S'il est sans doute moins
frontal que Tir groupé
de Jean-Claude Missiaen ou que la série des Death
Wish
initiée et poursuivie par Michael Winner aux États-Unis puisque
dans un cas comme dans l'autre l'auto-défense y était clairement
revendiquée, Les chiens d'Alain
Jessua aborde le sujet sous un angle différent, certes, mais en
totale opposition avec certaines idéologies dont les stigmates
persistent encore de nos jours. Drôle de bonhomme d'ailleurs que ce
réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français dont la
carrière fut hétéroclite et jalonnée d’œuvres aussi diverses
que Jeu de massacre
en 1967, Traitement de choc
en 1973, Armaguedon
en 1977, Paradis pour tous
en 1982 (dans lequel l'acteur Patrick Dewaere se vit offrir son tout
dernier rôle avant sa tragique disparition) ou encore la comédie
fantastique culte, parodique et nanardesque
Frankenstein 90
en 1984. Les chiens,
lui, se situe au mitant d'une filmographie intelligente et réfléchie
dont il demeure encore à ce jour d'une affolante lucidité. Plus de
quarante-cinq ans en arrière, le réalisateur et son scénariste
André Ruellan envisageaient la possibilité de se défendre
soit-meme dans un contexte social difficile dans lequel les
politiques et les autorités se montrent aussi inefficaces
qu'inactives. De quoi donner de l'eau au moulin de Morel, un dresseur
de chiens incarné par un Gérard Depardieu qui à cette occasion
n'est pas tout à fait la vedette du long-métrage puisque Alain
Jessua a en effet offert le rôle principal à Victor Lanoux qui au
sortir de la comédie de Gérard Oury La caparate
qu'il interpréta l'année précédente aux côtés de Pierre Richard
allait donc radicalement changer de registre avec ce Vigilante
à
la française dans lequel les habitants d'un quartier choisissent de
se défendre eux-mêmes des agresseurs qui sévissent aux alentours
puisque la police et le maire en place semblent incapables d'agir.
Situant son action dans le quartier de l'Arche-Guédon à Torcy, Les
chiens
décrit tout d'abord à travers son générique cette même froideur,
cette même anxiété de ces ensembles immobiliers qui surgissent de
terre comme le fera sans doute de manière encore plus exemplaire
Bertrand Blier la même année avec son chef-d’œuvre
Buffet froid qui
lui, prendra place sur le parvis de l’Hôtel de ville Créteil.
Une œuvre qui elle-même mettait en scène l'acteur Gérard
Depardieu dans une position nettement moins confortable que celle
qu'il tient dans le film d'Alain Jessua. Face à lui, l'immense
interprète français côtoie Victor Lanoux en médecin généraliste.
Le docteur Henri Ferret qui vit lui-même dans la cité où vont se
dérouler les événements du récit.
L'homme
constate que beaucoup de ses patients viennent le consulter après
avoir été mordus par des chiens. Ceux-là mêmes dont les
propriétaires se sont munis afin de se protéger des petites frappes
qui chaque nuit viennent les provoquer. Aux côtés des deux acteurs
l'on retrouve la charmante Nicole Calfan qui longtemps avant de
devenir l'un des personnages récurrents de la franchise La
vérité si je mens
va tenir ici le rôle d’Élisabeth, une jeune femme victime de viol
qui très rapidement va se ranger du côté des habitants qui ont
choisi de se défendre eux-mêmes avant de changer d'opinion face aux
drames répétés qui vont être causés par les chiens du quartier.
Surtout, la jeune femme et le docteur Henri Ferret débuteront
ensemble une relation amoureuse. Il est sans doute un peu osé de
parler de prophétisme lorsque l'on évoque le sujet du long-métrage
d'Alain Jessua, toujours est-il que depuis, rien n'a vraiment changé.
Et alors que de nos jours certains évoquent la possibilité de
prendre les armes et de se défendre eux-mêmes face à
''l'indisponibilité''de l'état ou des autorités policières
lorsqu'il s'agit de remettre de l'ordre dans les quartiers sensibles,
la racaille d'aujourd'hui n'a pas grande différence avec ceux que
près d'un siècle en arrière étaient nommés sous les sobriquets
de ''Blousons
noirs''
et de ''Loubards''.
Alain Jessua développe une certaine fascination pour les animaux de
compagnie qui évoluent tout au long du récit. Et si Les
chiens
vire au thriller lorsque est évoqué l'étrange ''accident'' ayant
causé la mort du maire, lequel semblait ne plus être en odeur de
sainteté vis à vis de son ancien ami Morel, le réalisateur sème
le trouble, voire le doute, quant à la relation qu'entretiennent les
bêtes et leurs propriétaires. Comme le prouve d'ailleurs cette
hallucinante séquence de dressage lors de laquelle, Élisabeth
semble véritablement jouir lorsque sa chienne Léa s'attaque au
dresseur lors de son entraînement. Les spectateurs noteront en outre
la présence Fanny Ardant dans le rôle de l'assistante médicale du
docteur Ferret ou celle de Jean-François Derec dans celui d'un jeune
voyou ; Bref, Les chiens
est un long-métrage assez curieux, dont la mise en scène finalement
peu divertissante semble le destiner à prévenir du danger de se
faire justice soit-même. Une œuvre glaçante, anxiogène et qui
comme très souvent chez le réalisateur traîne ses personnages dans
un contexte social maladif...
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