Alors que mon cycle
consacré à la Blaxploitation
s'achève bientôt, évoquons une œuvre méconnue signée d'un
artiste plutôt célèbre puisque son auteur n'est rien moins que
Jules Dassin, réalisateur, scénariste, producteur et acteur
d'origine américaine et surtout, pour les amateurs de variété,
père de Joe Dassin. Oui, l'interprète de L'été
indien,
Les Champs-Élysées
ou encore Le petit
pain au chocolat !
Le papa n'ayant pas précédé le fiston dans une carrière de
chanteur, il réalisa entre 1942 et 1980, environ vingt-cinq
longs-métrages dont cet étonnant Point noir
(Uptight)
datant de 1968. Alors que le mythique mais néanmoins très spécial
Sweet Sweetback's Baadasssss Song
de Melvin Van Peebles sorti trois ans plus tard est souvent considéré
comme le premier film du genre, Point noir
entre malgré tout dans cette catégorie favorisant majoritairement
des interprètes de sexe masculins et féminins d'origine
afro-américaine. Aux États-Unis, territoire d'origine de l’œuvre,
Point noir
sort le 28 décembre 1968. Soit environ sept mois après le tragique
décès du pasteur et élément fondamental du Mouvement
américains pour les droits civiques,
Martin Luther King. L'on comprend alors assez rapidement que la
traduction du titre chez nous ne doit rien à l'évocation de
Comédons et autres crises sévères d'Acné présentés sous le
prisme du documentaire. Ici, le sérieux est de rigueur comme l'exige
tout d’abord la retransmission des obsèques de Martin Luther King.
Des images d'archives qui montrent l'engouement de la communauté
afro-américaine qui ce jour-là se massa en nombre pour honorer
l'homme et sa vision idyllique de l'Amérique ! Bien que le
long-métrage de Jules Dassin n'ait vu le jour sur grand écran que
bien plus tard dans l'année, le script du cinéaste, de Ruby Dee et
de Julian Mayfield inspiré du roman de l'écrivain irlandais Liam
O'Flaherty repose sur un récit se déroulant à seulement quatre
jours d'intervalle avec l'enterrement du célèbre pasteur
afro-américain. Le film s'intéresse tout d'abord au personnage de
Johnny Wells qu'incarne l'acteur Max Julien. Personnalité plus ou
moins influente d'un comité constitué de membres de la communauté
afro-américaine, l'homme organise en compagnie de plusieurs hommes,
le braquage d'un entrepôt d'armes à feu dont ils vont prélever
plusieurs caisses avant que ne soit abattu le gardien des lieux...
En
fuite, Johnny est désormais la cible de la police qui le recherche
en ville avant de le retrouver et de lui tirer dessus. Victime de
délation, Johnny meurt de ses blessures. Point
noir
change alors de point de vue et s'intéresse désormais au personnage
de Tank. Alcoolique notoire et ancien membre du comité rejeté par
ses semblables, l'homme est interprété par l'acteur Julian
Mayfield. Une incarnation réellement convaincante. Voix tremblante,
front perpétuellement en sueur, visage hagard, Tank a beau affirmer
qu'il a cessé de boire mais tout le monde autour de lui sait qu'il
ment. Sans un sou, les poches aussi vides que la tête de beaucoup
d'influenceurs TikTok
(paf ! Dans leur gueule !) alors que le comité ''pleure'' la
mort de Johnny Wells, il est temps désormais de retrouver et de
juger celui qui l'a vendu ! Dans une ville de Cleveland (située
dans l'Ohio) sombre, enfumée et humide, la traque du Judas a
commencé. Pourtant, ici, rien à voir notamment avec le formidable
Furie
du cinéaste allemand Fritz Lang. Point de frénésie ou de curée
mais bien l'étude du comportement de son héros lorsque
''l'enquête'' de ses anciens camarades les poussent à se demander
comment il a pu en un très court moment, réunir assez d'argent pour
offrir des tournées ou des pourboires dans divers bars de la ville.
Plus que le récit, et ce même si la dernière partie est nettement
plus favorable à l'appréciation du long-métrage, ce sont bien les
incroyables décors d'Alexandre Trauner, la photographie de Boris
Kaufman ou certains cadrages qui retranscrivent l'un et l'autre la
vision crépusculaire d'une ville de Cleveland sous tension après le
décès de Martin Luther King. Des séquences parfois proches du noir
et blanc, un tribunal et un procès qui confinent à la fin d'un
monde, d'une utopie qui à la suite du décès du pasteur est
désavouée par une grande majorité des représentants du comité.
C'est bien surtout en cela que Point noir
vaut le détour. Une œuvre, je le répète, méconnue, mais qui par
ses qualités artistiques et sa thématique qui s'éloigne
drastiquement des habituels récits tournant autour du proxénétisme,
de la drogue ou de la corruption policière, mérite amplement que
l'on s'y intéresse...
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