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lundi 27 janvier 2025

Les chiens d'Alain Jessua (1979) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

S'il est sans doute moins frontal que Tir groupé de Jean-Claude Missiaen ou que la série des Death Wish initiée et poursuivie par Michael Winner aux États-Unis puisque dans un cas comme dans l'autre l'auto-défense y était clairement revendiquée, Les chiens d'Alain Jessua aborde le sujet sous un angle différent, certes, mais en totale opposition avec certaines idéologies dont les stigmates persistent encore de nos jours. Drôle de bonhomme d'ailleurs que ce réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français dont la carrière fut hétéroclite et jalonnée d’œuvres aussi diverses que Jeu de massacre en 1967, Traitement de choc en 1973, Armaguedon en 1977, Paradis pour tous en 1982 (dans lequel l'acteur Patrick Dewaere se vit offrir son tout dernier rôle avant sa tragique disparition) ou encore la comédie fantastique culte, parodique et nanardesque Frankenstein 90 en 1984. Les chiens, lui, se situe au mitant d'une filmographie intelligente et réfléchie dont il demeure encore à ce jour d'une affolante lucidité. Plus de quarante-cinq ans en arrière, le réalisateur et son scénariste André Ruellan envisageaient la possibilité de se défendre soit-meme dans un contexte social difficile dans lequel les politiques et les autorités se montrent aussi inefficaces qu'inactives. De quoi donner de l'eau au moulin de Morel, un dresseur de chiens incarné par un Gérard Depardieu qui à cette occasion n'est pas tout à fait la vedette du long-métrage puisque Alain Jessua a en effet offert le rôle principal à Victor Lanoux qui au sortir de la comédie de Gérard Oury La caparate qu'il interpréta l'année précédente aux côtés de Pierre Richard allait donc radicalement changer de registre avec ce Vigilante à la française dans lequel les habitants d'un quartier choisissent de se défendre eux-mêmes des agresseurs qui sévissent aux alentours puisque la police et le maire en place semblent incapables d'agir. Situant son action dans le quartier de l'Arche-Guédon à Torcy, Les chiens décrit tout d'abord à travers son générique cette même froideur, cette même anxiété de ces ensembles immobiliers qui surgissent de terre comme le fera sans doute de manière encore plus exemplaire Bertrand Blier la même année avec son chef-d’œuvre Buffet froid qui lui, prendra place sur le parvis de l’Hôtel de ville Créteil. Une œuvre qui elle-même mettait en scène l'acteur Gérard Depardieu dans une position nettement moins confortable que celle qu'il tient dans le film d'Alain Jessua. Face à lui, l'immense interprète français côtoie Victor Lanoux en médecin généraliste. Le docteur Henri Ferret qui vit lui-même dans la cité où vont se dérouler les événements du récit.

 

 

L'homme constate que beaucoup de ses patients viennent le consulter après avoir été mordus par des chiens. Ceux-là mêmes dont les propriétaires se sont munis afin de se protéger des petites frappes qui chaque nuit viennent les provoquer. Aux côtés des deux acteurs l'on retrouve la charmante Nicole Calfan qui longtemps avant de devenir l'un des personnages récurrents de la franchise La vérité si je mens va tenir ici le rôle d’Élisabeth, une jeune femme victime de viol qui très rapidement va se ranger du côté des habitants qui ont choisi de se défendre eux-mêmes avant de changer d'opinion face aux drames répétés qui vont être causés par les chiens du quartier. Surtout, la jeune femme et le docteur Henri Ferret débuteront ensemble une relation amoureuse. Il est sans doute un peu osé de parler de prophétisme lorsque l'on évoque le sujet du long-métrage d'Alain Jessua, toujours est-il que depuis, rien n'a vraiment changé. Et alors que de nos jours certains évoquent la possibilité de prendre les armes et de se défendre eux-mêmes face à ''l'indisponibilité''de l'état ou des autorités policières lorsqu'il s'agit de remettre de l'ordre dans les quartiers sensibles, la racaille d'aujourd'hui n'a pas grande différence avec ceux que près d'un siècle en arrière étaient nommés sous les sobriquets de ''Blousons noirs'' et de ''Loubards''. Alain Jessua développe une certaine fascination pour les animaux de compagnie qui évoluent tout au long du récit. Et si Les chiens vire au thriller lorsque est évoqué l'étrange ''accident'' ayant causé la mort du maire, lequel semblait ne plus être en odeur de sainteté vis à vis de son ancien ami Morel, le réalisateur sème le trouble, voire le doute, quant à la relation qu'entretiennent les bêtes et leurs propriétaires. Comme le prouve d'ailleurs cette hallucinante séquence de dressage lors de laquelle, Élisabeth semble véritablement jouir lorsque sa chienne Léa s'attaque au dresseur lors de son entraînement. Les spectateurs noteront en outre la présence Fanny Ardant dans le rôle de l'assistante médicale du docteur Ferret ou celle de Jean-François Derec dans celui d'un jeune voyou ; Bref, Les chiens est un long-métrage assez curieux, dont la mise en scène finalement peu divertissante semble le destiner à prévenir du danger de se faire justice soit-même. Une œuvre glaçante, anxiogène et qui comme très souvent chez le réalisateur traîne ses personnages dans un contexte social maladif...

 

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