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mercredi 11 décembre 2024

Beau is Afraid d'Ari Aster (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Des rapports difficiles, ambigus et œdipiens entre une mère et son fils. De l'absence du père. De l'épreuve de vivre dans un monde où chaque élément culmine vers la peur de vivre seul, Ari Aster a accouché d'un œuvre monstrueuse. Un long-métrage aux ramifications si nombreuses que l'on finit forcément par s'y noyer pour n'en ressortir la tête et l'esprit des profondeurs que très tardivement. Un film au visuel et au narratif dont la grandiloquence ne cessent de nous sauter aux yeux, de résonner dans notre crâne, faisant ainsi bouillir notre cerveau pour rejoindre le héros lors de cette explosion finale et définitive qui clôt un récit en forme de labyrinthe. Le réalisateur et scénariste américain nous enjoigne ici à accompagner cet homme qui n'a jamais véritablement quitté ses préoccupation et ses peurs enfantines. Un quadragénaire que son auteur prend par la main pour l'emmener dans un voyage aux confins de l'esprit humain. Avec ses zones d'ombre, mais également ses passages éclairés qui mènent vers la lumière. Cette clarté qui après avoir enfoncé la tête du spectateur dans le sable durant deux heures va enfin nous permettre de discerner le vrai du faux. Le réel de l'imaginaire. Et dire que Beau is Afraid faillit durer trois heure..... et demi.... Ramené à cent-quatre vingt minutes, le film n'en est pas moins très long. Trop, sans doute, penseront certains qui lui trouveront une myriade de défauts. Comme d'avoir pour Ari Aster préféré laisser parler son imaginaire au détriment d'un spectateur qui se retrouve alors en apnée, une main au dessus de son crâne, l'empêchant de sortir la tête hors de l'eau pour reprendre son souffle. Décomposé en divers actes, le dernier long-métrage du cinéaste met donc en scène Beau. Un homme psychologiquement fragile qui semble avoir encore beaucoup de mal à sortir des jupes de sa mère même s'ils ne vivent plus ensemble. N'ayant jamais connu son père, décédé le jour de sa conception d'un souffle au cœur, Beau n'a pour référence que sa génitrice. Une femme dont l'amour pour son fils fut toujours si fort et accaparant qu'il exerça et continue d'exercer sur l'enfant, l'adolescent et l'homme qu'est devenu notre héros, une pression qui se jauge à l'image à travers des séquences relevant tantôt de la psychiatrie et tantôt de l'imaginaire.


L'une rejoignant finalement l'autre dans ce dédale aussi flamboyant qu'exaspérant. L'on conseillera en préambule la vision du film dans sa version française plutôt qu'en anglais. Non pas que le remarquable travail artistique ne souffre de la lecture prolongée de sous-titres en français mais, sachant que Beau is Afraid est déjà particulièrement ardu à aborder dans son plus simple appareil, mieux vaut se préserver et repousser à une prochaine projection le projet de le redécouvrir dans sa langue originale. Tourné en partie à Saint-Bruno-de-Montarville, au Québec, le long-métrage est objectivement difficile à prendre en main. Si l'on a assez rapidement l'air de comprendre que la première partie du long-métrage se concentre majoritairement sur l'esprit tourmenté de son héros, vivant dans un monde peuplé de créatures monstrueuses révélant sa phobie de la solitude et des grands espaces, il devient par la suite beaucoup plus compliqué de saisir la portée de certaines séquences. Néanmoins, il devient très rapidement évident que l'acteur Joaquin Phoenix tient là, entre ses mains, l'un de ses plus grands rôles. Tour à tour attachant, puis repoussant et enfin émouvant, il incarne un Beau Wassermann lancé non seulement à la recherche de sa mère prétendument morte après avoir reçu un lustre sur la tête, mais également à la poursuite de sa propre histoire. Celle marquée il y a bien longtemps par des faits si traumatisants que l'homme ne s'en est toujours pas encore remis. Mais plutôt que de nous conter son récit sous la forme la plus simple qui soit en suivant un fil conducteur classique, Ari Aster fait du personnage central le guide de sa propre histoire. Comme si le réalisateur avait lâché la bride pour la confier au héros, pour mieux nous perdre dans les méandres de son cerveau, entre les phases lors desquelles Beau (et donc les spectateurs) arrive à voir le monde tel qu'il est réellement et celles durant lesquelles il se réfugie dans des univers fantaisistes. Entre l'horreur de certaines situations et la poésie qui se dégage d'autres séquences, Beau is Afraid est d'abord un film d'aventure(s). Un voyage fabuleux (au sens métaphorique du terme) qui laisse parfois entendre que tout n'est qu'imagination. Que Beau est peut-être resté chez lui, dans son sordide appartement. Involontairement séquestré par des démons façonnés par son imagination (mais aussi et surtout par sa mère) et dont le traitement imposé par son psychiatre (Stephen McKinley Henderson dans le rôle du docteur Jeremy Friel) réduit difficilement l'impact.


