Le Crossover est
au cinéma, un genre très particulier. Et si dans l'univers des
super-héros le concept ne semble pas aussi farfelu qu'il puisse
paraître, il est d'autres domaines dans lesquels faire croiser le
fer entre deux personnages provenant de deux franchises différentes
peut sembler totalement invraisemblable. Voire totalement grotesque.
Le plus incongru dans ce domaine n'étant sans doute pas d'avoir
provoqué la rencontre par deux fois entre l'Alien
de Ridley Scott et le Predator de
John McTiernan avec Alien vs Predator de
Paul W. Anderson et Alien vs Predator :
Requiem de
Colin Strause et Greg Strause. Ni même le Jason Voorhees de la
franchise Friday the 13th
de
Sean Cunningham et le Freddy Krueger de la saga A
Nightmare on Elm Street
de Wes Craven avec Freddy vs. Jason
de Ronny Yu. Il faut savoir également que le Crossover
n'est pas une notion qui remonte à seulement quinze ou vingt ans
puisqu'au siècle dernier, déjà, des auteurs très ''inspirés''
eurent comme projet de produire des œuvres qui elles aussi firent
appel à des personnages de fiction faisant la rencontre avec,
notamment, certains grands mythes du bestiaire fantastique. C'est
ainsi qu'entre 1941 et 1955 le duo d'acteurs et d'humoristes
américains Bud Abbott et Lou Costello plus connus sous le nom de
scène Abbott et Costell en firent les frais à plusieurs reprises.
Ils eurent l'occasion de croiser des fantômes par deux fois dans
Hold That Ghost d'Arthur
Lubin et John Rawlins en 1941 et dans The
Time of Their Lives de
Charles Barton en 1946, la créature de Frankenstein dans Abbott
and Costello meet Frankenstein également
réalisé par Charles Barton en 1948, l'homme invisible dans Abbott
and Costello Meet the Invisible Man de
Charles Lamont en 1951, Docteur Jekyll et Mr Hyde dans Abbott
and Costello Meet Dr Jekyll and Mr. Hyde
et la Momie dans Abbott and Costello Meet the
Mummy également
tout deux réalisés par Charles Lamont en 1953 et 1955. Une dizaine
d'années plus tard l'on aura droit à deux des cas d'école les plus
improbables du genre grâce au réalisateur américain William
Beaudine qui durant de nombreuses années aura mis en scène de très
nombreux films muets avant que sa carrière ne ralentisse durant les
années soixante et soixante-dix. C'est dans le courant de l'année
1966 qu'il a l'idée particulièrement saugrenue de mélanger deux
genres qui n'ont semble-t-il aucune bonne raison de se côtoyer :
le fantastique et le western. Et si ce dernier eut parfois l'occasion
de s'associer avec l'horreur (Sundown: The
Vampire in Retreat d'Anthony
Hickox en 1990, Ravenous
d'Antonia Bird en 1999 ou encore le parfois très impressionnant Bone
Tomahawk de
S. Craig Zahler), le voir se mêler à deux des plus grandes figures
du fantastique à de quoi laisser le spectateur perplexe.
Alors
que je reviendrai sans doute plus tard sur Jesse
James Meets Frankenstein's Daughter,
parlons pour commencer de Billy the Kid vs.
Dracula.
Les fans de cinéma et de littérature horrifique savent que Dracula
provient à l'origine de l'ouvrage écrit par le romancier irlandais
Bram Stoker à la fin du dix-neuvième siècle. Personnage à
l'origine littéraire donc, mais dont les sources d'inspiration
semblent venir de Vlad Țepeș et de son père Vlad Dracul ayant vécu
tout deux au quinzième siècle où ils furent tour à tour princes
de Valachie (un état qui avec la Moldavie et la Transylvannie
forment trois principautés médiévales dont la population est
roumanophone). Dracula est le plus célèbre Vampire du cinéma et
fut notamment interprété à une dizaine de reprises par l'acteur
britannique Christopher Lee. Contrairement à Dracula, William Henry
McCarty, plus connu sous le nom de Billy le Kid vécu réellement. Et
si l'on ne connaît pas précisément sa date de naissance, celle de
sa mort est bien le 14 juillet 1881. D'après certains, il serait né
le 23 novembre 1859 et serait donc mort à l'âge de vingt et un ans.
