Attention ! Risque
de Spoilers ! Jusqu'à ce que la fin du monde ne vienne mettre
un terme à l'existence de tout être humain sur Terre avec son
dix-septième long-métrage cinéma 4:44 Last Day on Earth
réalisé
en 2011, le cinéaste américain Abel Ferrara se fit le chantre d'une
humanité déchirée et corrompue de quelque manière que ce soit, à
la recherche de la rédemption. Dans un univers underground sans
cesse en mutation parcouru par des individus déviants (du
peintre-tueur à la perceuse de Driller Killer
à la victime muette d'un double-viol se transformant en une
justicière tueuse d'hommes dans L'ange de la
vengeance
jusqu'au flic corrompu de Bad Lieutenant),
ce cinéaste particulièrement bien cerné dans le documentaire de
Rafi Pitts Not Guilty
fut un lion en cage libéré de ses entraves qui en dehors du circuit
hollywoodien (hormis les deux longs-métrages Body
Snatchers
et Snakes Eyes tous
deux réalisés en 1993) produisit une succession de films
particulièrement sombres. Et qui trouvèrent pour la plupart d'entre
eux, des fans pour ériger l'un ou l'autre au statut de chef-d’œuvre
ultime. Certains citeront donc Bad Lieutenant,
d'autres The King od New York,
ou encore The Addiction.
Il y en aura même pour évoquer New Rose Hotel,
son treizième long-métrage, qui plutôt que de révéler l’œuvre
maudite qu'aurait pu revêtir son classement dans la filmographie
cinématographique d'Abel Ferrara, fut le signe d'une sensibilité
élevant l’œuvre au rang de chef-d’œuvre... Ce
qui au départ, n'est pas une mince affaire. Car en effet, New
Rose Hotel
semble n'avoir bénéficié que d'un budget des plus infime...
Ce
que retranscrit l'image, sorte de compromis entre le grain très
marqué de caméras de surveillance et l'horrible direct-to-video
qui accorde à bon nombre de films un sort peu enviable. Pourtant, si
l'on se réfère à l'historique de New Rose
Hotel,
le film a bien connu une sortie en salle, même limitée. L'aspect du
long-métrage tranche bizarrement avec son casting que l'on
considérera en partie de cinq étoiles. On y retrouve en effet
l'acteur Christopher Walken, prodigieux chez le David Cronenberg de
The Dead Zone
en 1985 et icône du monstrueux The King of New
York
dans lequel Abel Ferrara lui offrit le rôle-titre cinq ans plus
tard). La sulfureuse italienne Asia Argento (fille du maître du
giallo Dario Argento), dont la côte est, faut-il le rappeler,
hautement surestimée ( Le Livre de Jérémie,
en 2004) et qui interprète ici la prostituée Sandii. Enfin, Willem
Dafoe qui allait devenir l'un des fidèles interprètes du cinéaste
avec pas moins de sept longs-métrages en commun, documentaire
compris... New Rose Hotel est
ici, plus sombre dans le traitement visuel que dans la thématique
généralement développée par Abel Ferrara. Amour, passion,
manœuvres et trahison sont au cœur d'une intrigue pas toujours
intelligible au centre de laquelle sinuent nos trois principaux
interprètes. Christopher Walken et Willem Dafoe y incarnent
respectivement Fox et X, deux espions industriels. Et Asia Argento,
la prostituée à laquelle il vont faire une très alléchante
proposition : celle de gagner un million de dollars en séduisant
un généticien japonais du nom de Hiroshi. C'est la
base d'une intrigue qui laissera peu à peu entrevoir le jeu de
séduction ET de trahison des uns et des autres, Fox et X faisant
finalement figures d'apprentis plongés dans une affaire dont ils ne
soupçonneront pas les ramifications...
Filmé comme un cauchemar
intemporel situé dans un univers tortueux que les différentes
approches visuelles et esthétiques empêchent de voir autrement que
comme un mauvais rêve, New Rose Hotel
cherche sans doute à se comporter comme une histoire d'amour
underground tout en ayant comme résultat que d'apparaître comme un
soap déliquescent peu aidé, il est vrai, par des moyens qui
s'apparentent au mieux, à de la technique au rabais. On notera
l'absence du fidèle compositeur Joe Delia qui après The
Black Out l'année
précédente ira faire carrière chez d'autres réalisateurs. En
prenant comme principaux interprètes deux des plus charismatiques
acteurs de leur époque en la personne de Christopher Walken et
Willem Dafoe, Abel Ferrara fait le lien entre celui qui quittera
l'aventure ''Ferrarienne'' et le second auquel sera transmise la
lourde tâche de prendre le relais. Comme un salut à l'artiste,
Christopher Walken disparaîtra alors derrière un sourire narquois
et désabusé lors d'une séquence qui, si elle n'était pas si
tragique, ferait sourire tant elle semble absurde. Séduisant non
seulement Willem Dafoe/X, la caméra mais également le spectateur,
Asia Argento envoûte littéralement le cadre, ce qui n'empêche pas
le réalisateur d'en faire l'un des atouts essentiels d'un drame
auquel X ne survivra peut-être pas. Prolongeant l'errance de son
''héros'', jusqu'à rendre douloureuse la séparation, Abel Ferrara
signe sans doute effectivement, l'un de ses plus beaux films. Non
dans le sens esthétique, mais bien dans l'humanisation de ses
protagonistes...
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