Alors qu'avec un titre pareil l'on aurait été en droit de penser
que The Damned
abordait pour une énième fois un cas de possession avec comme
conclusion, son exorcisme, le récit n'a en fait aucun rapport. À
vrai dire, le tout premier long-métrage du réalisateur et
scénariste islandais Þórður Pálsson s'inscrit dans un sous-genre
de l'horreur appelé Folk
Horror.
Un type de long-métrage auquel certaines œuvres lui ont offert ses
plus belles lettres de noblesse. Et parmi elle, le mythique The
Wicker Man
de Robin Hardy qui demeure plus de cinquante ans après sa sortie
comme l'un de ses plus remarquables représentants. Plus récemment,
nous citerons les excellents The VVitch de
Robert Eggers en 2015, Apostle
de Gareth Evans en 2017 et Midsommar
d'Ari Aster l'année suivante. Pour ses premiers pas au cinéma après
avoir réalisé quatre courts-métrages puis autant d'épisodes de la
série Les meurtres de Valhalla,
Þórður Pálsson se repose sur un script écrit de sa propre main
ainsi que celle du scénariste Jamie Hannigan, lequel a également
débuté dans l'écriture et la réalisation de courts-métrages
avant de scénariser son premier film cinéma avec Pilgrimage
de Brendan Mudlowney en 2017. D'une durée de quatre-vingt neuf
minutes qui lui aurait sans doute permis de gagner en intensité s'il
avait été écourte de dix ou quinze d'entre elles, The
Damned
demeure pourtant une œuvre très intense. L'action se déroule lors
de l'équinoxe et dans un village de pêcheurs retenus sur place par
les rigueurs d'un hiver particulièrement rude. Neige et glace
recouvrent le paysage tandis qu'Eva, la gouvernante Helga, la
timonier Ragnar et une poignée d'hommes s'inquiètent de n'avoir
sans doute pas de quoi tenir jusqu'à la fin de l'hiver. Tandis que
le groupe de pêcheurs s'apprête à reprendre le chemin de la mer
pour tenter de trouver du poisson, au large un bateau a chaviré et
les survivants demandent qu'on vienne les sauver. Mais selon Ragnar
(l'acteur écossais Rory McCann), aller les secourir est la certitude
de condamner tout le groupe à une mort certaine. Et pour cause :
les ressources diminuent dangereusement et ajouter des bouches à
nourrir serait selon lui une erreur. La décision appartient alors à
Eva de choisir s'ils doivent aider les naufragés qui risquent de
mourir de froid ou non. Suivant les conseils de Ragnar, la jeune
femme doit se contraindre à suivre son conseil, condamnant ainsi les
naufragés à une mort certaine par le froid...
Un
soir, alors qu'ils décident tous de se rendre sur le lieu de
l'accident afin de récupérer des vivres qui se seraient échouées,
Eva, Ragnar et les autres tombent sur des rescapés qui les supplient
de les aider. Mais là encore, nos pêcheurs s'y refusent et la scène
tourne mal. L'un des naufragés se retrouve la mâchoire fracassée
avant de s'enfoncer sous les flots. Attaqué, Ragnar est lui-même
attiré par le fond et disparaît sous les eaux. De retour à la
station, Eva et le reste des pêcheurs, désarçonnés, s'apprêtent
alors à vivre les pires moments de leur existence... The
Damned
n'ayant donc aucun rapport avec une quelconque emprise démoniaque,
le long-métrage de Þórður Pálsson nous plonge dans une ambiance
éthérée, glaçante, parfois effroyable (la vision de ce corps qui
disparaît sous les flots ou la vomitive éviscération pratiquée
sur la plage) mais aussi et surtout d'un esthétisme absolument
remarquable. Éclairé semble-t-il à la bougie, le film est une
succession de tableaux dont la magnificence est due au remarquable
travail effectué par le directeur de la photographie islandais Eli
Arenson auquel on doit une enluminure, une colorimétrie et un grain
très particuliers. Austère et anxiogène, mais d'une beauté à
couper le souffle. Un long-métrage qui prend son temps, sur un
rythme langoureux mais non dénué de mystère, avec une Odessa Young
très convaincante dans le rôle d'Eva, jeune veuve qui va être au
cœur d'une malédiction qui ne sera pas sans rappeler un certain The
Fog
de John Carpenter signé trente-cinq ans auparavant. En effet, The
Damned
ressemble à ce qui pourrait figurer comme étant les préliminaires
de l'aventure que vécurent les personnages du film culte du cinéaste
américain alors assiégés par les fantômes d'un capitaine de
navire et par ses hommes qui selon la légende auraient été
abandonnés à leur triste sort alors qu'ils désiraient se réfugier
à Antonio Bay, petit village de pêcheurs où se situait l'action de
The Fog.
Ajoutant d'autres similitudes comme le pillage du navire en question,
l'Elizabeth Dane,
la proximité entre les deux récits est troublante. Cependant, le
traitement est radicalement différent. Malgré un brouillard là
encore similaire à celui que l'on pouvait remarquer durant le récit
de The Fog,
visuellement, The Damned
ne doit ses qualités artistiques à personne d'autre que son
directeur de la photographie. Þórður Pálsson signe avec son
premier long-métrage, une véritable œuvre d'art. Angoissante,
ancrée dans le folklore islandais et superbement interprété par
Odessa Young, Rory McCann, Siobhan Finneran, Joe Cole et le reste du
casting...
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