Désormais, grâce au
réalisateur sud coréen Park Chan-wook, la Corée du sud détient
elle aussi son Empire des Sens et de la Passion. Il faut dire que le
pays est plutôt chiche en la matière. Surtout si on le compare à
son voisin le Japon qui habite à presque mille kilomètres de
distance. Park Chan-wook est avant tout autre chose, l'auteur d'une
fameuse trilogie de la vengeance au milieu de laquelle se situe le
plus flamboyant des trois volets, Old Boy
réalisé en 2003.
En résulta une batterie complète de récompenses dont le Grand Prix
du Jury au festival de Cannes l'année suivante. Une histoire d'amour
naît alors entre le sud-coréen et les festivals du monde entier. Et
notamment celui de Cannes qui depuis le consacre de manière
régulière (Prix Vulcain de l'artiste technicien en 2016 pour
Mademoiselle).
En 2009, un vampire ose pénétrer l'enceinte du palais des festivals
et amorce une contagion qui mènera le jury notamment constitué des
réalisateurs George Miller (en tant que président) et Arnaud
Desplechin, de la chanteuse et actrice Vanessa Paradis et des acteurs
Donald Sutherland et Mads Mikkelsen à voter pour Thirst,
ceci est mon sang
et ainsi lui octroyer le Prix du Jury du Festival cette année-là.
Le thème échappe ici à son contexte initial pour nous offrir une
expérience aussi riche que furent celles offertes à travers les
quelques classiques du genre que sont Martin
de George Romero, The Addiction
d'Abel Ferrara ou Morse de
Tomas
Alfredson et son extraordinaire remake américain Let
me in
signé de Matt Reeves...
Thirst, ceci est
mon sang n'est
pas ce pur produit horrifique auquel pourrait prétendre appartenir
son synopsis. Et bien que les débordements sanglants y sont
effectivement présents, l’œuvre de plus de deux heures de Park
Chan Wook est un festival où se mêlent les genres, aussi incongru
que cela puisse parfois paraître. Quelques plans gore, beaucoup
d'humour et surtout un érotisme qui fera monter de quelques degrés
votre température corporelle sont au programme d'une œuvre intense
en émotions diverses et variées. Et en poésie également puisque
le vampire Sang-Hyeon campé par l'immense acteur Song Kang-ho dont
la carrière est déjà bien remplie avec, notamment dans ses
bagages, Memories of Murder,
Snowpiercer, le Transperceneige et
Parasite,
tous trois réalisés par Bong Joon-ho, fait parfois preuve d'un
comportement inattendu, surtout lorsqu'il prend des précautions
concernant celle dont cet homme de Dieu tombe amoureux (la séquence
lors de laquelle il ôte ses chaussures pour les donner à Tae-Ju).
Odorat aiguisé, force surhumaine, le vampire ici doit par contre
composer avec quelques désagréments directement liés au mythe du
vampire. Si dans le cas présent Sang-Hyeon ne craint ni l'ail ni
les crucifix, le soleil reste mauvais pour son organisme...
Parfois
absurde et même grotesque, Thirst, ceci est mon
sang
joue d'abord avec le fameux passage de la Bible (Marc 14:24) lors
duquel Jésus prit un repas avec ses disciples durant lequel il
prononça ces mots : ''Prenez,
ceci est mon corps. Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé
pour la multitude...''.
D'où la profession de Sang-Hyeon, prêtre qui un matin décide de
se rendre jusqu'en Afrique pour y servir de cobaye afin d'éradiquer
une maladie fort contagieuse. Mais rien ne se passe comme prévu et
l'homme de Dieu meurt. Jusqu'à ce qu'une transfusion sanguine dont
le pourvoyeur demeure inconnu ne le ramène à la vie. De retour chez
lui, il devient la coqueluche des indigents et tombe très rapidement
amoureux de la belle Tae-Ju après que la belle-mère de celle-ci
(l'actrice Kim Hae-sook dans le rôle de Madame Ra) ait supplié le
prêtre vampire de venir en aide à son fils Kang-Woo (l'acteur Shin
Ha-kyun) qui se meurt d'un cancer. Convié à partager la vie de
cette étrange petite famille adepte de Mah-jong, Sang-Hyeon tombe
donc sous le charme de Tae-Ju qu'interprète la magnifique Kim
Ok-vin. Outre son aspect fantastique qui offre quelques plans tout à
fait inattendus (l'homme de Dieu s'abreuvant de sang à l'aide d'une
transfusion directement branchée dans le bras d'un homme plongé
dans le coma), voire même saugrenus ( alors que Kang-Woo est pris de
flatulences, sa mère examine l'odeur afin d'y déceler un éventuel
rapport avec son cancer!), Thirst, ceci est mon
sang
porte surtout une grande part de son intérêt dans la relation entre
Sang-Hyeon et Tae-Ju. Une passion dévorante, entre morsures et
actes d'amour terriblement érotiques.
Park
Chan-wook filme ses deux amants lors d'actes d'amour torrides qui
renverraient presque les œuvres de Nagisa Oshima au simple rang de
cours d'éducation sexuelle cliniques ! La beauté de certains
plans accompagnés par la sublime partition musicale de Jo Yeong-wook
empêche quelque peu le côté trash du récit de parasiter
l'ensemble du projet. À noter que Thirst, ceci
est mon sang est
l'adaptation du roman d’Émile Zola Thérèse
Raquin
dans lequel l'héroïne, déjà, souffrait de vivre auprès d'un
époux malade et rêvait de monter à Paris. Si l’œuvre de Park
Chan Wook prend forcément quelques distances avec le roman, le
sud-coréen n'en a pas pour autant délaissé certains aspects. Comme
ces parties de dominos qu'il choisi de remplacer par le mah-jong. Si
Thirst, ceci est mon sang
n'est pas le meilleur long-métrage de Park Chan Wook, le spectacle
n'en est pas moins total. Humour, émotion, trash, gore fantastique
et érotisme se conjuguent pour un résultat pour le moins
(d)étonnant...
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