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lundi 2 décembre 2024

Adieu blaireau de Bob Decout (1985) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Un an sépare les sorties des Fauves de Jean-Louis Daniel et de Adieu Blaireau de Bob Decout. L'occasion hier soir d'un double programme consacré à l'un des acteurs français les plus habités de sa génération. Deux œuvres suintantes. Deux polars moites portées par un Philippe Léotard déjà sous perfusion d'alcool. Marinant dans son jus, le frère de l'ancien Ministres des Armées de France François Léotard incarne notamment dans Adieu Blaireau, le rôle de Fred. Un acteur de théâtre sans le sou, interdit des cercles de jeux qui doit une forte somme d'argent à un certain ''Professeur'' qu'incarne de son côté Yves Rénier. Séparé de Brigitte (Juliette Binoche) qu'il surnomme B.B et dont il est pourtant toujours fou amoureux, Poupée (Amidou) lui offre l'occasion de se refaire la main en lui proposant de tuer un homme contre rémunération. Fred accepte. Entre-temps, il fait la connaissance de Colette (Annie Girardot), une cinquantenaire qui vient de passer les cinq dernières années en prison. Dès leur deuxième rencontre dans un bar bruyant, ils nouent une relation qui va s'avérer éphémère... Pour son premier des deux seuls longs-métrages qu'il aura réalisé durant sa carrière (le second, Les gens honnêtes vivent en France, ayant vu le jour vingt ans plus tard en 2005), Bob Decout signe une œuvre franchement déstabilisante. Pour des raisons qui peuvent davantage échapper au camp des pour qu'à celui des contre, Adieu Blaireau a le dur labeur de devoir endosser une réputation peu flatteuse de mauvais polar. Il faut dire que son écriture est parfois confuse et que la soliloquie de Philippe Léotard dont la voix semble de plus en plus usée par l'abus d'alcool n'arrange rien. Une formulation des dialogues qui n'a pourtant rien à envier à l'univers particulièrement barré de certains films signés du franco-polonais Andrzej Żuławski (L'amour braque et ses flatuosités verbales pouvant être un véritable frein à la compréhension du récit). Il est vrai que Adieu Blaireau est parfois difficile à suivre. Au point de laisser certains spectateurs sur le bord de la route. Ce mélange de brigands dont on finit par ne plus comprendre qui fait partie de quelle organisation criminelle termine d'asseoir l’œuvre de Bob Decout comme l'un des archétypes du thriller français glauque des années quatre-vingt.


Mais surtout, Adieu Blaireau, en mettant tout d'abord en scène Philippe Léotard dans la peau du principal personnage, lui rend directement hommage en traitant le sujet à travers certaines habitudes ou certaines passions qu'il avait contractées comme en témoigna son frère François dans son livre A mon frère qui n'est pas mort en 2003. Acteur, tout comme le personnage de Fred, Philippe Léotard et son personnage semblent effectivement partager leur amour pour les femmes ou pour l'alcool, le réalisateur plongeant son protagoniste dans la nuit. Univers noctambule qu’appréciait également l'acteur... Si la présence d'Annie Girardot peut s'avérer relativement étonnante dans ce polar parfois exagérément étouffant, il est arrivé que l'actrice elle-même ose poser le pied dans des œuvres plutôt sombres. Comme en témoigna notamment l'année précédente Liste noire d'Alain Bonnot dans lequel elle incarnait Jeanne Dufour, la mère d'une adolescente décédée lors du braquage d'une banque qui n'était alors plus intéressée que par une seule chose : venger la mort de sa fille. Bien qu'elle incarne dans Adieu Blaireau le personnage de Colette, une ancienne taularde qui n'a donc pas connu l'amour depuis ces cinq dernières années, les quelques trop rares séquences qui l'unissent à Philippe Léotard sont un véritable vent d'espoir et théoriquement un nouveau souffle pour le personnage de Fred. Mais aussi pour les spectateurs qui découvrent enfin dans ce brouillard qui colle littéralement à la peau des personnages et du public, de quoi changer d'air. Car le couple que les deux acteurs forment ici est vraiment touchant. Même si une fois encore certains dialogues sont difficiles à déchiffrer. Mais cet espoir qui naît entre ces deux êtres déchirés ne va, bien évidemment et malheureusement, pas faire long-feu. Bob Decout insistant sur le côté nihiliste de cette histoire écrite par ses soins, on devine que leur ''romance'' va tourner court. Notons la présence à l'image de Jacques Penot dans le rôle de Gégé, le meilleur ami de Fred ou de la toute jeune Juliette Binoche qui n'avait débuté sa carrière que deux ans auparavant et qui dans Adieu Blaireau incarne le rôle de Brigitte. Bref, difficile de se faire une opinion franche et définitive sur cet étrange polar, bancal, moite, totalement imprégné de la présence de Philippe Léotard. Une œuvre qui en laissera sans doute une bonne partie indifférent et d'autres, comme moi, séduits par cet univers carrément désenchanté dans lequel Philippe Léotard trouve admirablement sa place...

 

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