l'emaki qui permet
à Eiichi Yamamoto d'utiliser un système de narration horizontale,
l'équivalent des travellings horizontaux chers au cinéma.
Pour
trouver un équivalent « live »,
il faudra sans doute aller chercher du côté de certains esthètes
tels que Wong Kar-wai, Tran Anh Hung, ou plus prêt de nous, Ken
Russell et sa vision survoltée du satanisme (Les
Diables).
Le
film de Eiichi Yamamoto est une œuvre poétique, à l'humeur
changeante, passant de traits grossiers, à des visages parfois d'une
grande beauté (celui de son héroïne). Du noir et blanc aux
couleurs pastels ou criardes. Un feu d'artifice qui joue sur la
différence des plans. Le cinéaste argumente parfois en juxtaposant
des visages immenses au cœur d'une foule peinte en gris.
L'oppression des villageois face à un seigneur impitoyable. Des
plans fixes auxquels succèdent des travellings lents et majestueux.
D'autres encore exhibent des fumerolles inquiétantes avalant tout
sur leur passage en modifiant notre perception des décors présentés.
Belladonna
offre des plans incroyables de démesure. Telle cette scène ou
Jeanne copule avec le Diable. Un phallus aux proportions
gargantuesques pulsant sous les coups de boutoir. Des flashs
stroboscopiques et une accumulation d'images se superposant
démontrant l'incroyable travail de son auteur. Une musique
psychédélique accentuant encore davantage le sentiment de vivre un
trip hallucinatoire. Et des scènes d'orgie ponctuées de visions
cauchemardesques.
Jusqu'à
cette fin tragique qui renvoie justement au « futur »
chef-d’œuvre de Ken Russell. Belladonna
est
lui-même un chef-d’œuvre. Malheureusement méconnu du grand
public mais qui heureusement, a connu une seconde jeunesse
quarante-trois ans après sa naissance grâce à une sortie en
version restaurée en juin dernier. Un film inoubliable que ceux qui
auront l'occasion de le découvrir ne seront pas prêts d'oublier...
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