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mardi 29 juin 2021

Le tigre du Bengale de Fritz Lang (1958) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

En préambule au double article que j'ai décidé de consacrer au diptyque formé par Le tigre du Bengale et Le Tombeau Hindou, traduction plus ou moins fidèle pour l'un (Der Tiger von Eschnapur) et tout à fait respectueuse pour l'autre (Das indische Grabmal) de deux longs-métrages parmi les plus grands réalisés par le cinéaste austro-hongrois Fritz Lang, évocation d'un souvenir lointain. Très lointain. Si lointain même que je ne me souviens plus si je dois désigner le Ciné-Club ou bien le Cinéma de Minuit. Deux émissions qui me furent chères, mais dont une seule marqua à jamais mon esprit à travers la diffusion d'un cycle justement consacré à Fritz Lang. Si mes souvenirs sont bons, tout avait démarré avec le fantastique (dans tous les sens du terme) Der Müde Tod de 1921, poursuivi par Dr Mabuse der Spieler réalisé l'année suivante et auquel succédèrent au hasard Fury de 1936, Man Hunt de 1941, House by the River de 1949 ou encore The Big Heat de 1953. Sans oublier, donc, ces deux chefs-d’œuvre du cinéma d'aventure que sont Der Tiger von Eschnapur et Das indische Grabmal respectivement réalisés en 1958 et 1959. Toutes les périodes de Fritz lang y figurèrent. À Commencer par l'Allemagne, qu'il quitta pour se rendre aux États-Unis pour cause de Nazisme (dont le réalisateur prit un soin particulier à se faire le pourfendeur) juste après avoir fait un tout petit tour en France, avant de revenir en Allemagne, celle de l'ouest où il termina sa carrière avec une poignée de longs-métrages dont les deux qui nous intéressent ici... Mais Fritz Lang, ce fut aussi un cinéma sous toutes ses formes. Du noir et blanc à la couleur, et du muet au parlant. Peut-être accorderai-je un cycle à ce géant du septième art, mais d'ici là, bienvenue dans la ville imaginaire d'Eschnapur où se situe l'action du Tigre du Bengale...


Notez qu'une première version fut réalisée en 1938 par l'allemand Richard Eichberg, dans un noir et blanc restrictif qui empêchait le majestueux exotisme de l'Inde de s'y déployer totalement. Beaucoup plus ambitieux sur le papier et à l'écran, la version de Fritz Lang enfonce à tel point profondément la mouture de Richard Eichberg que l'on peut se poser la question : ''Mais qui s'en souvient aujourd'hui ?''. Si la couleur ne fait pas tout, elle semble ici plus que jamais un élément essentiel. Lui ôter cet atout serait comme de couper les cou%##es d'un lion pour en faire ensuite le héros d'un documentaire consacré au roi de la savane... Lorsque l'on regarde en arrière, une grande partie de l’œuvre de Fritz Lang fit l'apologie de la noirceur. De son cycle consacré au Docteur Mabuse, en passant par M le Maudit, portrait (mais pas que) d'un tueur en série fictif inspiré d'un criminel ayant réellement existé (le sinistre Peter Kürten), cette insupportable traque dont fut victime l'extraordinaire Spencer Tracy dans Fury, ou encore le visionnaire et dystopique Metropolis dont la version intégrale longue de deux heures et trente-trois minutes semble perdue à jamais. Après un Technicolor bichrome très coûteux et qui donc s'effondre arrive sur le marché le Technicolor trichrome qui rend hommage à toute la palette de couleurs (le rouge, le vert et le bleu rendent chacun sensibles autant de négatifs qui sont entraînés simultanément). Si l'on ne pense pas immédiatement au Tigre du Bengale lorsque l'on évoque cette technique, celle-ci semble avoir été pourtant pensée pour ce genre de productions et notamment pour l’œuvre de Fritz Lang qui utilise une technique proche connue sous le nom de Eastmancolor. Aussi surannés, voire kitsch que puissent paraître les images de nos jours, dans mes souvenirs c'est une véritable explosion de couleurs qui fait honneur à cet exotisme qui imprègne le long-métrage dans sa totalité. Un film d'aventure, oui. Mais aussi, une histoire d'amour mêlée d'une dualité entre deux hommes. L’architecte Henri Mercier d'un côté, le maharadjah Chandra de l'autre... Pour les yeux et les faveurs d'une femme, la belle Seetha...


