L'enfer étant,
parait-il, pavé de bonnes intentions, c'est derrière l'apparat
parfaitement décontracté du naïf sous lequel je me suis hier
réfugié que je me suis lancé dans la projection du dernier
long-métrage de Neil Breen dont je commençais à cerner les
intentions à travers Twisted Pair trois
jours auparavant. Ce drôle d'objet cinématographique faussement
auteurisant et sans doute moins orgueilleux qu'il n'y paraissait. Une
expérience, pourtant, autrement plus complexe à identifier que la
plupart de celles proposées par certains génies du septième art (à
commencer par David Lynch). Cade: The Tortured
Crossing vient
prendre la relève cinq ans après les précédentes aventures de
Cabe et Cale qui réapparaissent donc pour la seconde fois après
Twisted Pair.
Question : vais-je être récompensé pour ce courage qui me
caractérise ? Ce tout nouveau projet du plus complet des
cinéastes, capable d'endosser à lui seul les casquettes de
réalisateur, interprète, musicien, chef-décorateur, monteur ou
directeur de la photographie va-t-il me réconcilier avec cette
approche très spécifique du cinéma ? Pas sûr. Car à peine
guéri des blessures psychologiques infligées lors de la projection
de son avant-dernier long-métrage, son auteur ne semble pas avoir
calmé ses ardeurs à travers ce qui constitue peut-être son œuvre
la plus formellement ''non-aboutie'' ! La quintessence d'un art
dont les techniques les plus récentes sont ignorées mais dont les
proportions que prend le script n'ont à vrai dire que peu de
concurrents. Hier encore, j'osais comparer Neil Breen à David Lynch.
Et même à David Cronenberg, grâce aux architectures dont la
froideur était innocemment traduite à travers des fonds verts figés
dans le silence et où pas âme ou presque ne subsistait.
Aujourd'hui, c'est à un autre grand cinéaste qu'il sera de plus ou
moins bonne augure de comparer le travail de Neil Breen. Car aussi
incongru que cela puisse paraître, il y a chez ce bonhomme presque
tout à fait unique, une faim insatiable consistant à mettre en
images tout ce qui lui passe par la tête. Tout comme le réalisateur
chilien Alejandro Jodorowsky et ses mythiques El
Topo,
La montagne sacrée
ou Santa Sangre
pour n'évoquer que ses œuvres les plus connues. Mais là encore, la
comparaison s'arrête à cette seule perspective d'un cinéma
boulimique, qui dans le cas de ce dernier s'avérait prodigieusement
fascinant.
Une
vision des choses qui prend le chemin inverse dans le cas de Cade:
The Tortured Crossing.
L'approche habituellement foisonnante de son auteur a ici disparu au
profit d'une œuvre dont les décors pétrifiés sont désormais
rejoints par un script totalement sclérosé. Toujours doté de ses
supers-pouvoirs, Cabe est devenu un mécène tout acquis à la cause
d'un hôpital psychiatrique dont les patients sont pourtant les
sujets d'expériences abominables menées par des médecins peu
scrupuleux en terme de déontologie. Si les dons offerts par notre
héros sont acceptés les bras ouverts par les grands responsables de
l'entreprise, ceux-ci ne servent donc non pas à aider les patients à
guérir mais à faire progresser la science de manière plus que
douteuse. L'on retrouve ensuite Cale qui, démunit des facultés
qu'il partageait avec son frère au début de Twisted
Pair
est désormais victime d'un mal qui le contraint à collaborer avec
les médecins de l'asile. Kidnappant de jeunes SDF pour les emmener à
l’hôpital où ils serviront de cobayes, il espère ainsi pouvoir
bénéficier des résultats des recherches et ainsi survivre au mal
qui le ronge. Exit la cybercriminalité. Si l'évocation de
l'Intelligence Artificielle perdure, le sujet tourne surtout autour
de cet hôpital, de ses patients/victimes et de leurs bourreaux. Un
sujet on ne peut plus intéressant mais qui sous la houlette de Neil
Breen confine à l'ennui le plus total ! Dans le précédent
article consacré à son précédent long-métrage, j'évoquais The
Room de
Tommy Wiseau. Sauf qu'en réalité, c'est plutôt à un autre type de
cinéma que l'on doit comparer celui de Neil Breen. Son œuvre toute
entière dévolue à l'amateurisme se rapproche effectivement plus de
la trilogie Birdemic
réalisée entre 2010 et 2022 par le cinéaste américain originaire
de Da Nang, au Vietnam, James Nguyen. Sorte de triple ''hommage''
nanardesque aux Oiseaux
d'Alfred Hitchcock, ces trois films avaient l'avantage de proposer un
contenu capable de garder éveillés les spectateurs. Cade:
The Tortured Crossing fait,
lui, figure de long et très douloureux chemin de croix. Un récit
tournant en boucle sur lui-même et d'où n’émergent que de très,
très, très rares et très très, très courts instants de
satisfaction (le combat entre Cabe et un tigre blanc en images de
synthèses affreuses!). Dans le bouillonnant vivier du cinéma Z le
plus infâme, Cade: The Tortured Crossing
rejoint donc le nullissime Attack of the Giant
Blurry Finger
que réalisa de son côté Cody Clarke deux ans auparavant. Autant
dire, qu'ici, Neil Breen réalise un véritable exploit !
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