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jeudi 16 juin 2022

Kung-Fu Zohra de Mabrouk El Mechri (2022) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Drôle de thérapie que le dernier long-métrage du réalisateur et scénariste français Mabrouk El Mechri qui quatorze ans après l'original JCVD qui à l'époque mettait en vedette l'acteur belge Jean-Claude Van Damme signe une comédie qui de son propre aveu est basé sur son histoire personnelle. Ou plutôt celle de sa mère, qui comme l'héroïne de Kung-Fu Zohra fut elle aussi battue par son mari. On peut donc supposer que d'expérience, le versaillais, ancien assistant-réalisateur Mathieu Kassovitz, est le mieux placé pour parler de ce difficile sujet. Mais sa mère, justement, savait-elle que son fils allait le traiter sous l'angle de l'humour ? Il est relativement jouissif d'imaginer celles et ceux qui d'emblée se sont sans doute mis à grincer des dents et à ronger leur frein jusqu'à découvrir sur le terrain, l'angle choisi pour un sujet si délicat. Ça commence par un coup de foudre au bled et se termine par un coup de pied dans sa face. Mais d'ici à ce que Zohra parvienne à faire entendre sa voix et ses poings, la jeune et jolie maghrébine use de tous les subterfuges pour cacher ce que lui fait subir son conjoint. Si elle porte des lunettes de soleil, c'est parce qu'elle a une cataracte ou une dégénérescence maculaire ! Face à Zohra, il y a Omar, robuste, gentil comme tout sous le soleil du Maghreb mais révélant une toute autre facette de sa personnalité lors de son retour en France, à Pecq dans les Yvelines où fut tourné une partie non négligeable du long-métrage. Avec son look d'immigré des années soixante-dix, le cheveu crépu et épais, Ramzy Bédia n'a pas trop à forcer le trait pour apparaître crédible dans le rôle du méchant Omar qui soupçonne sa femme chaque fois qu'elle est au téléphone ou qu'elle parle à un autre homme. L'enfer dans lequel le réalisateur enferme le personnage qu'interprète l'actrice et réalisatrice française Sabrina Ouazani ne va pas s'arranger, bien au contraire. Si l'on a tout d'abord un peu de mal à comprendre où veut vraiment en venir Mabrouk El Mechri vue la difficulté avec laquelle il est demandé à certains cinéastes de s'interroger sur les violences conjugales, la bande-annonce avait à l'époque de quoi rassurer le public avide de comédies. Sans prendre conscience des enjeux d'une telle thématique, on pouvait sans mal cocher le film dans la colonne des projets cinématographiques à venir qu'il ne faudrait peut-être pas manquer...


La première partie laisse au spectateur l'étrange sensation d'avoir été trompé. En effet, il semble que le sujet des violences conjugales ait été traité sous un angle plus sérieux qu'il n'y paraissait dans la bande-annonce et où l'humour semble avoir été pratiquement banni. Rassurant peut-être ainsi celles et ceux qui estiment qu'on ne badine par avec un sujet aussi important. En même temps, à moins d'être entré dans la salle obscure en regardant par terre, difficile d'imaginer que le film puisse être autre chose que ce que prétendait la bande-annonce... ou son affiche, laquelle fait très clairement référence au roi du kung-fu, Bruce Lee, qui trônait en bonne place sur les affiches de ses films. Une similitude forcément sans équivoques. Notons d'ailleurs un détail relativement amusant puisque en 2001, Ramzy Bédia incarnait dans La tour Montparnasse infernale de Charles Nemes, un laveur de carreau complètement débile qui à un moment donné était provoqué en duel par un certain Ming (surnommé Mireille Mathieu à cause de sa coupe au bol), la séquence prenant ainsi l'allure de celle qui opposa longtemps auparavant dans Le jeu de la mort le gigantesque basketteur Kareem Abdul-Jabbar et l'immense Bruce Lee ! Souvent, lorsque est évoqué le film, celui-ci se prend une volée de bois vert. On ne cause pas dans les salons privilégiés de ses qualités de mise en scène ou de son interprétation mais du choix délicat d'avoir traité le sujet sous l'angle de l'humour. C'est à se demander si ceux qui crachent sur le long-métrage de Mabrouk El Mechri ont fait l'effort de se rendre en salle obscure lors de sa sortie sur grand écran ou si leur jugement ne reposerait pas en fait que sur de simples on-dit...


Une comédie, Kung-Fu Zohra ? Certainement pas. Ou du moins l'est-elle, mais dramatique. Durant plus de cinquante minutes, on assiste aussi désœuvrés que la victime des violences conjugales au quotidien d'Omar, fan de foot un brin alcoolique et violent mais plus encore de Zohra, la compagne au visage témoignant des blessures qu'il lui inflige hors champ de la caméra. Quitte à décrire les violences dont est victime la jeune femme, pourquoi le réalisateur ne s'est-il pas montré plus radical en filmant les supplices de son héroïne ? Par respect pour sa mère ? Pour celui des femmes en général ? Ramzy Bédia est convainquant et même parfois, effrayant tant il paraît ici parfaitement naturel, monstrueux, utilisant l'enfant qu'Omar et Zohra ont eu pour tenir cette dernière sous son emprise. Le scénario de Mabrouk El Mechri introduit alors un concept assez curieux reprenant celui du film culte de John G. Avildsen sorti en 1984, Karaté Kid. Œuvre dans laquelle un adolescent martyrisé par des camarades d'université (l'acteur Ralph Macchio dans le rôle de Daniel Russo) s'entraînait au karaté auprès d'un professeur rompu aux arts martiaux (Noriyuki « Pat » Morita dans le rôle de Kesuke Miyagi). Malheureusement, de ce point de vue, la comparaison s'arrête là. L'entraînement de Zohra s'offre la partie congrue et se résume au fond à surtout brasser de l'air. Kung-Fu Zohra possède néanmoins de nombreuses qualités, comme la sobriété de la mise en scène ou celle des interprètes. Sabrina Ouazani est touchante (férue d'arts martiaux, l'actrice s'est intensément entraînée pour le rôle) et le ''blédard originaire de Pékin'' qu'interprète l'acteur Tien Shue, comment dire... exotique. Le film retranscrit très bien l'emprise du conjoint violent sur son épouse ainsi contrainte de rester vivre auprès de son bourreau si elle veut pouvoir toujours voir sa fille (la jeune Lina Hachani dans le rôle de Zina). C'est peine perdue pour ceux qui espéraient rire aux éclats (en dehors d'une séquence finale libératrice) car malgré l'irruption de quelques séquences saugrenues (introduites dans une bande-annonce mensongère) Kung-Fu Zohra revêt d'abord les atours du drame social... Quant aux amateurs exclusifs de films d'arts-martiaux, certains préféreront sans doute le générique de fin à tout ce qui aura précédé... Convainquant !

 

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