Une œuvre qui pulse d'un amour pour l'art créatif du point de vue de son auteur comme il respire une odeur de mort chez Beau lorsque la mère (successivement incarnée par Patti LuPone et Zoe Lister-Jones) explique à son fils qu'il est né le jour où son père est décédé. Une histoire d'emprise. D'un complexe œdipien qui frise parfois l'inceste. Découlant d'une incapacité à vivre pour soit. Rejet et fascination semblent antinomiques et c'est pourtant ce que l'on ressent devant le dernier long-métrage d'Ari Aster. Des débuts hallucinants et délirants qui renvoient à certaines séquences traumatiques du Mother ! signé de Darren Aronofsky voilà sept ans en arrière, jusqu'à cette magnifique fable initiatique située dans une forêt, lors d'une représentation théâtrale, filmée en animation et lors de laquelle Beau entreverra l'espoir de retrouver son père bien vivant. En passant par une série de séquences qui demeurent encore à ce jour parfaitement énigmatiques, incompréhensibles et qui dénotent peut-être du narcissisme de leur auteur très attaché à garder le contrôle sur certains événements dont seul lui a le secret. Rares sont les films qui comme Beau is Afraid peuvent se vanter d'être au centre d'autant de sentiments contradictoires. Fascinant et révulsant. Beau et laid. Mais aussi, divertissant, chiant à mourir, obscure et lumineux, tragique et drôle. C'est un fait, le dernier Ari Aster ne plaira pas à tout le monde. Je faillis moi-même jeter l'éponge à plusieurs reprises. Comme ma compagne qui ne tint pas plus d'une demi-heure devant le nihilisme de la première séquence. Ce qui me contraignait alors à repousser la vision à des semaines pour le découvrir seul, dans mon antre. Bref, Beau is Afraid bat le chaud et le froid. Mais si vous vous laissez embarquer par l'histoire, par son étrange montage cerné de flash-back et de flash-forward (ces derniers pouvant laisser un moment supposer que la mémoire de Beau serait capable de voyager dans le futur), c'est alors le jackpot. Une œuvre dont on parlera encore très longtemps, sur laquelle ses détracteurs continueront de vomir durant des décennies et à laquelle ses admirateurs ne cesseront jamais de vanter ses nombreuses qualités tout en en découvrant d'autres à chaque nouvelle projection...

 

lundi 11 juillet 2022

Keane de Lodge Kerrigan (2005) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Douze ans... Douze ans que Lodge Kerrigan n'a plus donné signe de vie sur grand écran. Douze putain d'années qu'il s'est tourné vers la télévision, signant au hasard quelques épisodes de l'adaptation américaine de la formidable série danoise The Killing. Démarrant sa carrière en 1993 avec l'inquiétant Clean, Shaven et son schizophrène très justement incarné par Peter Greene, le new-yorkais a enchaîné une toute petite suite de longs-métrages consacrant divers portraits dont celui de William Keane, un père désemparé vouant chaque minute de son existence à la recherche de sa fille Sophie, disparue depuis six mois. Errant dans un New York bruyant, balbutiant des propos pas toujours très cohérents (et c'est là que le héros rejoint celui du premier film de son auteur), William interroge les passants, aidé par une coupure de journal représentant sa fille. Un détail intéressant d'ailleurs puisque à priori, on pourrait supposer qu'une véritable photo prise par le père ou par la mère et donc de meilleure qualité pourrait faciliter ses recherches. Filmé en gros plans, soliloquant, prenant à peine le temps de prendre soin de lui avant de se raviser pour être selon ses dires, présentable lorsqu'il retrouvera sa fille, William Keane est un individu réellement touchant qu'interprète avec beaucoup de finesse l'acteur Damian Lewis. Face à lui, des hommes et des femmes qui n'ont presque jamais le temps de lui accorder les quelques instants dont il a besoin pour se renseigner. Et encore, quant il n'est pas l'objet de regards soupçonneux. La bande annonce de Keane résume à elle-seule le degré d'intensité que dégage ce récit aux atours minimalistes mais ô combien passionnants. Comme si le drame qui touchait cet individu était bien réel et qu'une caméra voyeuriste mais jamais moralisatrice s'attachait à suivre un père dans la recherche de son enfant. On espère bien évidemment que William atteindra son but en retrouvant sa gamine même si l'espoir est mince. Pourtant, Lodge Kerrigan nous a déjà prouvé que derrière la gravité d'un sujet (celui, notamment, de Clean, Shaven), il ne fallait surtout pas s'arrêter aux premières impressions...


