S'il lui est arrivé de rater certaines de ses entreprises
personnelles qu'il s'était fixé ou de manquer terriblement
d'inspiration (Au-delà en
2010, Le 15h17 pour Paris
en 2018), Clint Eastwood a de manière générale réussi tout ce
qu'il a entreprit. Qu'il s'agisse de l'acteur ou du réalisateur, le
public n'oubliera sans doute jamais sa réinterprétation du héros
dans les westerns spaghetti qu'il forgea entre 1964 et 1966 aux côtés
du cinéaste italien Sergio Leone avec la Trilogie
du Dollar
ou lorsqu'il le réinventa lui-même à travers quelques grands
classiques du genre, tels L'homme des hautes
plaines
en 1973, Pale Rider, le cavalier solitaire
en
1985 ou encore Impitoyable
en 1992. Sans oublier ceux qui participèrent au grand dépoussiérage
de l'un des mythes de l'Ouest américain (Ted Post, Don Siegel). Taxé
de racisme, mais également de misogynie après la série de
longs-métrages Dirty Harry
mettant en scène le fameux inspecteur Harry Callahan. Prouvant tout
le contraire avec le magnifique et bouleversant Sur
la route de Madison
en 1995. Comédies, films d'action, de guerre, de science-fiction,
Clint Eastwood a touché à tout. Même au film d'épouvante en 1971
avec l'excellent Un frisson dans la nuit
dans lequel son personnage était aux prises avec une ''groupie''
particulièrement récalcitrante ! Depuis, il n'a jamais cessé de
tourner. Devant et derrière la caméra. Dénonçant ainsi
ponctuellement les failles de la justice américaine comme il le fit
notamment en 1997 avec Les pleins pouvoirs
dans lequel Gene Hackman incarnait un président des États-Unis
d'Amérique homicide qui de par son statut devenait ainsi intouchable
ou deux ans plus tard avec Jugé coupable
dans lequel le personnage incarné par Clint Eastwood enquêtait sur
la culpabilité ou non d'un jeune noir condamné à mort. Son dernier
long-métrage en tant que réalisateur est une nouvelle œuvre à
charge où tout le monde en prend pour son grade. La politique, la
justice, les autorités et même de simples citoyens vont être
passés à la moulinette d'un long-métrage qui n'est pas sans
rappeler le chef-d’œuvre que réalisa en 1962, le cinéaste
français Georges Lautner, Le Septième juré.
Dans cette œuvre remarquablement interprétée par Bernard Blier,
l'acteur incarnait en effet le personnage d'un pharmacien du nom de
Grégoire Duval qui après avoir commis un assassinat se retrouvait
parmi les jurés lors d'un procès durant lequel était donc jugé un
innocent. Plus de soixante ans plus tard, Juré
n°2
fait écho de manière glaçante à ce classique du cinéma français.
Et
bien que le récit se déroule à des milliers de kilomètres de
celle qui jugea un innocent et que des décennies séparent ces deux
longs-métrages, l'on remarquera que rien n'a vraiment changé. Avec
toute la sobriété qui caractérise Clint Eastwood, ce dernier met
en scène une œuvre forte en émotions puisqu'il oppose un homme
marié et futur père à un véritable cas de conscience. Moralement,
la justice doit passer par l'aveu. Mais à quel prix ? Sacrifier
sa propre existence ainsi que celle de son épouse et de leur futur
bébé ? Et pourquoi ? Pour un individu qui de toute
manière ne semble jamais avoir rien fait de bien dans sa vie ?
L'on observe d'ailleurs à ce sujet que les avis sont parfois bien
tranchés. Entre la police qui n'a fait qu'enquêter à charge contre
ce suspect idéal (Gabriel Basso dans le rôle de James Michael
Sythe), la procureure adjointe Faith Killebrew (Toni Collette) qui
assure l'accusation lors du procès et espère le gagner afin
d'obtenir un poste de Procureur de district, ou bien les jurés dont
certains se sont rapidement fait une idée sur la culpabilité ou non
de l'accusé quand d'autres veulent tout simplement écourter les
délibérations pour retrouver leur vie de simples citoyens. Que
l'homme soit coupable ou non, le problème est ailleurs. Film de
procès, Juré n°2
est également un excellent thriller dans lequel Nicholas Hoult
incarne un Justin Kemp qui se décompose littéralement devant la
caméra face aux enjeux terribles qui assaillent son personnage.
Ancien alcoolique qui aux côtés d'Allison (Zoey Deutch) espère que
sa grossesse arrivera à terme après qu'ils aient vécu un drame
terrible (la perte de jumeaux). Clint Eastwood joue avec certains
détails. Comme l'observation lors d'une fatidique nuit pluvieuse
d'un fossé où une femme a été retrouvée morte le lendemain. Le
réalisateur laissant planer le doute en filmant un trou sombre d'où
aucun indice visuel ne s'échappe. Confirmant ce que pense le
personnage central du récit : qu'il dû ce jour là renverser
un cerf qui ensuite pris la fuite. Un moyen de se dédouaner et de
passer à autre chose jusqu'au jour où tout lui est renvoyé en
pleine figure. Clint Eastwood a l'intelligence de ne pas se laisser
aller à des débordements et signe une œuvre trouble, sensible et
parfois émotionnellement difficile à encaisser. Si la sobriété de
sa mise en scène et la modération avec laquelle le compositeur Mark
Mancina a écrit la bande musicale participent de cette déflagration
qu'évoque une éventuelle erreur judiciaire, le film est surtout
porté par d'excellents interprètes parmi lesquels l'on ajoutera
J.K.Simmons, Chris Messina, Kiefer Sutherland et celles et ceux qui
incarnent autour de Nicholas Hoult les autres jurés. Leslie Bibb,
Adrienne C. Moore, Cedric Yarbrough et les autres...
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