Si la question généralement cruciale du choix de la langue vous étreint l'esprit, pas d'inquiétude à avoir : la version française conviendra tout à fait si vous n'adhérez pas au fait que Seetha puisse par se manifester dans la langue de Goethe malgré ses origines indiennes. On pourrait rétorquer de même pour son doublage en français effectué par Michèle Montel, mais l'architecte Henri Mercier étant d'origine hexagonale (dans cette version en tout cas), il est déjà nettement plus envisageable pour nous d'entendre ces deux là ainsi que les autres s'exprimer en français. Fort de quelques incohérences dont un Henri Mercier à peine marqué par l'enfant qui vient de tomber entre les griffes d'un tigre à peine le récit entamé, Le tigre du Bengale risque de faire des victimes collatérales parmi celles et ceux qui espéraient sans doute une version exotique du puissant Sur la route de Madison de Clint Eastwood alors que l’œuvre de Fritz Lang devra être davantage envisagée comme une alternative au très romantique Angélique, Marquise des anges que Bernard Borderie réalisera cinq ans plus tard. Autre lieu, autre temps, autres origines... Représentation de divinités aux dimensions parfois stupéfiantes, hommes enturbannés, femmes voilées, maisons en terre crue, tabla, Bansuri, mais, fait étonnant, pas de sitar à l'horizon. Palais, et léproserie illuminés par des flambeaux, costumes recouverts d'or et de joyaux... Le tigre du Bengale tente le jusqu’au-boutisme exotique mais à y regarder de plus près et surtout, avec un regard neuf, l'Inde rêvée, vue à travers les cartes postales où les reportages n'y est pas forcément représentée. Plutôt une Inde de contes et de légendes. Ce grand film d'adolescence s'est fané. S'est délité petit à petit pour qu'aujourd'hui, son aspect ''toc'' soit plus étalé à l'écran que jamais. Si son budget dix fois moindre que celui du Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz le condamne à ne pas entrer dans la postérité, c'est sans doute cette différence entre les quarante millions de l'un et les quatre de l'autre qui font que justement, l'on se souvienne du premier plutôt que du second. C'est presque une tragédie que de se demander plus de trente ans après sa découverte quels purent être les éléments du tigre du Bengale qui faillirent en faire l'un de mes films de chevet. Les fastueux décors manquent de vie. Derrière les murs du palais du maharadjah Chandra, les grands espaces nus s'enchaînent et la vie grouillante que l'on imaginait est absente.


Cependant, cette première partie évoque déjà l'esprit de vengeance dont est capable le séducteur mais tyrannique maharadjah. Interprété par l'acteur autrichien Walter Reyer, il est opposé à l'écran au suisse Paul Hubschmid avec lequel il entre en guerre pour le cœur d'une Seetha sensuelle interprétée par l'actrice et ancienne danseuse américaine Debra Paget... À l'origine du Tigre du Bengale, un scénario. Celui du réalisateur lui-même et de Werner Jörg Lüddecke qui adaptent ensemble le roman Le tombeau hindou de Thea von Harbou qui ne fut autre que l'épouse de Fritz Lang et écrivit pour lui une partie des scénarii de ses films parmi lesquels Die Nibelungen en 1924, Metropolis en 1927 ou M le maudit en 1931 ainsi que pour d'autres réalisateurs comme le célèbre Friedrich Wilhelm Murnau. Complots et fourberies sont ici au centre d'un récit qui mélange décors naturels et décors de studio qui nuisent grandement à l'immersion. Beaucoup d'entre eux sonnent effectivement faux et empêchent l'immersion. Quant à cette passion dévorante entre Seetha et Henri Mercier, la musique du compositeur russe Michel Michelet ne lui rend malheureusement pas hommage. L'ensemble se révèle relativement plat et convenu et ce Tigre du Bengale adulé dans les années quatre-vingt semble désormais bien anodin. Ce qui paraît ambitieux à l'évocation ne s'avère plus aujourd'hui qu'un film d'aventure aux péripéties trop simplistes pour être considéré comme un classique du genre. Demeure alors le nom de son auteur et l'espoir d'une séquelle qui aura réussi à corriger les erreurs d'un Tigre du Bengale finalement fort décevant...


 

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