Il y a moins de monstres lâchés dans la nature que d'individus désespérés.


Afin de coller au mieux au réalisme du contexte, Lodge Kerrigan use d'un fond sonore presque exclusivement diégétique et accorde son récit avec un environnement phonique fourmillant de détails directement liés à la faune new-yorkaise. Le film sera d'ailleurs tourné durant deux mois au cœur de la Grande Pomme, entre le 15 mars et le 15 mai 2004. Le cadre se resserre en permanence autour du visage de Damian Lewis, observant ainsi la totalité du champ des émotions que diffusent ses traits et son regard. De l'aboi jusqu'à cette psychose qui monte peu à peu et qui tend à se rapprocher de plus en plus des crises de démences du héros de Clean, Shaven. Débarquent alors Lynn Bedik et sa fille Kira. Cette dernière est interprétée par l'actrice Abigail Breslin qui débutera quasiment sa carrière à l'âge de cinq ans dans Signes de M. Night Shyamalan. Elle n'en a donc que deux de plus lorsqu'elle apparaît devant la caméra de Lodge Kerrigan tandis que l'actrice Amy Ryan qui interprète sa mère a déjà derrière elle une carrière longue d'une petite quinzaine d'années principalement consacrée au petit écran. On ne peut pas dire que le long-métrage de l'américain transpire la joie de vivre. Mais cette rencontre apparemment salvatrice pour notre héros est viciée par le statut misérable de cette femme et de son enfant contraintes de vivre dans une chambre d'hôtel tandis que son époux est parti gagner sa vie dans une station d'épuration. Pas très glamour, tout ça. Pas plus que l'acte sexuel qu'échangent William et une inconnue sous l'emprise de la coke dans les chiottes d'une boite de nuit. Cette rencontre, c'est aussi l'occasion pour William de se livrer un peu et pour le spectateur d'en apprendre davantage sur lui. Mais si peu qu'on en vient parfois à douter de la véracité de son histoire personnelle. Il faut dire qu'avec Clean, Shaven Lodge Kerrigan nous a habitué à nous méfier des apparences !


Jusqu'à quel point est-on prêt à franchir la limite pour obtenir ce que l'on cherche ?


Filmé caméra à l'épaule, sans chichis, au point que l'on se demande souvent dans quelle mesure les badauds furent au courant qu'eut lieu le tournage d'un film, Keane est une œuvre pesante, porteuse d'un désespoir constant. Le new-yorkais joue à un jeu dangereux avec ses personnages en jouant sur les similitudes qui rapprochent la fille disparue de William Keane de celle de Lynn Bedik. Ne serait-ce le prénom des deux gamines, le scénario et par là même les personnages observent une attitude qui laisserait presque le sentiment au spectateur de revivre par procuration, la reconstitution du drame qu'a vécu le héros. Le simple fait d'aller se laver les mains dans les toilettes d'un fast-food et de laisser la jeune Kira à la table pour un court instant évoquant alors irrémédiablement la tragédie dont seul William fut le témoin puisque d'emblée le spectateur en fut écarté. Aussi simplistes que puissent paraître la mise en scène l'écriture et l'interprétation, Keane déroute avant de dévoiler une issue à l’intérieur même de laquelle il nous semblera devoir déchiffrer un certaine perfidie. Sous ses allures de pur drame indépendant, Keane pose une foule de questions auxquelles le spectateur croit toujours détenir les réponses. Ceux qui, connaissant le travail de Lodge Kerrigan, savent que la chose serait pure perte, pure obstination et pure prétention... Un grand film...

