Scénariste et
réalisateur, Patrice Leconte à débuté sa carrière aux côtés
des membres de la Troupe du Splendid.
Enfin... presque. Car avant cela, il mit en scène Coluche et Jean
Rochefort dans la comédie Les vécés étaient fermés
de l'intérieur
en 1976. On le retrouve ensuite aux commandes des deux comédies
cultes Les bronzés
et Les bronzés font du ski
en 1978 et 1979. Sa carrière est donc lancée et alors qu'on aurait
pu l'imaginer se complaire dans un genre unique, il a prouvé à
maintes reprises qu'il était capable d'écrire et réaliser sur des
sujets beaucoup plus graves. Celui de Tandem
l'est-il pour autant ? Alors qu'il s'est ''séparé'' de la
Troupe du Splendid
pour ne plus employer parmi ses membres que l'acteur Michel Blanc
durant les années qui vont suivre avec le tout aussi culte Viens
chez moi, j'habite chez une copine,
c'est pourtant à Gérard Jugnot qu'il confiera en 1987 le rôle de
Rivetot, ingénieur du son d'une émission de radio-crochet dont
l'animateur Michel Mortez sera quant à lui interprété par Jean
Rochefort qu'il retrouve donc onze années après ses débuts de
réalisateur et scénariste sur grand écran. Sans être le brouillon
de l'inquiétant Monsieur Hire
qu'il réalisera deux ans plus tard et dans lequel le public
retrouvera un Michel Blanc proprement stupéfiant, Tandem
est
déjà nettement moins désopilant que ce à quoi nous avait habitué
le cinéaste. D'emblée, lorsque les premiers accords du formidable
'' Il mio
rifugio''
du chanteur italien Richard Cocciante arrivent à nos oreilles,
Patrice Leconte imprime une atmosphère qui jamais ne quittera ses
personnages. Sur les routes de France, l'animateur et le technicien
s'arrêtent quotidiennement dans divers villages pour y animer
l'émission ''La
Langue au chat''
(le film s'inspire d'ailleurs de l'animateur radio Lucien Jeunesse et
du Jeu des mille francs). Le principe est simple : tandis que
Rivetot s'assure de la bonne diffusion du programme sur les ondes
radio, Michel Mortez questionne des candidats triés parmi les
habitants du coin, lesquels s'affrontent avec l'espoir de remporter
le concours et ainsi gagner de l'argent. Mais un jour, Rivetot
apprend que l'émission va être supprimée. Depuis vingts-cinq ans
que Michel Mortez l'anime, le technicien ne se sent pas le courage de
lui dire et garde secrète la mauvaise nouvelle...
Avec
Tandem,
Patrice Leconte offre à ses deux principaux personnages parmi les
rôles les plus touchants qu'ils auront eu à interpréter durant
leur carrière. Plus tard, Gérard Jugnot se souviendra sans doute de
l'étrange relation entre ces deux personnages au moment de réaliser
et d'interpréter son magnifique Une époque
formidable.
Quant à Jean Rochefort, le réalisateur et scénariste lui offrira
neuf ans plus tard un rôle presque similaire dans la comédie Les
grands ducs.
Mais en 1987, c'est aussi et surtout aux spectateurs que Patrice
Leconte soumettait une œuvre absolument remarquable. Bouleversante,
humaine, mais au final, assez peu amusante. Car au contraire, le
récit s'avère tragique et c'est sans compter sur la propension du
réalisateur à appuyer là où ça fait mal que le film diffuse un
parfum de monotonie aussi durable qu'inconfortable. Il faut alors
tout le génie d'un Jean Rochefort/Michel Mortez en perpétuelle
représentation pour nous arracher des sourires et toute l'humanité
d'un Gérard Jugnot/Rivetot pour nous convaincre de l'humanité d'un
tel sujet. Patrice Leconte se fait ici le chantre de la mélancolie.
L'ambiance morose aurait pu transformer Tandem en
œuvre authentiquement cafardeuse mais pourtant, le miracle a bien
lieu. Jean Rochefort est sublime en animateur ringard, aux cheveux
gominés, criant son amour au téléphone pour celle qu'il aime et
son rejet des familles de français moyens qui déjeunent sur le bord
des routes, parfois pris de crises de panique (la chambre d’hôtel)
et par les jeux d'argent. Face à lui, un Gérard Jugnot qui encaisse
les coups. Lumineux, indulgent... Ce tandem que forment les deux
acteurs efface bien évidemment tous ceux que côtoient les
personnages qu'ils interprètent. Et pourtant, passent à l'image
Jean-Claude Dreyfus en infecte conseiller municipal lors d'un
éprouvant dîner, Ged Marlon en pique-niqueur, et quelques autres
actrices et acteurs qui servent la soupe à ces deux grands acteurs
français. Tandem,
c'est
l'histoire d'une belle amitié que le spectateur verra plus
''vraie'', plus ''sincère'' que ne semble l'imaginer le personnage
incarné par Jean Rochefort. En changeant de registre, Patrice
Leconte prouve en 1987 qu'il n'est pas condamné au seul registre de
la comédie et signe cette année là, l'un de ses plus beaux
films...
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