À l'heure où la toile fait généralement, malheureusement et
involontairement la promotion des comédies françaises les plus
mièvres et les plus indigentes en les assassinant avec la plus
grande objectivité, d'autres demeurent dans l'ombre. C'est donc
parfois par le plus grand des hasards que certaines réussissent à
sortir de l'anonymat alors même qu'elles méritent que nous leur
accordions toute notre attention. Tandis que certains semblent être
encore considérés comme des valeurs sûres (à titre d'exemples,
Christian Clavier et Dider Bourdon n'ont jamais été aussi présents
à l'image que ces dix ou vingt dernières années), il demeure des
interprètes qui n'enchaînent pas forcément les rôles au cinéma
et qui pourtant, à chacune de leur apparition à l'image et même
dès leur présence sur une affiche de cinéma sont pour les
spectateurs le signe d'un espoir retrouvé. Celui de ne pas avoir
l'impression systématique de jeter leur argent par les fenêtres
chaque fois qu'ils déboursent une dizaine d'euros à l'achat d'une
place de cinéma ! À ce titre, Denis Podalydès représente
cette catégorie devenue si rare qui permet de s'assurer le maintien
d'une certaine qualité même si l'acteur se retrouve noyé au beau
milieu d'interprètes venus dont ne sait où et dont les pedigree
sont à chercher du côté de cette volonté qui consiste à
renouveler tout un cheptel de comédiens issus des quartiers. Ceci
étant dit, Le répondeur
de la réalisatrice et scénariste Fabienne Godet ne reste pas
indifférente à cette nouvelle mode qui consiste à mélanger
vieille garde et nouvelle génération de comédiens. Originaire de
la Cité des 4000 à La Courneuve, l'acteur Salif Cissé n'en est pas
à ses débuts. Détenteur d'un diplôme au Conservatoire national
supérieur d'art dramatique en 2020, il n'a surtout rien à voir avec
ces pseudos-acteurs qui comme lui en vécu dans des barres
d'immeubles à la peu flatteuse réputation et que l'on découvre un
jour sur grand écran avant qu'ils ne disparaissent définitivement.
D'ailleurs, si la cinéaste lui a confié le rôle principal de son
dernier long-métrage, ça n'est pas pour rien. Opposé à un Denis
Podalydès égal à lui-même, le jeune homme lui ''fait la nique''
en interprétant le rôle de Baptiste Mendy, jeune imitateur qui joue
dans un petit théâtre de quartier. Un lieu de rencontre entre
artistes et public qui ne met malheureusement pas en valeur son
incroyable talent...
C'est
là qu'intervient Denis Podalydès dans le rôle de l'écrivain
Pierre Chozène. Sans cesse sollicité par ses proches, de son
ancienne compagne en passant par sa fille Elsa (excellente Clara
Bretheau), son père, ou encore Gabriel Lozano (Harrison Arevalo),
journaliste opportuniste qui aimerait approcher et interviewer le
romancier, il fait une curieuse demande à Baptiste. En effet, alors
qu'il est attelé à l'écriture de son dernier ouvrage, empêché de
se concentrer à cause des nombreux appels téléphoniques qu'il
reçoit chaque jour, Pierre prend contact avec le jeune artiste et
lui demande de prendre les appels à sa place en imitant sa voix au
téléphone ! Bien que l'idée lui semble saugrenue, Baptiste
finit par accepter. S'installe alors entre les deux hommes une
complicité et entre Baptiste et plusieurs amis de l'écrivain, une
étrange relation... Si Le répondeur
est l'une des meilleures comédies françaises à avoir vu le jour
cette année, elle part cependant avec deux handicaps : son
titre et son affiche. Passées ces fautes de goût, la comédie de
Fabienne Godet demeure une excellente surprise qui même si elle
repose effectivement sur un concept qui pourrait s'avérer
invraisemblable tient ici parfaitement la route. L'occasion pour les
deux acteurs principaux d'incarner un sympathique duo auquel la
réalisatrice ajoute des rôles plus ou moins secondaires à l'image
de Clara Bretheau, laquelle incarne le rôle de la fille de
l'écrivain. Le film est l'occasion pour la cinéaste de développer
les rapports humains et plus encore les relations familiales entre un
écrivain sans doute un peu trop pris par son métier et notamment un
père qui n'a jamais ''goûté'' à son style. Chaque interlocuteur
du duo est très bien écrit et la présence de nombreux personnages
permet au film de conserver un rythme qui ne retombe jamais.
Véritable premier rôle du Répondeur,
Salif Cissé vole littéralement la vedette à un Denis Podalydès
qui pourtant est parfaitement intégré dans son élément. Le jeune
comédien a d'ailleurs été épaulé par les imitateurs Michaël
Gregorio, Fabian Le Castel et Eklips durant deux mois afin de
peaufiner son imitation de Denis Podalydès ainsi que sa gestuelle.
Le résultat est souvent bluffant. Pour ne rien gâcher au film, la
réalisatrice a fait appel au compositeur français Éric Neveux qui
s'est chargé d'une bande originale très rafraîchissante et qui
change de ces partitions qui dans la comédie française actuelle
semblent toutes avoir été produites par une intelligence
artificielle. Bref, nous avons été conquis...
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