 

samedi 27 juin 2015

Birdman de Alejandro Gonzales Inarritu (2015)



Le nouveau film d'Alejandro Gonzales Inarritu, le bonhomme qui signa quinze années plus tôt un excellent premier film, Amours Chiennes, avant d’enchaîner les succès, revient donc avec un ambitieux projet. Birdman est l'adaptation au cinéma (au théâtre?) d'une nouvelle écrite par Raymond Carver en 1981, Parlez-Moi d'Amour. Pour interpréter le rôle-titre, le cinéaste mexicain fait appel à une ancienne gloire du cinéma américain que l'on a surtout suivi dans les années quatre-vingt, quatre-vingt dix, Michael Keaton. Il y a dans ce choix, n'en doutons pas, une certaine ironie, et même pourquoi pas un amour immodéré pour cette vedette qui a perdu ce visage lisse que certains pouvaient parfois trouver agaçant. Aujourd'hui l'acteur a pris de la bouteille et son regard possède désormais une dimension émotionnelle assez stupéfiante qui dénote avec l'interprète d'autrefois. Le Batman vieillissant de 1989 et 1992 a laissé la place à un Birdman dont les fans attendent toujours le quatrième volet de ses aventures. Un nouveau héros mis à nu, aussi fripé que ceux de son âge et caractérisé par un ego parfois tellement gonflé qu'il lui arrive de s'entendre parler à travers la voix du héros qu'il a jusqu'à maintenant campé par trois fois.

Et pour se sentir exister, quoi de mieux que de monter une pièce de Broadway afin de revenir tout en haut de la scène, là où justement de jeunes loups aux dents longues ou au contraire totalement immatures et sûrs d'eux à force de critiques élogieuses vont jouer des coudes pour s'imposer et rendre le retour de ce héros du passé caduque. Face à Michael Keaton, un Edward Norton très « dans l'air du temps ». De cet air frais que d'aucun osera décrire de malodorant, surtout si l'on n'adhère pas à ce point de vue qui fait honneur aux réseaux sociaux plus qu'à l'image glamour de ces vieilles stars du cinéma (et sans doute de la chanson) dont la valeur n'a d'intérêt aux yeux du plus grand nombre que s'ils sont raccordés à Facebook ou Twitter pour ne citer qu'eux. Alejandro Gonzales Inarritu en profite donc pour dresser un constat cinglant et particulièrement réaliste sur le réel statut que l'on veut bien accorder à telle ou telle célébrité.

Birdman offre d'ailleurs à ce propos de très belles ruptures de ton, entre humour, drame, et parfois même fantastique. Michael Keaton n'a peut-être jamais été aussi touchant, surtout dans la langue qui est la sienne, ce regard parfois perdu, tendre, sévère, insoumis mais jamais véritablement abattu. Le film est une plongée dans l'univers implacable du théâtre, celui-là même que l'on n'imaginait pas être aussi féroce que celui du septième art. C'est aussi la reconstruction d'un homme qui doit faire face aux affres de la drogue qui touchent la plus importante créature à ses yeux : sa fille.

Alejandro Gonzales Inarritu nous jette à la gueule une œuvre sensible qui, au delà de sa caméra portée à l'épaule, le brouillard épais qui recouvre certaines situations et l'ultra-réalisme de certaines autres, parvient à atteindre un but auquel on peut avoir du mal à croire les premières minutes. Non, Birdman n'est pas une œuvre « auteurisante » qui se caresse les zones érogènes pendant que les spectateurs s'endorment dans leur fauteuil. Il ne fait même pas partie de cette frange du cinéma dite intellectuelle qui ne s'adresse qu'à un public « d'avertis ». Le cinéaste s'offre le luxe de filmer son œuvre de la manière la plus classique possible, sans jamais nous tromper autrement qu'à travers un faux plan-séquence de presque deux heures que l'on imagine évidemment impossible à réaliser quel que soit le talent du cinéaste.
S'il n'y avait d'ailleurs qu'une seule chose à reprocher au film, ce serait peut-être d'ailleurs cette volonté qu'a eu Alejandro Gonzales Inarritu de faire de Birdman un plan-séquence durant la totalité du film. Car derrière cette petite supercherie se cache un piège dans lequel tomberont inévitablement les forcenés de l'image qui voudront trouver toutes les failles visuelles et dresser ainsi le portrait précis du montage de Douglas Crise et Stephen Mirrione. A part cela, chapeau l'artiste...


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