Selon la légende, le jeune homme aurait tué autant d'hommes que le
nombre d'années qu'il vécu. Célèbre pour avoir eu la réputation
d'être un excellent tireur, le voici donc dans Billy
the Kid vs. Dracula
opposé au célèbre suceur de sang transylvain. Aussi absurde que
puisse apparaître cette rencontre, l'incongruité de leur apparition
commune à l'écran n'est en réalité pas effective. Et cela grâce
au scénario de Carl K. Hittleman et à la mise en scène de William
Beaudine qui demeurent relativement en retrait vis à vis du mythe du
vampire ici surtout traité à la manière d'un usurpateur
d'identité. La volonté première de Dracula étant de mettre la
main sur la magnifique Lisa Oster qu'interprète la non moins sublime
Hannie Landman et dont Billy the Kid vs. Dracula
sera le seul long-métrage à la mettre en scène. Le but principal
du vampire : en faire une morte-vivante, état dans lequel il
est lui-même plongé. Mais la jeune et richissime propriétaire d'un
ranch (ses parents firent fortune grâce à une mine d'argent) peut
compter sur le soutien de William ''Billy
le Kid''
Bonney (l'acteur Chuck Courtney) qui n'est autre que son petit ami
avec lequel elle pense prochainement se marier. Mais alors que sa
mère et son oncle James Underhill sont à bord d'une diligence en
compagnie d'un mystérieux individu, celle-ci est attaquée par des
indiens en furie et sont tous assassinés... à l'exception de cet
étrange personnage vêtu d'un costume et d'une cape noirs !
En
fait, Dracula, qui après que la mère de Lisa lui ait tendu une
photo de sa très jolie fille n'a plus qu'une idée en tête :
la retrouver afin de la faire sienne après s'être fait passer pour
son oncle qu'elle n'a jamais vu. Le vampire va devoir composer avec
la présence de William mais aussi d'un couple d'allemands dont
Dracula/ James Underhill a précédemment tué la fille en la vidant
de son sang dans une auberge. Le couple, persuadé de la culpabilité
du nouveau venu et de ses origines vampiriques, va réussir à
persuader William que celui qui se fait passer pour l'oncle de sa
future épouse n'est autre que Dracula... Bon, très honnêtement, on
a échappé au pire. Et si certains se montrent particulièrement
odieux et agressifs vis à vis de Billy the Kid
vs. Dracula,
force est de reconnaître que pour un Crossover
totalement atypique, le film fonctionne plutôt bien. Outre
l'implication du vampire dans le désordre qui régnera bientôt au
sein du couple William/Lisa (la jeune femme refuse de croire que
l'homme qui s'est présenté à sa porte n'est pas son oncle mais un
vampire), celui qui par le passé se fit connaître sous le nom de
Billy le kid va de plus devoir soutenir les provocations de l'un des
employés de sa fiancée qui voit d'un mauvais œil d'être désormais
dirigé par le jeune homme depuis le décès de la mère de Lisa. Le
Comte Dracula tout vêtu qu'il demeure de son costume caricatural est
incarné à l'écran par l'acteur John Carradine, aux plus de
cinq-cent rôles et qui fit notamment le bonheur des amateurs de
cinéma d'horreur et d'épouvante en apparaissant dans un certain
nombres d’œuvres horrifiques telles que The
Hound of the Baskervilles de
Sidney Lanfield en 1939, Revenge of the Zombies
de
Steve Sekely en 1943, House of Frankenstein
et House of Dracula
réalisés par Erle C. Keaton en 1944 et 1945, The
House of Seven Corpses
de Paul Harrison en 1973, The Sentinel
de Michael Winner en 1977, Shockwave
de Ken Wiederhorn la même année ou encore le génial The
Howling
de Joe Dante en 1981. Quelques exemples de films d'horreur parmi des
dizaines d'autres s'inscrivant eux-mêmes au cœur d'une filmographie
dense, riche et hétéroclite. Billy the Kid vs.
Dracula
est pour l'acteur l'occasion d'incarner un vampire caricatural (son
apparence vestimentaire), qui n'apparaît pas dans le reflet des
miroirs, se transforme en chauve-souris, craint les crucifix mais
qui, à contrario, ne semble pas souffrir des rayons du soleil.
Mieux, John Carradine n'apparaît pas un seul instant nanti des
fameuses dents que tout vampire qui se respecte se doit généralement
de brandir devant ses proies au moment de les ''saigner''. Dracula,
ici, avant de mordre ses victimes, les ensorcelle, les hypnotise,
faisant de ce vampire un descendant direct du cinéma expressionniste
allemand lors des séquences d’envoûtement... Après, Billy
the Kid vs. Dracula
n'est ni un chef-d’œuvre du cinéma d'épouvante et horrifique, ni
un modèle de western. Toutefois, l'on aurait pu craindre le pire.
Mais la beauté de Hannie Landman, la présence à l'image de John
Carradine (papa du ''Petit
Scarabée''
de la série Kung Fu
interprété par le fiston, David Carradine) et la cocasserie du
sujet assurent le spectacle...
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