Auteur de plusieurs
classiques parmi lesquels King Kong en
1976 (on oubliera très vite la suite réalisée par ses soins dix
ans plus tard) et Mort sur le Nil
(adaptation du roman éponyme de la romancière britannique Agatha
Christie) en 1978, le réalisateur américain John Guillermin signa
en 1974, par moins que le plus grand film catastrophe de toute
l'histoire du septième art avec La tour
infernale.
Et même si le film célébrera bientôt son demi-siècle
d'existence, difficile d'imaginer quel que film que ce soit capable
de rivaliser avec ce chef-d’œuvre absolu même si les plus
grandes sociétés d'effets-spéciaux sont
aujourd'hui capables de produire un résultat repoussant sans cesse
les limites du réalisme. En comparaison, le long-métrage de John
Guillermin est équivalent au support vinyle (ou disque microsillon)
auquel le disque compact vola la vedette dès son apparition dans les
années quatre-vingt mais qui aujourd'hui connaît un certain regain
d'intérêt auprès des vrais amateurs de musique. Au cinéma, c'est
un peu la même chose. Encore faut-il être de ces générations qui
dans le cas du film qui nous intéresse ici, découvrirent La
tour infernale
tel qu'il fut pensé à ses origines. Une méthode de production
astreinte à des limites qui désormais n'existent plus. Pourquoi
donc revenir là dessus ? Sans doute pour avertir celles et ceux
qui voudraient un jour acquérir ce véritable monument sans avoir
réfléchi un seul instant de l'intérêt de s'offrir le film au
format Blu-ray.
Car si ce support possède d'indéniables qualités, le film de John
Guillermin fait partie de ces œuvres victimes d'une ''chasse aux
sorcières'' qui condamna bon nombre de classiques à se voir imposé
un nouveau doublage. Lorsque la nécessite peut éventuellement
s'envisager lorsque celle-ci est ''augmentée'' de scènes jusque là
demeurées inédites (L'exorciste
de William Friedkin), il est d'autres occasions ou toucher aux
doublages fait figure de véritable trahison...
La tour infernale
est donc de ceux-ci. Déjà, nettoyer une bande vidéo de son grain
si particulier pour en proposer un matériau dénué de toute
imperfection est une chose. Une histoire (faute?) de goût. Mais
lorsque l'on s'attaque au doublage parce que le son mono ''ça ne le
fait plus trop'' de nos jours, je vous laisse imaginer la réaction
de celles et ceux qui découvrirent le film de John Guillermin
notamment doublé à l'époque par Jacques Thébault, Marcel Bozuffi,
Jean Martinelli ou Perrette Pradier. Il reste alors une solution pour
quiconque veut profiter d'une image ''propre'' mais des voix
d'origine : redécouvrir le film dans sa version originale
sous-titrée. Sauf que, ben, La tour infernale
fait
partie de ces longs-métrages qui à l'époque se découvraient
doublées en français. Un doublage remarquable que l'on ne peut donc
pas concevoir comme étant remplacé sur le mode du ''downgrade''.
Passé sur ce piège dans lequel sans doute certains sont tombés,
redécouvrir le film dans les meilleures conditions qu'il se doit
demeure une expérience extraordinaire. Cent-soixante cinq minutes...
deux heure quarante-cinq de pur bonheur. Comment tenir en haleine un
public qui à l'époque n'était sans doute pas encore coutumier de
longs-métrages dépassant les quatre-vingt dix ou les cent minutes ?
Et bien, tout d'abord, en réunissant sur un même plateau parmi les
acteurs américains les plus célèbres d'alors. Steve McQueen, Paul
Newman, William Holden, Richard Chamberlain, Robert Vaughn ou Robert
Wagner pour les hommes ainsi que les magnifiques Faye Dunaway, Susan
Blakely et Susan Flannery pour la gente féminine...
Ensuite,
le cadre. L'inauguration d'une magnifique tour de plus de cent-trente
étage où va avoir lieu un tragique incendie. Hauteur vertigineuse,
peur du vide, du feu... claustrophobie... de quoi alimenter les
phobies de centaines de convives à une soirée qui va vite tourner
au cauchemar ainsi que celles des spectateurs. L'architecte Douglas
Roberts et le colonel des sapeurs pompiers Michael O'Hallorhan face à
une catastrophe dont l'ampleur est exceptionnelle. Des héros
ordinaires pour certains, et des individus, parfois, sans la moindre
morale comme les personnifie à merveille l'acteur Richard
Chamberlain qui interprète ici l'ingénieur électricien Roger
Simmons, fiancé à Patty Simmons, la fille du promoteur Jim Duncan.
Infidèle et surtout responsable d'avoir voulu économiser des frais
d'installation électrique dont les conséquences seront terribles.
Comme tout bon film catastrophe, La tour
infernale démarre
par une bonne grosse demi-heure de caractérisation. Vous savez ?
Ce concept qui permet de s'attacher aux personnages et de ne surtout
pas demeurer indifférent au sort tragique dont ils pourraient être
les victimes. À ce titre, justement, et même s'ils ne se voient
offrir que des rôles mineurs en comparaison de certains autres
interprètes, la mort du couple formé par Susan Flannery/Lorrie et
Robert Wagner/Dan Bigelow s'avère absolument tragique. C'est dans le
détail que s'attaque parfois John Guillermin à certains traits de
caractère. Car au fond, qui se soucie vraiment de la relation
qu'entretiennent Fred Astaire/Harlee Claiborne et Jennifer
Jones/Lisolette Mueller ? Peu de monde sans doute, mais pas le
réalisateur dont la relation de la quasi-totalité des couples se
délite au fur et à mesure que l'histoire développe son implacable
scénario (le film ayant été scénarisé par Stirling Silliphant
sur la base des romans The
Glass Inferno et
The Tower
respectivement écrits par Thomas N. Scortia, Frank M. Robinson et
Richard Martin Stern. Et quand enfin un nouveau couple se forme, que
John Guillermin lui offre-t-il en contrepartie ? La mort de l'une et
le désespoir de l'autre...
L'une
des qualités majeures de La tour infernale est
pour John Guillermin de n'avoir surtout pas privilégié les
effets-spéciaux au détriment de ses interprètes. Et même si
visuellement, on en prend plein la figure durant les deux heures qui
suivent la présentation des personnages, ceux-ci demeurent au centre
de l'intrigue. Steve McQueen et Paul Newman campent un formidable duo
de sauveteurs sans que ni l'un ni l'autre ne tente de tirer à lui la
couverture. Parfaitement dirigé, l'intégralité du casting s'avère
magistral de retenue. Même en cherchant la petite bête, il y a peu
de chose à critiquer concernant l'interprétation. Mais bien
entendu, ce que le public est venu également chercher, c'est ce feu
que les courageux pompiers auxquels rendent hommage le film, le
réalisateur et ses interprètes vont avoir bien du mal à maîtriser.
Multiples incendies, fumée opaque, victimes tombant par les
fenêtres, ascenseurs en panne, cages d'escalier impraticables,
sauvetages en urgence par différents moyens, transport des victimes
d'un immeuble à l'autre, il y a là de quoi passer deux heures et
quarante-cinq minutes de spectacle total. Rarement l'on aura eu
l'impression d'être directement plongés au cœur de la fournaise.
Ajouté à cela, la formidable partition musicale de John Williams,
le montage de Carl et Harold F. Kress et les décors de William J.
Creber et La tour infernale
fait figure de film catastrophe définitif ! Et vous savez
quoi ? Tout cela pour quatorze petits millions de dollars...
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